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La surprise et l’incompréhension sont toujours grandes quand le propriétaire foncier désireux de construire ou de vendre apprend de l’architecte ou de l’agent immobilier que l’immeuble est enregistré dans un «inventaire». Il n’y a jamais eu de notification officielle des autorités, que s’est-il passé?

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1. Faits et contexte
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La surprise, mais aussi l’incompréhension et souvent la mauvaise humeur sont grandes quand le propriétaire foncier désireux de construire ou de vendre apprend soudainement que la commune1 a «inventorié» en totalité ou en partie sa maison et, le cas échéant, aussi ou seulement le jardin afférent. La même situation peut aussi se produire pour une communauté des héritiers souhaitant vendre un immeuble inventorié ou lorsqu’un héritier doit reprendre l’immeuble concerné dans le cadre du partage successoral.

Ainsi, les personnes concernées se sentent régulièrement heurtées parce que la commune ne les a jamais informées d’une telle «inventorisation» et que le calendrier prévu pour le projet de construction ou la vente de l’immeuble doit généralement être redéfini.

Dans les faits, cette manière de procéder des autorités est malheureuse, bien qu’elle soit juridiquement recevable, comme le montreront les explications ci-après. Parallèlement, ces explications ont aussi vocation à sensibiliser, afin de limiter de telles surprises, voire de les éviter complètement dans la mesure du possible.

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2. Bases juridiques
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Conformément à la loi sur la planification et la construction du canton de Zurich (Planungs- und Baugesetz; «PBG» ci-après), des bâtiments et des parties ainsi que leurs accessoires qui méritent d’être conservés, parce qu’ils témoignent d’une époque politique, économique, sociale ou architecturale, peuvent notamment être inventoriés. Une inventorisation de parcs et de jardins précieux, d’arbres, d’essences forestières, de bosquets et de haies est également possible (cf. à ce propos le § 203 al. 1 let. b et let. f PBG). Les autorités2 responsables des mesures de protection établissent des inventaires de tels objets sous protection, les inventaires pouvant être consultés auprès de l’administration communale du lieu où se situe la chose.

Problème: dans le scénario décrit en introduction, les immeubles concernés ne figurent justement pas dans un tel inventaire consultable publiquement, dans lequel ne sont inscrits que les objets sous protection qui ont été officiellement inscrits dans l’inventaire en question dans le cadre d’une mesure de protection dite définitive, c.-à-d. généralement suite à une décision, une ordonnance ou un contrat de droit administratif avec la collectivité.

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3. L’inventaire occulte et ses raisons
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Mais de quel inventaire s’agit-il alors? Je le qualifie délibérément d’inventaire occulte. Car cet inventaire n’a même pas d’existence officielle et ne consiste la plupart du temps qu’en un classeur fédéral, dans lequel les objets à protéger sont archivés avec une description succincte plus ou moins détaillée de la nécessité de les protéger. Cette situation très insatisfaisante est essentiellement et directement en relation avec la notification précitée, également très malheureuse car manquante de l’autorité communale au propriétaire foncier concerné de l’«inventorisation provisoire3» de son bien immobilier (ou des parties de celui-ci).

Car en vertu du § 209 al. 2 PBG, la notification administrative écrite, c.-à-d. officielle, au propriétaire foncier de l’inscription de son immeuble dans l’inventaire déclenche non seulement l’interdiction d’apporter des modifications effectives à l’objet désigné, sans l’autorisation de l’autorité ayant ordonné la mesure, mais aussi un délai de péremption d’un an visant à prendre une «décision durable» concernant l’objet sous protection. En d’autres termes, l’interdiction de transformation est sans effet si l’autorité de la commune n’a pas pris une mesure de protection définitive à propos de l’immeuble concerné dans un délai d’un an suivant la notification écrite en question.4

Si l’on se remémore le classeur fédéral précité dans la chancellerie communale avec les constructions vraisemblablement dignes de protection qui y sont archivées, on comprend pourquoi les autorités ne peuvent et ne doivent pas informer les propriétaires fonciers concernés de cette «inventorisation provisoire».5 Car chacune de ces notifications officielles déclenche le délai d’un an séparé pour chacun des immeubles enregistrés dans l’inventaire occulte en question. On peut comprendre que n’importe quelle autorité communale n’aurait sans doute pas les ressources personnelles, voire financières6, ni même le temps de procéder au contrôle de la nécessité définitive de protéger les différents immeubles, qui impliquerait généralement aussi le recours parallèle à des experts.

