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Depuis le 1er janvier 2008, toute personne ou entreprise qui fournit des prestations de révision légalement prescrites doit être agréée par l’ASR. Il s’agit d’analyser ici les conséquences d’une révision sans agrément en droit administratif, en droit pénal et en droit civil.

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1. Introduction
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Le nouveau droit de la révision est entré en vigueur en plusieurs étapes, en 2007 et 2008. Conformément à la volonté du législateur, la nouvelle loi a pour but de garantir l’exécution régulière et la qualité des prestations en matière de révision (art. 1 al. 2 LSR1). Le Conseil fédéral et le Parlement ont confié l’exécution de cette législation à l’Autorité fédérale de surveillance en matière de révision (ASR).

Depuis le 1er janvier 2008, toute personne ou entreprise qui fournit des prestations de révision légalement prescrites doit être agréée par l’ASR.2 La très grande majorité des professionnels et des entreprises de révision ont répondu à cette obligation en demandant leur agrément dans les délais fixés.3

L’ASR a toutefois identifié plusieurs personnes et entreprises qui ont fourni des prestations de révision sans agrément. Il s’agit d’analyser ici les conséquences d’une révision sans agrément en droit administratif, en droit pénal et en droit civil. Les commentaires se limitent au cas de la société anonyme pour ce qui est des conséquences pour l’entreprise révisée.

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2. Conséquences en droit pénal
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2.1 Généralités
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La LSR contient, en sus des dispositions réglant l’agrément et la surveillance des entreprises et des personnes physiques qui fournissent des prestations en matière de révision, deux dispositions de nature pénale. Ainsi, l’art. 39 LSR énumère diverses infractions qualifiées de contraventions et punies d’une amende de 100 000 francs au plus. La peine étant de 50 000 francs au plus lorsque l’infraction est commise par négligence (art. 39 al. 2). Par ail­leurs, la poursuite et le jugement de ces contraventions incombent à l’ASR (art. 39 al. 3).

Quant à l’art. 40 LSR, il contient une liste d’infractions qualifiées de délits, selon la note marginale. Parmi celles-ci, figure la fourniture de prestations en matière de révision sans l’agrément requis ou en dépit de l’interdiction d’exercer son activité. Une telle infraction est punie de l’emprisonnement ou d’une amende de 1 mil­lion de francs au plus (art. 40 al. 1 let. a LSR). Lorsqu’elle est commise par négligence, elle est punie d’une amende de 100 000 francs au plus (art. 40 al. 2).4 La poursuite et le jugement des délits énumérés dans cette disposition incombent aux cantons (art. 40 al. 3).

L’art. 40 LSR est formulé selon la terminologie existante sous l’ancien droit pénal. Le Code ­pénal a en effet notamment fait l’objet d’une révision de son système de sanction entrée en vigueur le 1er janvier 2007.5 Une des nouveautés consiste à remplacer de manière générale les courtes peines privatives de liberté par des peines pécuniaires calculées sur la base de jours-amendes. Cette révision a égale­ment conduit à une adaptation des termes utilisés pour les sanctions. Ainsi, l’ancien droit mentionnait la réclusion, l’emprisonnement, les arrêts ou encore les amendes. Le nouveau droit se réfère désormais aux notions de peines privatives de liberté, de peines pécuniaires et d’amendes. Afin de distinguer, sous le nouveau droit, les différents types de peines financières, le terme de peine pécuniaire est utilisé dans le système des jours-amendes, alors que le terme d’amende est maintenu pour le domaine du droit des contraventions.

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2.2 L’article 40 LSR, contravention ou délit?
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Dans le cadre d’une procédure pénale ouverte à l’encontre d’une personne ayant révisé les comptes d’une institution de prévoyance sans disposer d’un agrément, une autorité pénale cantonale a fait deux constatations intéressantes sous l’angle du droit pénal.

  • Elle a d’abord mentionné, à juste titre, que la formulation de l’art. 40 al. 1 LSR, qui prévoit l’emprisonnement ou l’amende de 1 million de francs au plus, ne fait plus de sens dans le nouveau droit.6 Cela s’explique par le fait que les infractions passibles d’une peine d’emprisonnement ou d’une amende selon l’ancien droit sont désormais passibles d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire. En outre, l’amende prévue par le droit pénal accessoire pour les crimes et les délits prévus par l’ancien droit doit être transformée en peine pécuniaire instituée dans le cadre du système des jours-amende.7
    Ainsi, l’amende mentionnée à l’art. 40 al. 1 LSR, dès lors qu’elle est inférieure au maximum prévu pour la peine pécuniaire, devient superflue.8 Cela étant, au regard du nouveau droit, cette disposition doit être comprise en ce sens qu’elle sanctionne sa violation par une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire.9
    Selon l’art. 10 al. 3 CP10, sont qualifiés de ­délits les infractions passibles d’une peine privative de liberté n’excédant pas trois ans ou d’une peine pécuniaire. Compte tenu de la sanction prévue par l’art. 40 al. 1 LSR, la violation de cette disposition constitue donc ­aussi bien sous l’ancien que sous le nouveau droit un délit.
  • La deuxième constatation faite par l’autorité pénale cantonale concerne l’art. 40 al. 2 LSR qui punit d’une amende de 100 000 francs au plus l’auteur ayant agi par négligence.
    Elle a retenu sur ce point que s’il fallait substituer à l’amende prévue par cette disposition la peine pécuniaire, la peine infligée dans le cadre de l’infraction commise par négligence serait la même que celle sanctionnant le délit intentionnel car, selon le nouveau droit, cette amende doit être augmentée au montant maximum de la peine pécuniaire. Or, à son avis, cela ne correspondrait pas à la ­volonté du législateur. Elle a considéré que la sanction prévue à l’art. 40 al. 2 LSR devait dès lors être comprise comme une amende de nature contraventionnelle, nonobstant la note marginale de l’art. 40 LSR visant les ­alinéas 1 et 2 de cette disposition, qui mentionne le délit.
    Ce raisonnement ne peut être suivi. Il est vrai que le législateur entendait prévoir une sanction financière moins importante lorsque l’infraction est commise par négligence. L’on ne saurait toutefois déduire de cette seule constatation que l’art. 40 al. 2 LSR doit être qualifiée de contravention:
    Le Code pénal prévoit clairement une clé de conversion pour les peines encourues en vertu de textes légaux qui n’ont pas été adaptés à la suite de la révision du Code pénal, ce qui est le cas de l’art. 40 LSR. Selon cette clé de conversion, l’amende pour un crime ou un délit est transformée en peine pécuniaire et le système des jours-amende trouve appli­cation (art. 33 al. 5 CP). Or, l’art. 40 LSR qualifie les infractions qu’il sanctionne de délits quand bien même elles auraient été commises par négligence. Il n’y a dès lors aucune raison de s’écarter de la règle claire instituée par le Code pénal et de renoncer à qualifier l’amende prévue à l’art. 40 al. 2 CP de peine pécuniaire.11
    A cela s’ajoute, qu’à l’art. 40 LSR, le législateur a prévu des sanctions différentes pour les infractions commises intentionnellement et par négligence. Dans les cas d’infractions intentionnelles, la sanction est une peine ­privative de liberté de 3 ans au plus ou une peine pécuniaire. Pour celles commises par négligence, seule une peine pécuniaire peut être prononcée. Or, il importe de se référer à l’ensemble de la peine encourue par l’auteur de l’infraction et non de s’arrêter à la seule sanction financière qui peut être prononcée contre ce dernier.
    Par ailleurs, également au regard de la systématique même de la LSR, la conclusion de l’autorité pénale cantonale ne peut être suivie. La LSR distingue clairement les contraventions (art. 39 LSR) des délits (art. 40 LSR) ainsi que les cas où les prestations de révision sont fournies intentionnellement, res­pectivement par négligence, sans l’agrément requis. Or, le cas de négligence est clairement mentionné à l’art. 40 LSR et non à l’art. 39 LSR.12
    Pour toutes ces raisons, il apparaît que l’infraction à l’art. 40 al. 2 LSR constitue un ­délit et non une contravention.13
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2.3 Intention ou négligence?
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L’art. 12 CP, à ses alinéas 2 et 3, définit les notions d’intention et de négligence. Ainsi, agit intentionnellement quiconque commet un ­crime ou un délit avec conscience et volonté. L’auteur agit déjà intentionnellement lorsqu’il tient pour possible la réalisation de l’infraction et l’accepte au cas où celle-ci se produirait (art. 12 al. 2 CP). L’intention peut ainsi se présenter principalement sous deux formes, le dol direct et le dol éventuel. Dans le premier cas, on considère en substance que l’auteur de l’infraction a connaissance des faits qui rendent son comportement illicite et qu’il choisit de violer la loi. Dans le second cas, l’auteur tient pour possible la survenance du résultat, respectivement la réalisation de l’infraction, mais agit quand même, parce qu’il accepte le résultat pour le cas où il se produirait et s’en accommode, même s’il le juge indésirable et ne le souhaite pas.14

