Les prestations ponctuelles en matière de révision (autrement dit lors de la création d’une entreprise, d’une restructuration, etc.) n’obéissent pas, dans les PME, au concept de contrôle restreint, d’où de grands défis pour les réviseurs de ces entreprises. L’article rend compte de certains problèmes rencontrés par les praticiens du contrôle restreint et en illustre les risques ainsi que les pièges par des exemples concrets.
Le 1er janvier 2008 est entrée en vigueur la réforme de fond du droit de la révision, avec au cœur du nouveau dispositif la création d’un concept de révision en deux volets: le contrôle ordinaire, axé sur les grandes entreprises, et ce qu’il est convenu d’appeler le contrôle restreint, qui s’est établi entre-temps comme le système de «révision des PME». Par décision du Conseil fédéral du 31 août 2011, les seuils applicables à l’obligation de contrôle ordinaire ont été nettement relevés, ce qui a eu pour conséquence d’élargir le champ d’application du contrôle restreint. Cette extension de la portée du contrôle restreint prend dûment en considération la nécessité d’une forme de révision praticable pour les moyennes entreprises.
Un autre élément a marqué cette réforme, à savoir l’instauration d’un agrément de l’Etat pour la fourniture de prestations de révision. La réalisation de contrôles restreints requiert l’agrément en qualité de réviseur, celle de contrôle ordinaire l’agrément en tant qu’expert-réviseur ou encore – dans le cas de sociétés ouvertes au public – l’agrément comme entreprise de révision soumise à la surveillance de l’Etat.
Mais attention: l’obligation d’agrément embrasse toutes les prestations de révision prescrites par la loi. En font partie non seulement la vérification périodique des comptes annuels – que ce soit sous forme de contrôle ordinaire ou de contrôle restreint –, mais aussi les prestations de révision dites ponctuelles.
La différenciation entre les deux volets du concept de révision telle qu’elle s’applique à la vérification des comptes annuels – un contrôle ordinaire «rigoureux» et un contrôle restreint plutôt «libéral» – ne fonctionne pas de façon cohérente dans le domaine des révisions ponctuelles. En l’espèce, le dispositif du contrôle restreint ne recouvre pas suffisamment les exigences et les besoins. Ce qui expose à de grands défis les réviseurs de PME, qui, s’agissant de vérifications périodiques des comptes annuels, concentrent leur activité sur des mandats ressortissant du segment du contrôle restreint. Le présent article s’attache à soulever les questions fondamentales qui y sont liées. Les faits et les aspects sont traités ici dans l’optique de situations propres aux PME – marquées par l’application du contrôle restreint et, souvent, par le recours au droit de renonciation (opting-out) – et étayés par des exemples concrets.
Au point 2 sont exposés les principaux aspects de cette incohérence entre le contrôle restreint et les prestations de révision ponctuelles. Il s’agit de questions touchant au type d’agrément, à l’indépendance, au processus de révision et à l’attestation de révision.
Au point 3 seront évoqués quelques aspects particuliers des différents domaines d’application de la révision ponctuelle, en observant dans le présent article la subdivision suivante:
- révision ponctuelle en cas de création d’entreprise, d’augmentation / réduction de capital et de liquidation (point 3.1);
- révision ponctuelle en cas de restructuration, autrement dit de fusion, de scission et de transformation (point 3.2);
- autres révisions ponctuelles à l’exemple de la réévaluation (art. 670 CO) et du bilan intermédiaire visé à l’art. 725 CO (point 3.3).
S’agissant du type d’agrément, il existe fondamentalement des parallèles entre la révision périodique des comptes annuels et les révisions ponctuelles. Toutefois, dans le contexte précis des PME, c.-à-d. du segment des sociétés assujetties au contrôle restreint, ces parallèles présentent des cassures. Il y a des différences importantes dont le réviseur de PME doit tenir compte.
Si la révision ponctuelle est menée dans une entreprise d’importance économique (ou dans une société soumise à consolidation), le réviseur doit toujours être agréé à titre d’expert-réviseur. On entend par entreprise d’importance économique une entreprise qui, au cours de deux exercices successifs, dépasse deux des valeurs fixées à l’art. 727 al. 1 ch. 2 CO (20 millions de francs de total du bilan, 40 millions de francs de chiffre d’affaires, 250 emplois à plein temps en moyenne annuelle). Ces sociétés sont tenues de soumettre leurs comptes annuels au contrôle ordinaire d’un expert-réviseur agréé. Le type d’agrément montre donc un alignement cohérent, une congruence, entre la révision périodique des comptes annuels et la révision ponctuelle. Il en va de même, par analogie, à l’échelon directement supérieur: les sociétés ouvertes au public doivent, conformément à l’art. 727b CO, charger une entreprise de révision soumise à la surveillance de l’Etat de réaliser les contrôles. Il s’ensuit que toute prestation de révision ponctuelle doit être fournie par une telle entreprise.