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4. Que faire? – Action en provocation
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Lorsqu’un propriétaire foncier a connaissance (par quelque moyen que ce soit) du fait que son immeuble est enregistré dans l’inventaire occulte ou qu’il souhaite avoir le cœur net concernant une telle inventorisation dans la perspective d’un projet de construction ou de la vente de l’immeuble, il ne lui reste que la fuite en avant pour obtenir une réponse définitive7 à sa requête.

Ainsi, en vertu du § 213 PBG, tout propriétaire foncier est en tout temps autorisé à exiger de la collectivité une décision quant à la nécessité de protéger son immeuble et à l’étendue des mesures de protection éventuelles, s’il établit de manière crédible un intérêt actuel. Il suffit pour cela qu’il ait des intentions de construire concrètes ou qu’il puisse convaincre l’autorité communale de façon crédible d’un partage successoral imminent ou de la vente de l’immeuble éventuellement concerné par l’inventorisation.

Une telle action en provocation écrite doit être déposée auprès du conseil communal. Par la suite, la collectivité compétente prend la décision au plus tard dans un délai d’un an, sachant qu’elle peut exceptionnellement aviser le propriétaire foncier, avant l’expiration du délai, que la durée de traitement va se prolonger d’au plus un an.

Durant cette période, l’autorité vérifie que l’immeuble indiqué dans l’action en provocation figure bien dans l’inventaire occulte et, au cas où il serait inventorié, si la nécessité de le protéger en totalité ou en partie est indiquée ou non.

Si la commune conclut (pour quelque raison que ce soit8) qu’il ne doit pas y avoir de mise sous protection, cette décision est formellement notifiée au propriétaire foncier concerné. De même, la mise sous protection ainsi que la renonciation formelle contraire à une mise sous protection, tout comme l’expiration du délai de péremption non mis à profit par l’autorité selon le § 213 al. 3 PBG, doivent être publiés dans les organes de publication officiels. Les documents sur lesquels se fonde la décision correspondante doivent par ailleurs être publiquement consultables pendant le délai de recours de 30 jours pour que le propriétaire foncier concerné par un enregistrement dans l’inventaire, mais aussi des tiers (notamment les organisations de protection de la nature et du paysage et les voisins dans le cas d’une renonciation à une inventorisation) puissent contester la décision de la commune devant le tribunal des recours en matière de construction.9

Dans tous les cas, l’action en provocation déclenche une procédure de contrôle administrative, voire judiciaire, qui demande forcément du temps et de l’argent, une durée de procédure d’au moins un an devant régulièrement10 être prévue. Alternativement à l’action en provocation et si toutes les parties prenantes sont d’accord sur l’étendue de la protection, un contrat de protection de droit administratif peut également être conclu avec l’autorité compétente dans un plus bref délai.11

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5. Conclusion et recommandations
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Les inventaires occultes constitués par la commune sont non seulement contrariants pour les propriétaires fonciers concernés, mais peuvent aussi retarder, renchérir considérablement, voire empêcher un projet de construction, un partage successoral ou une vente.

Si un propriétaire foncier envisage de telles transactions immobilières, les recommandations suivantes doivent être prises en compte:

  • Prise de contact précoce, par téléphone ou par courrier, avec l’autorité communale compétente, pour savoir si l’immeuble, la maison, le jardin (y compris les différents arbres) sont inventoriés en totalité ou en partie.
  • Recherches sur Internet12 afin de déterminer si l’immeuble en question se situe éventuellement dans une zone particulière, p. ex. une zone archéologique ou à proximité de sites construits à protéger d’importance supracommunale.
  • S’il y a inventorisation ou si celle-ci ne peut pas être exclue, une action en provocation écrite doit être adressée à l’autorité communale compétente, avant d’engager les activités de construction ou de vente prévues. Il faut alors accepter de réveiller des chats qui dorment, au cas où un immeuble n’aurait pas (encore) été provisoirement inventorié.

