Lorsque le juge du divorce décide l’octroi d’une indemnité équitable (art. 124 CC) et transmet la cause au juge des assurances sociales, ce dernier doit renvoyer d’office la cause au juge du divorce, et pas seulement inviter les ex-conjoints à mieux agir auprès du juge du divorce.
En l’espèce, le juge du divorce a ordonné le versement d’une indemnité équitable puis transmis la cause au tribunal cantonal des assurances sociales pour fixation du montant et du mode de règlement de celle-ci. Par jugement du 8 juillet 2010, le tribunal des assurances sociales s’est déclaré incompétent, a refusé d’entrer en matière et a invité les ex-conjoints à mieux agir devant le juge du divorce.
De façon générale, il n’appartient pas au juge des assurances sociales de se substituer au juge du divorce et d’examiner lui-même la question de l’indemnité équitable selon l’art. 124 CC (ATF 136 V 225 consid. 5.4 p. 228 s; voir également le texte de l’art. 22b LFLP). Seul le juge du divorce dispose d’une vision d’ensemble de la situation économique concrète des parties et de leurs besoins de prévoyance respectifs. Pour fixer le montant de l’indemnité équitable, la jurisprudence exige en effet de tenir compte de façon adéquate de la situation patrimoniale après la liquidation du régime matrimonial ainsi que des autres éléments de la situation économique des parties après le divorce (ATF 131 III 1 consid. 4.2 p. 4). Le juge des assurances sociales n’ayant pas la faculté de statuer sur l’octroi d’une indemnité équitable au sens de l’art. 124 CC (ATF 129 V 444 consid. 5.4 p. 449), il revient au juge du divorce de compléter le jugement de divorce. La procédure prévue à l’art. 142 al. 2 CC et dans la LFLP cantonne les conjoints divorcés dans un rôle passif, puisqu’ils n’ont aucune prise sur la transmission du dossier au juge des assurances sociales ou sur la décision de celui-ci de ne pas exécuter le partage. Dans ce contexte, exiger de leur part un acte matériel, tel que le dépôt d’un acte introductif d’instance, ne semble guère rationnel. D’ailleurs, la correction du jugement de divorce par le biais des actions prévues par le droit civil (révision, complètement ou modification du jugement de divorce) n’apparaît pas souhaitable, puisque cela permettrait aux parties de décider si elles entendent agir ou non. Or, en cas d’inaction des parties, le risque existe qu’une question que le législateur exige de régler impérativement dans le contexte d’un divorce, à savoir le sort de la prévoyance professionnelle constituée pendant la durée du mariage, demeure sans réponse. Pareille situation ne serait alors pas conforme à la volonté du législateur fédéral. Dans ces conditions, en tant que l’art. 142 al. 2 CC impose la transmission d’office du jugement de divorce au juge des assurances sociales pour qu’il exécute le partage des prestations de sortie, il convient d’admettre que cette disposition contient également l’obligation implicite pour le juge des assurances sociales de renvoyer d’office la cause à la juridiction civile, comme objet de sa compétence, lorsqu’il constate l’impossibilité d’exécuter le mandat qui lui a été confié par le juge du divorce. Le renvoi d’office au juge du divorce est la conséquence logique et nécessaire du système particulier mis en place par le législateur à l’art. 142 al. 2 CC (ATF 136 V 225 consid. 5.3.2 et 5.3.3 p. 228 s).
Art. 124 et 142 CC
(TF, 8.06.11 {9C_737/2010}, Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 124, 15.09.2011)