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Dans cette procédure portant sur l’obligation de verser la prestation préalable selon l’art. 26 al. 4 LPP, le TF commence par examiner pour des motifs formels si la décision de l’instance précédente, attaquée par voie de recours est une décision finale ou partielle au sens des art. 90 s LTF, ou une décision préjudicielle ou incidente notifiée séparément, qui ne peut être attaquée qu’aux conditions posées par les art. 92 ou 93 LTF. Les décisions préjudicielles et incidentes ne mettent pas fin à la procédure (contrairement aux décisions finales), mais tranchent seulement une question de droit formel ou matériel dans l’optique d’une liquidation de la procédure, c’est-à-dire qu’elles représentent une étape sur la voie de la décision finale. Le TF retient que, dans le jugement attaqué, l’instance précédente s’est prononcée exclusivement sur l’obligation de la recourante de verser la prestation préalable alors que la procédure principale, dans laquelle il sera statué définitivement sur l’obligation de la recourante de fournir des prestations, est encore pendante devant l’instance précédente. La décision sur l’obligation d’un assureur de verser la prestation préalable selon l’art. 26 al. 4 LPP ne règle certes pas encore définitivement son obligation de fournir des prestations; toutefois, le point décisif pour juger si la décision attaquée est soit une décision finale soit une décision incidente/préjudicielle réside dans le fait que le prononcé de l’obligation de verser la prestation préalable n’est pas forcément lié à la procédure relative à l’obligation définitive de fournir des prestations et ne disparaît pas non plus avec cette procédure: si l’obligation de verser la prestation pré­alable a été reconnue mais qu’ensuite, l’obligation définitive de fournir des prestations est niée, l’obligation de verser la prestation pré­alable ne disparaît pas encore mais subsiste jusqu’à connaissance de l’institution de prévoyance tenue de verser la prestation (art. 26 al. 4 2e phrase LPP). Si un recours correspondant ne peut pas être exercé pour un quelconque motif, la prestation préalable devient de facto une prestation définitive. La décision portant sur l’injonction de verser la prestation pré­alable doit dès lors être qualifiée de décision finale (art. 90 LTF).

Le TF examine ensuite si la décision attaquée est une décision portant sur des mesures provisionnelles au sens de l’art. 98 LTF. Dans un recours formé contre une telle décision, seule peut être invoquée la violation des droits constitutionnels; dans ces cas, il existe un devoir qualifié de soulever des griefs (art. 106 al. 2 LTF). Même une décision finale peut être une décision portant sur des mesures provisionnelles. Comme l’obligation de verser la prestation pré­alable suppose l’existence d’un droit à des prestations avec comme seule incertitude l’identité de l’assureur qui doit les fournir, il faut examiner matériellement s’il existe un droit aux prestations dans le cadre de la décision concernant l’obligation de verser la prestation préalable; cette décision n’est donc pas une décision portant sur des mesures provisionnelles au sens de l’art. 98 LTF. Le pouvoir de cognition du TF est ainsi réglé par l’art. 95 LTF, c’est-à-dire que le TF examine librement si la décision attaquée est contraire ou non au droit fédéral.

Dans la mesure où le TF ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF) et où la recourante s’est bornée à invoquer qu’en contrepartie de sa prestation préalable, l’intimé devrait être astreint à introduire une procédure contre la caisse de pensions de l’employeur précédent, seule cette question doit être examinée.

Dans la doctrine, on trouve diverses opinions sur la possibilité, pour l’institution de prévoyance tenue de verser la prestation préalable, d’exercer son recours contre l’institution de prévoyance définitivement tenue de verser la prestation. Ni la teneur de l’art. 26 al. 4 LPP ni les travaux préparatoires relatifs à cette disposition légale ne donnent une solution claire sur ce point. L’expression «Rückgriff», respectivement «regresso» que l’on trouve dans les versions allemande et italienne du texte légal désigne communément, dans la terminologie juridique, une situation où quelqu’un qui a effectué un versement à un ayant droit à la place d’un tiers tenu de le faire peut agir contre ce tiers pour être indemnisée. Cette «répercussion» peut être aménagée en tant que subrogation, respectivement cession légale, mais aussi en tant que droit originaire de son bénéficiaire. Lorsque le droit des assurances sociales prévoit un recours, il fait souvent allusion à une subrogation; mais, même lorsque tel n’est pas le cas, le titulaire du droit de recours a une créance directe en compensation contre le tiers alors que le créancier initial n’a plus aucun droit contre ce tiers, dans la mesure où il a été désintéressé. Il n’y a aucun motif de penser que la notion de «Rückgriff», respectivement «regresso» de l’art. 26 al. 4 LPP devrait avoir une autre signification que partout ailleurs dans l’ordre juridique. La version française («Lorsque l’institution de prévoyance tenue de verser la prestation est connue, l’institution tenue de verser la prestation préalable peut répercuter la prétention sur elle») renonce certes au terme technique «recours», mais souligne également qu’il appartient à l’institution de prévoyance tenue de verser la prestation pré­alable d’agir contre l’autre. La même solution découle également de la ratio legis de cette disposition, à savoir qu’il s’agit d’améliorer la position de l’assuré se trouvant face à plusieurs institutions de prévoyance en ne sachant pas bien laquelle est tenue de verser la prestation. Il est conforme à ce but que l’assuré ne doive s’en tenir qu’à l’institution de prévoyance tenue de verser la prestation préalable et qu’il puisse lui laisser le soin de se retourner ensuite contre d’autres institutions potentiellement tenues de verser la prestation. Le danger de jugements contradictoires, tel qu’il peut se présenter en cas de fors différents (art. 73 al. 3 LPP), peut être évité si, dans la procédure contre l’une des institutions de prévoyance, le litige est dénoncé aux autres institutions potentiellement tenues de verser la prestation, ce qui entraîne l’extension des effets du jugement également à leur égard.

En résumé, l’institution de prévoyance qui a versé des prestations préalables peut, dans la mesure correspondante, exercer directement et de plein droit un recours contre l’institution de prévoyance tenue de verser les prestations définitives. Le recours doit dès lors être rejeté.

Art. 26 Abs. 4 LPP

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(TF, 6.01.10 {9C_848/2009}, Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 117, p. 18)

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