Au final, on dispose d’une décision administrative ou judiciaire, selon laquelle la collectivité, soit:

  • renonce à la mise sous protection de l’immeuble en question, celui-ci pouvant donc être retiré de l’inventaire occulte. Soit:
  • La collectivité ou des tiers qui interviennent dans la procédure de mise sous protection (notamment des associations de protection de la nature et du patrimoine) obtiennent totalement ou partiellement gain de cause avec la mise sous protection, l’objet à protéger correspondant étant inscrit dans l’inventaire dans le sens d’une mesure de protection durable et définitive, les modifications de l’immeuble en question étant ainsi empêchées et les soins, l’entretien et le cas échéant la restauration étant assurés.
  • Alternativement à l’action en provocation et si toutes les parties prenantes sont d’accord sur l’étendue de la protection, un contrat de protection de droit administratif peut être conclu avec l’autorité compétente dans un plus bref délai.
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  1. Cet article porte exclusivement sur l’inventorisation d’objets à protéger d’importance communale dans le canton de Zurich.
  2. Au niveau communal, l’édiction de mesures de protection est généralement déléguée à une commission, qualifiée de commission du paysage urbain, de la culture, des monuments historiques ou de protection de la nature et du paysage. Cf. à ce sujet l’ordonnance du canton de Zurich sur la protection de la nature et du paysage, LS 702.11.
  3. L’inventorisation «provisoire» doit être distinguée de la mise sous protection «préventive» selon le § 210 PBG. Car cette dernière est certes également une mesure de protection sans ouverture d’un inventaire, mais elle doit être formellement décidée et déclenche également une interdiction de transformation d’un an (Fritzsche / Bösch / Wipf, Zürcher Planungs- und Baurecht, Zurich 2011, p. 214, ch. 4.3.2.2).
  4. Tant une mise sous protection que la renonciation complète ou partielle à celle-ci ne peuvent en principe pas donner lieu à une reconsidération (Fritzsche / Bösch / Wipf, op. cit., p. 228, ch. 4.5.7 et p. 229 s., ch. 4.5.9).
  5. L’inventorisation ne constitue pas un acte administratif contestable; cf. également à ce sujet Dominik Bachmann in: PBG Aktuell, 2010, p. 38 s.
  6. Les coûts afférents aux expertises demandées par la commune afin de clarifier la nécessité (définitive) de protéger un objet, tout comme tous les autres coûts générés à cette occasion, ne peuvent pas être imposés au propriétaire foncier. C’est le cas même si le propriétaire foncier engage une action en provocation (cf. à ce sujet ci-après et Fritzsche / Bösch / Wipf, op. cit., p. 227, ch. 4.5.5 avec d’autres preuves).
  7. Un assujettissement après l’expiration du délai n’est plus recevable que si les conditions ont considérablement évolué (Fritzsche / Bösch / Wipf, op. cit., p. 215, ch. 4.3.3 et p. 227, ch. 4.5.6).
  8. Les motifs financiers ont également leur importance, car une mise sous protection peut être liée à des coûts élevés, soit parce que les règlements communaux prescrivent des contributions aux soins, à l’entretien ou à
  9. Cf. à ce sujet Fritzsche / Bösch / Wipf, op. cit., p. 215, ch. 4.3.3 et p. 227 s., ch. 4.5.6.
  10. La durée de la procédure dépend essentiellement de la rapidité avec laquelle la collectivité déclare la nécessité de protéger l’immeuble inventorié. Le § 213 al. 3 PBG accorde pour cela un délai d’un an à la collectivité avec une option de prolongation éventuelle d’une année supplémentaire. Il est tout aussi déterminant que des tiers, notamment des associations de protection de la nature et du patrimoine, participent à la procédure.
  11. Dans ce cas, une inventorisation durable est impérative ou une radiation pure et simple de l’inventaire occulte ne fait pas l’objet des négociations avec les autorités et / ou les tiers impliqués.
  12. Cf. www.cadastre.ch et notamment les données immobilières enregistrées pour le canton, par exemple pour le canton de Zurich sur www.gis.zh.ch, ainsi que les systèmes d’information géographiques communaux en cours de constitution.
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