Agit en revanche par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, commet un crime ou un délit sans se rendre compte des conséquences de son acte ou sans en tenir compte. L’imprévoyance est coupable quand l’auteur n’a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle (art. 12 al. 3 CP). L’auteur agit par négligence lorsqu’il viole un devoir de diligence que les circonstances lui imposaient ou lorsqu’il n’a pas déployé l’attention et les efforts qu’on pouvait attendre de lui pour se conformer à son devoir. Mais il faut encore que la violation de ce devoir de diligence puisse lui être imputée à faute. Ainsi, au moment d’agir, l’auteur reconnaissait ou devait reconnaître, au regard des circonstances, de ses connaissances et capacités, qu’il mettait en danger un bien juridiquement protégé et qu’il excédait les limites acceptables du risque.15

En pratique, la distinction entre le dol éventuel (qui constitue une forme d’intention) et la négligence dite consciente16 n’est pas aisée. En effet, dans les deux cas, l’auteur a conscience de la possibilité ou du risque que l’infraction se réalise. On retient toutefois le dol éventuel lorsque l’auteur accepte l’éventualité que l’in­fraction se réalise alors que la négligence consciente est admise lorsque celui-ci perçoit le risque mais n’accepte pas la perspective que l’infraction se produise.17 Dans la mesure où l’élément volitif est déterminant ici, la preuve est difficile à rapporter. Cependant, des indices extérieurs, telles que la forte probabilité de la réalisation du risque connu de l’auteur, l’imminence de celle-ci et l’importance de la violation du devoir de prudence, mais aussi la manière d’agir de l’auteur et ses motivations18, peuvent permettre de conclure que l’auteur avait accepté l’éventualité de la survenance du résultat dommageable et donc le dol éventuel.19 Si le juge ne parvient pas à se convaincre que l’auteur de l’infraction avait accepté sa réalisation, il doit uniquement retenir la négligence consciente, le doute devant profiter à l’accusé (in dubio pro reo).

Appelée à juger le cas d’une personne ayant révisé le bilan de liquidation d’une institution de prévoyance sans disposer d’un agrément, une autorité pénale cantonale a considéré que l’auteur de l’infraction avait agit par négligence consciente.

Dans le cas particulier, elle a retenu, à dé­charge de l’auteur, qu’il n’avait jamais eu la volonté d’effectuer des mandats de révision, sous réserve de celui qui était litigieux, ce qui était une exception. En outre, il avait signé le rapport en 2008 en raison du retard dans la procédure de répartition de la fortune libre; l’Autorité de surveillance des fondations et des institutions de prévoyance ayant mis plus de deux ans (de 2006 à 2008) à approuver le plan de répartition des fonds libres. Elle a également retenu, qu’au vu de ses capacités (l’auteur étant titulaire d’un diplôme d’expert-fiscal et de comptable), il aurait dû se rendre compte qu’il ne respectait pas les obligations qui lui incombaient en vertu de la LSR et a dès lors violé son devoir de diligence. Sur la base de l’ensemble des éléments, singulièrement du fait qu’il ne s’agissait que d’un seul cas, l’autorité pénale cantonale a ­estimé qu’il avait agi par une imprévoyance coupable et qu’il n’avait pas voulu ce résultat.

Si, dans le doute, le juge doit retenir la négligence plutôt que le dol éventuel, la qualification juridique des faits retenue par l’autorité pénale cantonale apparaît somme toute plus que clé­mente. On soulignera en effet que l’auteur de l’infraction a déclaré n’avoir jamais eu la volonté d’effectuer des mandats de révision hormis le mandat litigieux, ce qui tend déjà à démontrer qu’il a accepté une situation particulière. Il a également précisé avoir signé le rapport de révision litigieux en 2008 en raison du retard pris par l’Autorité de surveillance des fondations et des institutions de prévoyance pour l’approbation du plan de répartition, sous-entendant en cela que si le plan avait été approuvé avant, le rapport aurait été rendu avant l’obligation de disposer d’un agrément pour réviser les comptes. Par ces explications, l’auteur tente d’excuser son comportement en mettant la faute sur le retard pris par l’Autorité de surveillance des fondations et des institutions de prévoyance, ce qui constitue un indice supplémentaire qu’il a accepté le risque de commettre une infraction. Ces indications tendent ainsi bien plutôt à démontrer que l’auteur de l’infraction a tenu pour possible la réalisation de l’infraction, mais a agi quand même, acceptant le résultat pour le cas où il se produirait et s’en est accommodé, même s’il le jugeait indésirable et ne le souhaitait pas.

En d’autres termes, le dol éventuel aurait dû être retenu, de sorte que l’infraction aurait dû être considérée comme ayant été commise par intention et non par négligence.