Ainsi, alors que la situation juridique des grandes entreprises ne fait aucune distinction entre révision des comptes annuels et révision ponctuelle, il existe des différences considérables parmi les PME. La qualification de réviseur agréé (par analogie à l’assujettissement de ces entreprises au contrôle restreint) n’est prévue que partiellement pour les révisions ponctuelles, tandis que celle d’expert-réviseur est requise pour certaines opérations d’audit dans les PME. C’est le cas, par exemple, de réductions de capital ou de restructurations.
D’où l’importance de ceci: ces domaines recèlent des risques considérables pour les réviseurs agréés en cette qualité. Avant d’accepter une mission, le réviseur doit s’assurer constamment de la question de savoir quel est le type d’agrément requis en la circonstance. Lorsqu’un réviseur agréé exécute une mission réservée par la loi à un expert-réviseur agréé, il risque non seulement de perdre la face vis-à-vis du client (parce que, par exemple, l’inscription de la transaction en question au registre du commerce échouera), mais encore de faire l’objet de sanctions au civil et au pénal de la part de l’autorité de surveillance de la révision. Le rapport de révision contient, en cas de révision ponctuelle, une clause par laquelle le réviseur déclare explicitement disposer de l’agrément requis. En l’espèce, il y a donc faux dans les titres, ce qui jette un doute sur la réputation irréprochable du réviseur. Or une réputation irréprochable conditionne l’obtention mais aussi le maintien de l’agrément donné par l’autorité de surveillance. Conclusion: toute négligence dans ce domaine peut avoir des conséquences fatales.
L’indépendance du réviseur est un préalable essentiel à une opinion d’audit objective, à l’abri de toute influence. Cette règle vaut pareillement pour les révisions des comptes annuels et les révisions ponctuelles.
Les exigences d’indépendance sont ancrées aux art. 728 (contrôle ordinaire) et 729 CO (contrôle restreint): elles sont identiques pour l’un comme pour l’autre. Le législateur ne prévoit d’exception pour le contrôle restreint qu’en cas de collaboration à la tenue de la comptabilité et de fourniture d’autres prestations (art. 729 al. 2 CO) ainsi qu’à propos de l’obligation de rotation de la personne qui dirige la révision (art. 730a al. 2 CO).
Les allégements évoqués en matière d’indépendance sont exhaustifs. Aucune autre exception n’est prévue dans le domaine des révisions ponctuelles. En conséquence, il y a lieu d’accorder une grande importance à la question de l’indépendance lors de l’acceptation de mandats de révision ponctuelle pour les PME.
Conformément à la loi, cette indépendance ne doit être restreinte ni dans les faits, ni en apparence. Toute infraction au devoir d’indépendance en apparence doit être jugée selon les mêmes critères que l’inobservation du devoir d’indépendance dans les faits. Les exigences d’indépendance, qui s’appliquent à toutes les prestations de révision prescrites par la loi, s’imposent pour répondre aux conditions d’agrément, et notamment à celle d’une réputation irréprochable du réviseur et de l’expert-réviseur.
Une autre question brûlante qui se pose lors de révisions ponctuelles est celle de la garantie d’interdiction pour le réviseur de vérifier son propre travail s’il fait office de consultant dans le cadre de la transaction. Voici à ce sujet un bref exemple.
Un agent fiduciaire recommande à son client de transformer sa société en nom propre en société anonyme. Cette entreprise fait état d’un faible capital comptable mais dispose de réserves latentes sous différents postes. Le plan consiste à procéder à des réévaluations au bilan, de manière à dégager un excédent d’actifs suffisant pour libérer le capital-actions. Le client laisse à son agent fiduciaire le soin de décider où procéder à ces réévaluations. Il lui suggère simplement d’exploiter judicieusement la marge de planification fiscale.
Après réévaluations, le bilan forme la base en vue de l’apport en nature. L’agent fiduciaire étant le mieux placé pour juger de la situation, il livre au notaire les informations requises pour la préparation des documents, et notamment les indications pertinentes sur le contenu du rapport de constitution de la société.
La société nouvellement constituée désirant faire jouer la clause opting-out, l’agent fiduciaire ne soumet ce mandat à aucune analyse du risque quant au respect du principe d’indépendance.
