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Les époux X. sont tous deux français et domiciliés en France. Pendant toute la durée du mariage, Monsieur X. a travaillé à Genève et a été affilié auprès d’une caisse de pension en ­Suisse. En 2008, le juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de Thonon-les-Bains (France) a prononcé le divorce des époux. Il a notamment condamné Monsieur X. à payer à son ex-épouse la somme de 60 000 euros à titre de prestation compensatoire. En 2009, Madame X. a déposé devant le Tribunal de première instance du canton de Genève une action en complément du jugement de divorce à l’encontre de Monsieur X. Elle concluait notamment à ce que la juridiction saisie complète le jugement de divorce rendu le 10 avril 2008 en ce sens que le partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés par son ex-mari pendant la durée du mariage soit ordonné. Par jugement du 15 avril 2010, le Tribunal de première instance a déclaré la demande irrecevable en se fondant sur le principe de l’autorité de la chose jugée. Statuant sur appel de l’ex-épouse le 22 octobre 2010, la Cour de justice a confirmé le jugement de première instance pour les mêmes motifs. Madame X. a alors recouru au TF. La Cour de justice a considéré que c’était à juste titre que le Tribunal de première instance avait admis sa compétence (art. 6 LDIP) et déclaré le droit suisse applicable (art. 15 LDIP). Ces questions n’ont fait l’objet d’aucune discussion entre les parties devant les instances cantonales. Le TF a déjà eu l’occasion de se prononcer sur la question du complément d’un jugement de divorce français quant au partage des avoirs de prévoyance professionnelle de l’un des époux ayant exercé une activité lucrative en Suisse durant le mariage (ATF 131 III 289; 134 III 661). Aux termes de l’art. 270 CCF, l’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation correspond autant à un dédommagement qu’à une indemnité d’entretien (ATF 131 III 289 consid. 2.8). Il ­existe une différence de nature entre la prestation compensatoire du droit civil français et le partage des avoirs de prévoyance prévu par les art. 122 ss CC, institution que la législation française ne connaît pas comme telle (ATF 131 III 289 consid. 2.8 s; 134 III 661 consid. 3.3). La comparaison entre ces deux institutions juridiques montre en effet des différences fondamentales en ce qui concerne le but politico-juri­dique, la justification de la prétention et l’aménagement de détail (ATF 131 III 289 consid. 2.8 s). Il s’ensuit que, dans la mesure où la prestation compensatoire n’a pas été fixée en tenant compte des avoirs de libre passage de l’époux débiteur (ATF 134 III 661 consid. 3.3), l’époux créancier doit pouvoir prétendre à l’une comme à l’autre: l’octroi d’une prestation compensatoire n’exclut pas le droit au partage des avoirs de prévoyance. En l’espèce, le jugement de divorce ne contient aucune référence expresse à la prestation de prévoyance de l’ex-mari. La cour cantonale remarque certes que le montant de la prestation compensatoire a été déterminé en tenant compte de la retraite des parties, sur la base d’une simulation de leurs pensions. Il n’empêche qu’aucune attestation de la caisse de prévoyance de l’ex-mari quant aux montants des avoirs accumulés auprès ­d’elle n’a été produite devant le juge français. Il faut par conséquent en conclure que ladite simulation a été effectuée sans disposer de cet élément essentiel, la production de fiches de salaires, de surcroît devant un juge qui ne connaît pas l’institution de la prévoyance, ne suffisant pas, à elle seule, à déterminer le montant de ces avoirs. La Cour de justice ne pouvait donc, sans arbitraire, en déduire que le juge du divorce les aurait indirectement pris en considération dans la mesure où il ne disposait pas des éléments propres à en déterminer le montant, et refuser ainsi d’entrer en matière sur le complément sollicité par la recourante. Le TF a donc admis le recours pour ce motif.

Art. 122 CC; art. 6 et art. 15 LDIP

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(TF, 1.06.11 {5A_835/2010}, Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 124, 15.09.2011)

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