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2.4 Erreur de droit?
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L’erreur de droit, ou plus largement l’erreur sur l’illicéité, est définie à l’art. 21 CP. Aux termes de cette disposition, quiconque ne sait ni ne peut savoir au moment d’agir que son comportement est illicite n’agit pas de manière cou­pable. Le juge atténue la peine si l’erreur était évitable.

Pour qu’il y ait erreur sur l’illicéité, il faut que l’auteur ait agi alors qu’il se croyait en droit de le faire. Il doit exister pour cela des motifs suffisants.20 Il ne suffit en revanche pas que l’auteur pense que son comportement n’est pas punissable, ni qu’il ait tout simplement cru à l’absence de sanction.21 L’erreur sur l’illicéité est évitable par exemple lorsque l’auteur avait ou aurait du avoir des doutes suffisants quant à la licéité de son comportement ou encore lorsque l’auteur sait qu’une réglementation légale existe mais qu’il ne s’est pas suffisamment renseigné.22

Dans un cas, une autorité pénale cantonale a retenu l’erreur de droit. L’auteur de l’infraction avait révisé les comptes 2008 de sociétés anonymes alors qu’il ne disposait pas d’un agrément. Ce dernier a notamment fait valoir qu’il pensait que des règles transitoires existaient, équivalentes à celles concernant l’adaptation des statuts en vue de la renonciation à des révisions et donc qu’il pouvait réviser les comptes jusqu’au 31 décembre 2009 sans agrément.

Dans sa décision, l’autorité pénale cantonale a retenu que l’auteur connaissait les obligations qui lui incombaient à la suite de l’entrée en ­vigueur de la LSR mais qu’il pensait bénéficier d’un délai transitoire. Elle a estimé qu’il avait probablement confondu les différentes dispositions transitoires, singulièrement les articles 2 et 7 des dispositions transitoires de la modification du 16 décembre 200523.

A cela s’ajoutait que deux des sociétés révisées avaient renoncé à la révision et qu’il existait un délai vraisemblablement non contraignant fixé au 30 juin 2009 par l’Office fédéral du registre du commerce (OFRC) dans le cas d’une déclaration de renonciation à la révision.24 Sur ce dernier point, elle s’est également référée à l’art. 174 ORC25. Selon cette disposition, une révision des comptes annuels du dernier exercice ayant commencé avant le 1er janvier 2008 est exigée à l’appui d’une déclaration de renonciation.

L’autorité pénale cantonale a dès lors estimé, en application du principe in dubio pro reo, que l’auteur de l’infraction pouvait raisonnablement penser qu’il était compétent pour établir les rapports des sociétés ayant renoncé à la révision. Elle a souligné à cet égard qu’il paraissait incohérent de mandater un nouveau réviseur sans connaissance de la société pour effectuer un seul et dernier rapport. Sur la base de ces éléments, elle a considéré qu’il y avait eu erreur de droit mais que celle-ci était évitable car l’auteur de l’infraction aurait dû vérifier les obligations légales découlant de l’entrée en vigueur de la LSR. Elle a dès lors atténué la peine.

Ici aussi, en retenant l’erreur de droit, l’autorité pénale cantonale semble avoir fait preuve d’une clémence toute particulière. On relèvera en ­effet que ni la LSR, dont l’auteur de l’infraction avait connaissance, ni les dispositions ordinaires du CO relatives au droit de la révision ne font état d’une période transitoire durant laquelle il serait permis de réviser sans agrément les comptes débutant au 1er janvier 2008 d’entreprises soumises à révision. Même la communication de l’OFRC, à laquelle semble se référer l’auteur de l’infraction, mentionne clairement que les nouvelles dispositions en matière de révision s’appliquent aux exercices annuels qui ont commencé après le 31 décembre 2007.

Dans de telles circonstances, les déclarations de l’auteur de l’infraction, selon lesquelles il pensait qu’une période transitoire plus longue existait, apparaissent peu crédibles. La confusion, pour un homme du métier, est difficilement perceptible dès lors que l’art. 2 des dispositions transitoires, qui prévoit un délai de deux ans pour adapter les statuts, se réfère clairement aux sociétés à responsa­bilité et non aux sociétés anonymes. Or, les ­entreprises révisées dans le cas jugé étaient uniquement des sociétés anonymes. Quant à l’art. 174 ORC, on ne voit pas en quoi il aurait pu créer une confusion dans l’esprit de l’auteur de l’infraction puisque cette disposition se ­réfère à la révision des comptes de l’exercice débuté avant le 1er janvier 2008 et non après. Cela étant, l’erreur de droit n’apparaît pas suffisamment motivée.

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2.5 Quotité de la peine
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A ce jour, aussi bien les autorités pénales cantonales de Suisse romande que celles de ­Suisse alémanique ont rendu des décisions en raison de révisions effectuées sans agrément.

Dans certaines décisions, on constate une tendance à trouver des solutions en vue de justifier une peine trop atténuée. On l’a vu, dans un cas, les autorités pénales cantonales ont qualifié l’infraction par négligence prévue à l’art. 40 al. 2 LSR de contravention26 et, dans un autre cas, une erreur de droit27, considérée toutefois comme évitable, a été retenue. En ce qui concerne plus particulièrement la quotité de la peine, l’infraction par négligence a été sanctionnée par une amende de 1000 francs. Pour ­celle commise à la suite d’une erreur de droit évi­table, la sanction prononcée a été une peine pécuniaire de 5 jours-amende (jour-amende: 210 francs) avec sursis pendant 2 ans. Dans les cas où les autorités pénales cantonales ont retenu l’infraction intentionnelle, elles ont prononcé des peines pécuniaires de 10 jours-amende (jour-amende: 300 francs) avec sursis pendant 2 ans complétée par une amende de 600 francs, de 30 jours-amende (jour-amende: 50 francs) avec sursis pendant 2 ans com­plétée par une amende de 750 francs, et à 40 jours-amende (jour-amende: 260 francs) avec sursis pendant 2 ans complétée par une amende de 2000 francs.

Les sanctions financières prononcées apparaissent en tous les cas bien clémentes. Elles ne semblent par ailleurs pas correspondre à la ­volonté du législateur de la LSR. Celui-ci a en effet prévu des peines allant jusqu’à 1 080 000 francs pour les infractions intentionnelles et 100 000 francs pour celles commises par négligence. Dans son Message, le Conseil fédéral a par ailleurs expliqué que ces montants étaient justifiés au vu de la réalité économique et de l’énorme dommage que peut engendrer une révision non conforme.28 Par ailleurs, les honoraires perçus ont certainement été, dans la ­plupart des cas, plus élevés que les amendes prononcées.

Il s’agit certes de peines financières maximales et, dans la détermination de la peine, le juge doit tenir compte de divers éléments dont notamment l’ampleur du préjudice, la valeur et la hiérarchie des biens juridiques en jeu.29 Il doit en particulier également prendre en considération la taille de l’entreprise révisée et le montant des honoraires perçus par le réviseur.

Ainsi, il serait souhaitable que les autorités de poursuite pénale usent de leur pouvoir d’appréciation et appliquent le nouveau droit en tenant compte de la volonté du législateur. D’autant d’ailleurs au vu des importantes conséquences civiles pour la ou les entreprises dont les comptes ont fait l’objet d’une révision par des organes non agréés.30

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3. Conséquences en droit ­administratif
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3.1 Réputation et garantie d’une activité de révision irréprochable
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Les personnes physiques sont agréées par l’ASR en qualité d’expert-réviseur ou de réviseur lorsqu’elles satisfont aux exigences en matière de formation et de pratique professionnelle et qu’elles jouissent d’une réputation ­irréprochable (art. 4 et 5 LSR).

La notion de réputation irréprochable a été précisée par le Conseil fédéral dans l’ordonnance sur la surveillance de la révision (art. 4 OSRev31): pour être agréée, une personne doit jouir d’une réputation irréprochable et aucune autre circonstance personnelle ne doit indiquer qu’elle n’offre pas toutes les garanties d’une activité de révision irréprochable. Sont notamment à prendre en considération les condamnations pénales dont l’inscription au casier judiciaire central n’a pas été radiée, et l’existence d’actes de ­défaut de biens.

La liste des critères spécifiés par l’ordonnance n’est ainsi pas exhaustive. L’ASR et le Tribunal administratif fédéral (TAF) fondent par conséquent leur interprétation sur la jurisprudence notamment développée dans le droit des marchés financiers.32

L’examen de la réputation doit prendre en compte non seulement des qualités spécifiques à la profession de réviseur, telles que l’intégrité, la probité ou la diligence irréprochable, mais aussi des qualités générales telles que l’apparence, le respect et la confiance. Selon les ­circonstances, cet examen peut aussi s’étendre à des activités qui dépassent le cadre de l’activité de réviseur ou d’expert-réviseur.

Il s’agit donc d’examiner, dans chaque cas d’espèce, l’ensemble des éléments permettant de conclure à l’exercice irréprochable de la profession de réviseur. Il convient d’établir un pronostic. L’ASR jouit d’une certaine marge d’appréciation en la matière.

La bonne réputation, respectivement la garantie d’une activité de révision irréprochable, doit être interprétée en tenant compte des tâches particulières incombant à l’organe de révision. Selon le TAF, l’examen de la réputation doit aussi tenir compte des compétences professionnelles et du bon comportement dans les affaires. Il faut entendre ici le respect du droit dans sa globalité, c’est-à-dire non seulement le droit de la révision, mais aussi le droit civil et le droit pénal, ainsi que le respect du principe de la bonne foi. L’activité de révision irréprochable est incompatible avec des infractions à des normes juridi­ques essentielles, respectivement avec la violation des devoirs de bonne foi et de diligence.

Il n’est guère possible de dresser une liste exhaustive de tous les éléments déterminants, étant donné qu’il s’agit d’une question qui s’apprécie au cas par cas. Dans sa jurisprudence, le TAF a tenu pour déterminants les jugements pénaux et civils, une situation financière personnelle instable et les infractions aux règles d’indépendance.

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3.2 Cas particulier: révision sans l’agrément requis
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La question qui se pose ici est de savoir comment apprécier, sous l’angle de la garantie de la bonne réputation, les cas de révisions effectuées sans agrément du tout ou sans l’agrément nécessaire. Le TAF a récemment eu l’occasion de se déterminer en cette matière.

Appelé à juger le cas d’un requérant qui avait contrôlé les comptes annuels de 17 sociétés anonymes (dont 16 en contrôle restreint et 1 en révision ordinaire) et qui avait signé les rapports de révision correspondants, le TAF a conclu que les éléments constitutifs objectifs de l’art. 40 al. 1 let. a LSR (révision sans l’agrément requis)33 étaient satisfaits.34 Il a également considéré que les infractions pénales aux dispositions de la LSR conduisent à une appréciation négative de la réputation, quand bien même le tribunal pénal n’a pas encore rendu de jugement.35 L’ASR a donc refusé à juste titre l’octroi de l’agrément en qualité d’expert-réviseur audit requérant.36

Dans ses considérants, le TAF retient que le ­réviseur est tenu de vérifier37 s’il est habilité à effectuer ou à diriger une révision. Dans la ­négative, il doit en informer son client. Les révisions effectuées sans l’agrément requis sont entachées d’un «vice juridique» sur lequel le jugement ne s’étend pas.38

Les considérations exposées ci-dessus s’appliquent par analogie au cas du réviseur agréé qui fournit une prestation de révision nécessitant l’agrément en qualité d’expert-réviseur.

Il y a toutefois deux exceptions:

  • Le réviseur ou l’expert-réviseur qui entend fournir des prestations en matière de révision à titre indépendant doit inscrire sa raison individuelle au registre du commerce (art. 8 al. 1 OSRev). Le fait qu’il effectue une révision sans que son entreprise soit au bénéfice de l’agrément permet de douter de sa maîtrise du nouveau droit de la révision. Toutefois, lui refuser l’agrément ou radier son agrément semble disproportionné. Il y a lieu de lui adresser un avertissement dans ce cas.
  • L’autre cas particulier est celui du réviseur agréé qui effectue une révision ordinaire en infraction à la LSR, mais qui avait une réputa­tion irréprochable et qui, titulaire du di­plôme d’expert-comptable, avait un profil d’auditeur qui aurait largement suffi pour obtenir l’agrément en qualité d’expert-réviseur. Si la situation et le champ d’activité de la personne incriminée portent à croire que l’agrément en qualité de réviseur résulte d’une méprise, il y a lieu de lui adresser, également ici, et dans tous les cas, un avertissement.
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4. Conséquences en droit civil
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4.1 Généralités
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Comme cela ressort des commentaires suivants, la révision sans l’agrément requis peut avoir d’importantes conséquences sur le plan du droit civil.

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4.2 Carence dans l’organisation de la société
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Lorsqu’une société ne possède pas tous les organes prescrits ou que l’un de ces organes n’est pas composé conformément aux prescriptions, un actionnaire, un créancier ou le préposé au registre du commerce peut requérir du juge qu’il prenne les mesures nécessaires (art. 731b al. 1 CO).

Un organe de révision qui enfreint les règles d’habilitation et d’indépendance est assimilé à un organe présentant une carence dans sa composition (art. 727a ss CO).39 L’organe de révision est habilité à remplir sa fonction dès lors qu’il est agréé par l’ASR. Cet agrément présuppose que l’organe en question remplisse certaines conditions en termes d’organisation (cf. art. 6 et 9 ss LSR). A ce propos, la loi exige que toutes les personnes qui dirigent des prestations de révision, c’est-à-dire toutes les personnes qui sont responsables d’un mandat de révision au sein de l’entreprise de révision, soient au bénéfice de l’agrément requis (art. 6 al. 1 let. c LSR).

Un organe de révision qui n’a pas été agréé par l’ASR ou qui a été agréé, mais qui ne remplit pas, voire plus les conditions légales d’agrément, ­présente une carence d’organisation au sens de l’art. 731b CO. Il en va de même pour l’or­gane de révision qui dispose de l’agrément alors que l’auditeur qui dirige la révision n’est pas agréé. Dans ce cas aussi, il y a lieu de conclure à une carence d’organisation (art. 727a s. CO en rel. avec art. 6, al. 1 let. d LSR).

La demande fondée sur l’art. 731b CO ne vise pas un objet concret, mais un état de fait contraire à la loi, en l’occurrence une carence d’organisation qui consiste en l’élection d’un organe de révision juridiquement non conforme. L’actionnaire peut aussi bien requérir l’élection d’un organe de révision conforme à la loi (art. 731b CO) ou attaquer la décision de l’Assemblée générale de la société en application des articles 706 et suivants CO.40 Si un actionnaire entend seulement agir contre l’approbation des comptes annuels et des comptes consolidés par l’Assemblée générale, au motif que cette approbation se fonde sur le rapport de révision d’un organe de révision présentant une carence d’organisation41, il ne peut requérir, dans ce cadre, l’élection d’un nouvel organe de révision; cette dernière requête a en effet pour finalité d’éliminer la carence d’organisation en soi et n’a pas pour but de pallier d’éventuels pro­blèmes subséquents.

En guise d’alternative à la demande au sens de l’art. 731b CO, les actionnaires réunis en Assemblée générale ordinaire ou extraordinaire peuvent en tout temps révoquer l’organe de ­révision (art. 730a al. 4 CO). L’Office du registre du commerce est par ailleurs tenu de vérifier que l’organe de révision est agréé par l’ASR au moment de son inscription (art. 61 al. 2 ORC42). S’il constate ultérieurement que l’organe de ­révision présente une carence d’organisation, il somme les personnes tenues de requérir l’inscription de régulariser la situation dans les 30 jours et d’opérer les inscriptions nécessaires. Si la situation n’est pas régularisée dans le délai imparti, l’Office du registre du commerce requiert du tribunal ou de l’autorité de surveil­lance compétente qu’ils prennent les mesures nécessaires (art. 154 ORC, art. 941a CO).

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4.3 Approbation des comptes annuels et des comptes consolidés
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Pour les sociétés ayant l’obligation de faire contrôler leurs comptes annuels et, le cas échéant, leurs comptes de groupe par un organe de révision, le rapport de révision doit être disponible avant que l’Assemblée générale approuve les comptes annuels et les comptes de groupe et se prononce sur l’emploi du bénéfice (art. 731 al. 1 CO). Le rapport de révision est donc une condition constitutive préalable à la capacité de l’Assemblée générale à statuer.43 Si le rapport de révision n’a pas été présenté, les décisions d’approbation des comptes annuels et des comptes de groupe ainsi que la décision concernant l’emploi du bénéfice sont nulles (art. 731 al. 3 phrase 1 CO).

La nullité signifie que ces décisions ne déploient aucun effet juridique.44 En cas de versement d’un dividende malgré la nullité de la décision d’affectation du bénéfice, les actionnaires se sont enrichis de manière indue et sont tenus à restitution pour autant qu’ils aient été de mauvaise foi (art. 678 al. 1 CO). L’effet de la ­dé­charge lié à la décision d’approbation devient nul égale­ment (art. 758 CO). Les comptes annuels et les comptes consolidés des exercices suivants, qui peuvent avoir été approuvés sur la base de rapports de révision établis par un organe de révision agréé, sont évidemment soumis à réserve dans la mesure où chaque bilan d’ouverture doit être correct et avoir été valablement révisé. On comprendra donc aisément que les insécurités juridiques et les risques de responsabilité45 liés à cette situation peuvent atteindre des dimensions considérables et sont susceptibles de causer de graves difficultés pendant de longues années après la révision fautive.

Ces conséquences juridiques sont importantes, mais non dénuées de fondement: le rapport de révision a une importance capitale pour l’entreprise, les organes de la société, les actionnaires minoritaires, les créanciers et aussi pour la collectivité et l’Etat.46 A propos de l’approbation des comptes annuels et des comptes consolidés, on rappellera en particulier que les actionnaires ont seulement un droit de regard et de contrôle limité. Ils doivent par conséquent pouvoir se fier à l’exactitude et à l’exhaustivité des états financiers qui leur sont présentés.

Or, la fiabilité des états financiers est mise en question lorsque la révision a été effectuée par un organe de révision ne disposant pas de l’agrément l’habilitant à opérer ce genre de prestation. En effet, cette révision risque d’être entachée d’irrégularités. S’agissant d’une révision ordinaire, il est possible que les comptes annuels et les comptes consolidés ne soient conformes ni aux dispositions légales, ni aux statuts, ni même aux standards de révision choisis. Il se peut dès lors que la proposition du conseil d’administration concernant l’affectation du bénéfice ne soit pas conforme aux dispo­sitions légales, ni aux statuts. Il se peut qu’il n’y ait aucun système de contrôle interne (cf. art. 728a CO), que les conditions d’indépendance de la révision ne soient pas respectées (cf. art. 728 CO), que l’organe de révision ne ­signale pas les éventuelles violations de la loi, des statuts ou du règlement d’organisation ou qu’il omette de constater le surendettement ­manifeste de la société (art. 728c CO).

Il s’agit d’examiner ici dans quelle mesure le rapport de révision établi par un organe de révision non habilité à cet effet peut être considéré comme étant le rapport de révision requis par la loi.

La doctrine est univoque en la matière: un rapport de révision n’est pas valable dès lors qu’il a été établi par un organe de révision qui ne dispose pas de l’agrément requis ou qui dispose d’un agrément insuffisant. Les décisions de l’Assemblée générale qui reposent sur un tel rapport sont, par voie de conséquence, frappées de nullité.47 Le fait que le signataire du rapport de révision indique dans celui-ci, en petits caractères, qu’il n’a en réalité pas les qualifications nécessaires ne change rien au constat de nullité48.

Une décision frappée de nullité ne peut pas être corrigée par un rapport de révision ultérieur.49 Si une révision n’est pas effectuée par un organe de révision agréé, il y a lieu de nommer un nouvel organe de révision (agréé) pour recommencer la révision. Ce nouvel organe de révision ne pourra s’appuyer que partiellement sur le dossier de révision précédent. Il doit en effet pouvoir se forger sa propre opinion quant à la question de savoir si les objectifs assignés à la révision par la loi sont remplis. La situation est plus simple lorsque l’organe de révision est certes au bénéfice d’un agrément, mais que l’auditeur responsable du mandat ne l’est pas. Si cette personne peut être remplacée par une personne agréée, il n’est pas nécessaire de nommer un nouvel organe de révision, et la révision peut en règle générale être menée à chef en temps utile.

Il y a lieu de distinguer le rapport de révision non valable et le rapport de révision lacunaire. Un rapport de révision est réputé lacunaire lorsqu’il n’est pas complet ou qu’il ne satisfait pas intégralement aux dispositions légales. Il y a en effet deux catégories de lacunes: celles qui ont trait aux informations essentielles du rapport de révision du point de vue de la finalité de la révision50, et celles qui sont de nature secondaire de ce point de vue.51 Dans le premier cas, l’effet juridique est la nullité. Dans le second cas, la décision d’approbation des comptes annuels et des comptes consolidés est annulable (art. 706 CO et suivants)52. Cette distinction ne sera vraisemblablement pas toujours simple à opérer. Ainsi, un rapport de révision qui n’a pas été daté par inattention ou dont la signature n’est juridiquement pas valable est frappé de nullité, mais cette carence peut être corrigée si les données manquantes sont réunies dans un laps de temps très proche.53 En cas de dol, on retiendra en revanche la nullité.54

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4.4 Action en responsabilité
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Toutes les personnes qui s’occupent de la vérification des comptes annuels et des comptes de groupe, de la fondation ainsi que de l’augmentation ou de la réduction du capital-actions répondent à l’égard de la société, de même qu’envers chaque actionnaire ou créancier ­social, du dommage qu’elles leur causent en manquant intentionnellement ou par ­négligence à leurs devoirs (art. 755 al. 1 CO).

Les problèmes évoqués au plan du droit civil peuvent induire des coûts considérables pour l’entreprise révisée, par exemple si elle doit nommer un nouvel organe de révision, demander une nouvelle révision, même partielle, convoquer ensuite une Assemblée générale extraordinaire pour l’approbation des comptes annuels et des comptes de groupe après révision conforme, payer les frais de procédure consécutifs à une demande au sens de l’art. 731b CO, à une action au sens de l’art. 706 CO ou en­core à une action selon l’art. 706b CO. On peut ­aussi imaginer que la société a versé ­entre-temps des dividendes qui ne seront pas (ou qui ne doivent plus être) restitués.55

Un organe de révision n’étant pas au bénéfice de l’agrément requis devrait avoir quelque difficulté à prouver sa décharge:

  • dommages encourus: la personne concernée ne devrait pas avoir de problème à rapporter des preuves (cf. supra).
  • violation des devoirs: ici aussi, la personne concernée ne devrait pas avoir de difficultés à rapporter des preuves. La loi est univoque à ce sujet: seules les personnes et les entreprises agréées par l’ASR sont habilitées à fournir des prestations en matière de révision.
  • faute: on est indubitablement en droit d’attendre d’une personne ou d’une entreprise qui fournit des prestations en matière de révision qu’elle connaisse les bases légales de son activité, qu’elle connaisse l’obligation d’être agréé, qu’elle prenne les dispositions nécessaires à cet effet, qu’elle se réorganise ou refuse le mandat si elle n’est pas agréée.56 On retiendra ici au minimum une violation par négligence des règles relatives au régime obligatoire de l’agrément.
  • causalité adéquate: dans la plupart des cas, la violation des devoirs et les dommages occasionnés sont susceptibles d’être corrélés par un lien de causalité qui, dans le cours ­ordinaire des choses et selon l’expérience générale de la vie, est propre à induire le dommage.
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5. Conclusion
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Il faut espérer que les prestations de révision fournies sans l’agrément de l’ASR restent un phénomène temporaire, lié à l’introduction du nouveau droit de la révision. Comme le montrent les commentaires exposés ci-dessus, effec­tuer une révision sans l’agrément requis n’est pas une peccadille, mais une infraction grave aux principes fondamentaux du nouveau droit, laquelle est susceptible d’avoir non seule­ment des conséquences pour les personnes et les entreprises fautives, mais aussi pour l’entreprise révisée.

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* Dans la présente contribution, les auteurs ne font qu’émettre leur propre opinion. Cela ne lie en aucun cas l’Autorité fédérale de surveillance en matière de révision (ASR).

  1. Loi fédérale du 16 décembre 2005 sur l’agrément et la surveillance des réviseurs (loi sur la surveillance de la révision, LSR; RS 221.302).
  2. Cette obligation s’applique également aux prestations de révision ponctuelles, p. ex. en cas de création d’entreprise, d’augmentation du capital ou de fusion. Cette obligation souffre une seule exception, à savoir la révision des comptes annuels et des comptes consolidés pour les exercices ouverts avant le 31 décembre 2007. Il s’agit là des derniers états financiers qui peuvent être révisés sans agrément (cf. art. 7 dispositions transitoires concernant la modification du CO et Message du Conseil fédéral du 23 juin 2004 concernant la modification du code des obligations [obligation de révision dans le droit des sociétés] et la loi fédérale sur l’agrément et la surveillance des réviseurs, FF 2004 3820 s.; ci-après: Message du 23 juin 2004).
  3. Le nombre des personnes et des entreprises agréées est publié chaque année dans le rapport d’activité de l’ASR (téléchargement depuis l’adresse www.surveillance-de-la-revision.ch; cf. statistique en p. 8 du Rapport d’activité 2009).
  4. Dans sa version française, l’art. 40, al. 2, LSR prévoit ceci: si l’auteur agit par négligence, l’amende est de 100 000 francs au plus. Cette formulation pourrait laisser penser, si on tient compte de la phrase introductive de l’al. 1 de cette même disposition, que l’auteur de l’infraction peut également être puni de l’emprisonnement et pas uniquement d’une amende maximum de 100 000 francs. Ce doute est dissipé par les versions allemande et italienne: «Wird die Tat fahrlässig begangen, so ist die Strafe Busse bis zu 100 000 Franken», «Se l’autore ha agito per negligenza, la pena è della multa sino a 100 000 franchi».
  5. Cf. Message du Conseil fédéral du 21 septembre 1998 concernant la modification du code pénal suisse (dispositions générales, entrée en vigueur et application du code pénal) et du code pénal militaire ainsi qu’une loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs (FF 1999 II 1787 ss [1951], ci-après: Message du 21 septembre 1998).
  6. Cf. aussi Roland Wiprächtiger in: Basler Kommentar, Strafrecht II, Art. 111–392 StGB, 2e éd. 2007 ad art. 333 n° 29; voir aussi Message du 21 septembre 1998, p. 1963.
  7. Message du 21 septembre 1998, p. 1954 et 1963.
  8. Conformément à l’art. 34 CP, le maximum de la peine pécuniaire est en principe de 1 080 000 francs. En effet, selon cette disposition, la peine pécuniaire ne peut, sous réserve d’une disposition légale contraire, excéder 360 jours-amende et le jour-amende doit être, au maximum, de 3000 francs (360 × 3000 francs = 1 080 000 francs).
  9. Cf. Message du 23 juin 2004 (FF 2004 3745 ss [3864]).
  10. Code pénal du 21 décembre 1937 (RS 311.0).
  11. On précisera ici que selon l’art. 10 al. 3 CP sont des délits les infractions passibles d’une peine privative de liberté n’excédant pas trois ans ou d’une peine pécuniaire. Cette disposition doit être comprise en ce sens qu’un délit peut également être passible d’une peine pécuniaire seule (cf. Nathalie Dongois in: Commentaire Romand, Code pénal I, art. 1–110 CP, Bâle 2009, ad art. 10, p. 107, n° 7).
  12. Par ailleurs, l’on ne saurait rien déduire du Message du 23 juin 2004 sur ce point. Celui-ci prévoit certes que dès l’entrée en vigueur de la modification du 13 décembre 2002 du Code pénal, la phrase intro­ductive de l’art. 42 al. 2 LSR aura la teneur suivante: «si l’auteur a agi par négligence, il sera puni d’une amende». Il est toutefois constaté que cette modification n’a pas été effectuée. Probablement à juste titre dès lors que le terme d’amende semble être une erreur. Au regard du nouveau droit, le terme d’amende ne devrait plus être utilisé pour les crimes et les délits, mais uniquement pour les contraventions. Or, toujours selon le nouveau droit, les infractions passibles de l’amende sont des contraventions (art. 103 CP) et le maximum de l’amende est de 10 000 francs sous ­réserve d’une disposition contraire de la loi (art. 106 al. 1 CP). Dans la mesure où le Message ne prévoit pas un montant différent pour la contravention, le maximum de l’amende serait donc de 10 000 francs seulement. Un tel montant serait toutefois difficile à justifier au vu de l’amende maximum cinq fois supérieure prévue à l’art. 39 LSR pour les cas de négligence.
  13. L’on précisera ici que si l’infraction à l’art. 40 al. 2 LSR est qualifiée de délit, la condamnation est inscrite au casier judiciaire. Si, en revanche, il s’agit d’une contravention, l’inscription au casier judiciaire n’inter­vient que si l’amende prononcée est supérieure à 5 000 francs (cf. art. 3 al. 1 let. c Ordonnance VOSTRA, RS 331).
  14. Bernard Corboz in: Commentaire Romand Code pénal I, art. 1–110 CP, Bâle 2009, ad art. 12, p. 143, n° 65. Voir aussi: ATF 134 IV 26 consid. 3.2.2, ATF 133 IV 222 consid. 5.3, ATF 131 IV 1 consid. 2.2, ATF 130 IV 58 consid. 8.2.
  15. Favre/Pellet/Stoudmann, Code Pénal annoté, ­Lausanne 2007, ad art. 12, p. 45–47.
  16. Selon la lettre même de l’art. 12 al. 3 CP l’auteur agit par négligence lorsqu’il agit sans se rendre compte des conséquences ou sans en tenir compte. Dans le premier cas, on parle de négligence consciente. L’auteur se rend compte des dangers de son comportement mais espère fermement que ce risque ne se réalisera pas. Dans le second cas, on parle de négligence inconsciente. L’auteur n’envisage pas les conséquences illicites de son acte. Cette distinction est toutefois sans importance pratique (cf. Bernard Corboz (n.m. 14), art. 12 n° 107 ss.
  17. Bernard Corboz (n.m. 14) art. 12, n° 71 ss et les nombreuses références citées.
  18. ATF 133 IV 1.
  19. Favre/Pellet/Stoudmann (n.m. 15) art. 12, p. 45.
  20. Arrêt du Tribunal fédéral 6B.766/2009 du 8 octobre 2010 consid. 3.5.
  21. Arrêt du Tribunal fédéral 6B.395/2009 du 20 octobre 2009 consid. 5.1 et les références citées. Voir ­aussi Guido Jenny in: Basler Kommentar, Strafrecht I, Art. 1–110 StGB, Jugendstrafgesetz, 2e éd., Bâle 2007, ad art. 21 p. 436 n° 17.
  22. Cf. Vanessa Thalmann in: Commentaire Romand, Code pénal I, art. 1–110 CP, Bâle 2009, ad art. 21 p. 222, n° 19 et les références citées; voir aussi Guido Jenny (n.m. 21) ad art. 21 p. 436 n° 18.
  23. Selon l’art. 2 al. 1 des dispositions transitoires de la modification du 16 décembre 2005, les sociétés à responsabilité limitée qui, à l’entrée en vigueur de la ­présente loi, sont inscrites au registre du commerce mais qui ne sont pas conformes aux nouvelles dispositions sont tenues d’adapter leurs statuts et leurs règlements dans un délai de deux ans. Quant à l’art. 7 de cette même norme, il prévoit que les dispositions de la présente loi concernant l’organe de révision sont applicables dès l’exercice qui commence avec l’entrée en vigueur (1er janvier 2008) ou qui la suit.
  24. Communication OFRC 2/2009 du 2 juillet 2009.
  25. Ordonnance sur le registre du commerce du 17 octobre 2007 (RS 221.411).
  26. Cf. supra ch. 2.3.
  27. Cf. supra ch. 2.4.
  28. Message du 23 juin 2004 (n.m. 2 [3862 et 3864]. Sur les conséquences civiles, cf. infra ch. 4.
  29. Nicolas Queloz/Valérie Humbert in: Commentaire Romand, Code pénal I, art. 1–110 CP, Bâle 2009, ad art. 47 p. 460, n° 14; voir aussi, Favre/Pellet/Stoudmann (n.m. 15) ad art. 47, p. 161, n° 1.5.
  30. Cf. infra point 4.
  31. Ordonnance fédérale du 22 août 2007 sur l’agrément et la surveillance des réviseurs (ordonnance sur la surveillance de la révision, OSRev; RS 221.302.3).
  32. Cf. jugement n° B-2440/2008 du 16 juillet 2008, c. 4.2.3., 4.3. et 4.3.1, y c. références, confirmé par les jugements n° B-7968 du 6 mai 2010, c. 4.4., 4.4.1. et 4.4.2, et n° B-7348/2009 du 3 juin 2010, c. 6.3. ss.
  33. Cf. supra, ch. 2.
  34. Jugement n° B-7968 du 6 mai 2010, c. 4.3.
  35. Jugement n° B-7968 du 6 mai 2010, c. 4.4.2.
  36. Jugement n° B-7968 du 6 mai 2010, c. 4.5.
  37. Voir considérants du jugement n° B-7968 du 6 mai 2010, c. 4.5.
  38. L’analyse des conséquences en droit civil est effectuée au chiffre 4.
  39. Message du 19 décembre 2001 du Conseil fédéral concernant la révision du code des obligations (droit de la sàrl, adaptation des droits de la société anonyme, de la société coopérative, du registre du commerce et des raisons de commerce), FF 2002 2949, 3029; Peter Lehmann, Die «kleine Aktienrechtsrevision» (Teil 2), Neuerungen in den Bereichen Aktionärsrechte, Firma, Handelsregister, GesKR 2007, 420 ss, 422; Peter/Cavadini, in: Tercier, Amstutz, Commentaire Romand, Code des obligations II, Bâle 2008, art. 731b N 4; Christian Pfiffner, Revisionsstelle und Corporate Governance, Zurich 2008, N 2174; Thomas U. Reutter, in: Honsell/Vogt/Watter, Basler Kommentar, Obligationenrecht II, art. 530–1186 OR, 3e éd., Zurich 2008, art. 730a N 8; Reto Sanwald, in: Nussbaum/San­wald/Scheidegger, Kurzkommentar zum neuen GmbH-Recht, 2007 Muri bei Bern, art. 819 N 3 (pour la Sàrl); Watter/Wieser, in: Honsell/Vogt/Watter, Basler Kommentar, Obligationenrecht II, art. 530–1186 OR, 3e éd., Zurich 2008, art. 731b N 6.
  40. BSK OR II-Watter/Wieser (n.m. 38), art. 731b N 18; Lehmann (n.m. 39), 422.
  41. Cf. infra, ch. 4.3.
  42. Le préposé ne vérifie en revanche pas le type d’agrément, singulièrement si celui-ci est «correct».
  43. Dieter Dubs, Beschlussvoraussetzungen und deren Ab­grenzung von anderen Bedingungen für die Rechts­wirksamkeit von Aktionärsbeschlüssen, in: Kramer/Nobel/Waldburger (Hrsg.), Festschrift für Peter Böckli zum 70. Geburtstag, Zurich/Bâle/Genève 2006, 445 ss, 458.
  44. Cf. sur ce point, parmi beaucoup d’autres Oertli/Hänni, in: Amstutz et al., Handkommentar zum Schweizer Privatrecht, Zurich 2007, art. 731 N 3.
  45. Cf. infra, ch. 4.4.
  46. Cf. sur ce point, Message du 23 juin 2004, 3975 s., 3989, y c. références; ATF 4C.45/2006 du 26 avril 2007, c. 7.; ATF 4C.13/1997 = Pra 87 (1998) n° 121, 680 ss, 682 (c. 4a), ATF 106 II 232 ss, 235 (c. 2c), ATF 86 II 171 ss, 175 (c. 1b) et concernant la comptabilité ATF 6B_367/2007 (c. 4.3), ATF 133 III 453 ss, 457 (c. 7.2), ATF 122 IV 25 ss, 28 (c. 2b); Pfiffner, (n.m. 39) 1300 ss, y c. références; Watter/Maizar, in: Honsell et al., Basler Kommentar, OR II, 3e éd., Bâle 2008, avant art. 727/727a, N 15 ss.
  47. CHK-Oertli/Hänni (n.m. 44), art. 731 N 1 en lien avec N 3; Peter Böckli, Schweizer Aktienrecht, 4e éd., Zurich/Bâle/Genève 2009, § 15 N 126 (rapport de révision signé par un réviseur agréé au lieu d’un expert-réviseur agréé), N 710; du même auteur, Revisionsstelle und Abschlussprüfung nach neuem Recht, Zurich 2007, N 634 (rapport de révision signé contrairement à la ­règle de rotation selon art. 730a al. 2 CO); BSK-Reutter (n.m. 39), art. 730a N 8 (rapport de révision signé contrairement à la règle de rotation selon art. 730a al. 2 CO); Reutter/Rasmussen, in: Honsell/Vogt/­Watter, Basler Kommentar, OR II, 3e éd., Bâle 2008, art. 731 N 8 (rapport de révision signé contrairement à la règle de rotation selon art. 730a al. 2 CO).
  48. Böckli (n.m. 47), § 15 N 126 (rapport de révision signé par un réviseur agréé au lieu d’un expert-réviseur agréé). BSK OR II-Watter/Maizar (n.m. 46), voir art. 727/727a, N 31, 3e paragr.
  49. CHK-Oertli/Hänni (n.m. 44), art. 731 N 3; BSK OR II-Reutter/Rasmussen (n.m. 47), art. 731 N 8.
  50. Le rapport de révision est visiblement incomplet parce qu’une information fondamentale exigée par la loi (avis sur le résultat de la révision et recommandation à l’Assemblée générale concernant l’approbation avec ou sans restriction ou le rejet des comptes annuels et des comptes consolidés) fait défaut ou est objectivement erronée (p. ex. en cas de nouveaux développements): cf. à ce propos Böckli (n.m. 47), N 711; du même auteur (n.m. 46), § 15 N 711; Dubs (n.m. 43), 459; Peter/Cavadini/Dunant, in: Tercier/Amstutz, Commentaire Romand, Code des obligations II, Bâle 2008, art. 731 N 15, 20; BSK OR II-Reutter/Rasmussen (n.m. 47), art. 731 N 8. La mention du caractère restreint du contrôle (art. 729b al. 1 ch. 1 CO) est fondamentalement un développement nouveau et fait partie des informations essentielles du rapport de révision. BSK OR II-Reutter/Rasmussen (n.m. 47), art. 731 N 7, y voient une lacune d’importance secondaire. Böckli (n.m. 47), N 711; du même auteur (n.m. 47), § 15 N 711, plaide pour l’annulabilité. De manière générale pas assez nuancé Message du Conseil fédéral du 23 février 1983, Sonderdruck, 189 (cf. Dubs [n.m. 43], 459).
  51. Il manque la confirmation d’indépendance ou les informations relatives à l’auditeur responsable. Cf. à ce propos Böckli (n.m. 47), N 711; du même auteur (n.m. 47), § 15 N 711; Peter/Cavadini/Dunant (n.m. 50), art. 731 N 15, 20; Reutter/Rasmussen (n.m. 47), art. 731 N 7.
  52. Böckli (n.m. 47), N 711; du même auteur (n.m. 47), § 15 N 711; Chambre fiduciaire, Manuel suisse d’audit, Zurich 2009, tome 2, p. 439 (ch. 7.2.8.2.). Cf. aussi BSK-Reutter/Rasmussen (n.m. 47), art. 731 N 7.
  53. Böckli (n.m. 47), N 711; du même auteur (n.m. 47), § 15 N 711.
  54. Böckli (n.m. 47), N 711; du même auteur (n.m. 47), § 15 N 711; BSK-Reutter/Rasmussen (n.m. 47), art. 731 N 7.
  55. Cf. supra ch. 4.3.
  56. Cf. supra, ch. 3.2, les considérants du Tribunal ad­ministratif fédéral et la question de l’erreur de droit au ch. 2.4.
Date