Conclusion: le risque, en l’espèce, est considérable. Si l’agent fiduciaire assume lui-même pour son client le rôle de réviseur de la fondation de la société, il violera l’interdiction qui lui est faite de vérifier son propre travail. Dans ce cas, le devoir d’indépendance n’aura pas été respecté dans les faits. Un accompagnement aussi étroit du processus de constitution de société (tel que celui décrit ici) exclut que l’agent fiduciaire joue le rôle de réviseur de l’opération.
Le processus d’une révision ponctuelle obéit en premier lieu aux bases légales individuelles du mandat de révision. La première chose à faire lors d’une révision ponctuelle consiste donc à définir l’objet de l’audit mais aussi l’objectif que doit viser le réviseur.
Dans le cadre de la création d’une SA, le capital-actions est libéré par des valeurs en nature; il est prévu en outre qu’une fois la société constituée, un actionnaire reprenne un immeuble. Il s’agit en l’espèce d’une fondation qualifiée. Pour faire échec à toute malversation ou, plus exactement, protéger à la fois la société, les actionnaires et les futurs créanciers, les fondateurs doivent rendre compte, dans un rapport écrit, de la nature et de l’état des apports en nature ou des reprises de biens et du bien-fondé de leur évaluation (art. 635 CO).
L’art. 635a CO détermine le rôle du réviseur de la fondation. Selon cette disposition, un réviseur agréé vérifie le rapport de fondation et atteste par écrit qu’il est complet et exact. Ainsi, l’objet de la révision (rapport de fondation) et le mandat de révision (attestation d’exhaustivité et d’exactitude) sont parfaitement clairs. Pour atteindre cet objectif, le rapport de fondation doit être vérifié sur la forme comme sur le fond. Sur le plan formel, il est correct dès lors qu’il est complet et contient tous les éléments prescrits par la loi. Sur le fond, il y a lieu de vérifier que chaque poste est apte à faire l’objet d’un apport en nature et que les valeurs en sont plausibles.
Une société anonyme veut réduire son capital-actions de 2 à 1 million de francs. Aux termes de l’art. 732 al. 2 CO, l’assemblée générale ne peut prendre une telle décision que si un expert-réviseur agréé confirme dans un rapport de révision que les créances sont entièrement couvertes par le capital-actions réduit.
En l’espèce, la loi – contrairement à une fondation – ne cite pas un objet explicite de révision mais précise la finalité de cette révision, à savoir la production d’une preuve que les créances resteront intégralement couvertes une fois la réduction de capital effectuée. C’est donc la protection des créanciers qui est au cœur des préoccupations. Pour pouvoir remettre cette attestation, le réviseur doit vérifier si les actifs et les engagements sont correctement comptabilisés et évalués, mais aussi s’assurer de la continuité de l’exploitation.
Le concept de contrôle restreint se limite à la révision périodique des comptes annuels et ne s’applique pas aux révisions ponctuelles dans les PME. Les deux approches sont fondamentalement différentes. Dans le cas du contrôle restreint, l’analyse du risque et la détermination du caractère significatif sont les deux éléments sous-jacents à la planification de la révision et servent en définitive à fixer des priorités parmi les objectifs de l’audit et à restreindre les opérations de contrôle selon une appréciation professionnelle. A l’inverse, la révision ponctuelle doit – en fonction du mandat considéré – être exhaustive. Autrement dit, le niveau de sécurité qui entoure le concept de contrôle restreint serait totalement insuffisant pour des révisions ponctuelles.
S’agissant des opérations proprement dites, le contrôle restreint et les révisions ponctuelles ne présentent pas de disparités majeures. En pratique, les révisions ponctuelles portent essentiellement sur la revue et l’appréciation critiques des documents pertinents ainsi que sur l’audition des responsables. Voilà donc des parallèles manifestes avec le contrôle restreint, lequel consiste, en vertu de l’art. 729a al. 2 CO, en des auditions, des opérations de contrôle analytiques et des vérifications détaillées appropriées. Toutefois, contrairement au contrôle restreint, la liste des opérations à effectuer lors de révisions ponctuelles n’est pas exhaustive.
Une révision s’achève sur la remise du rapport, qu’il s’agisse d’une révision périodique ou ponctuelle. Nous avons vu au point 2.3 de cet article que les révisions ponctuelles ne sont pas alignées sur la conception du contrôle restreint. Voilà qui a des incidences sur le rapport.
L’art. 729a al. 1 CO régit les attributions de l’organe de révision en matière de contrôle restreint: l’organe de révision vérifie s’il existe des faits dont il résulte que les comptes annuels et (éventuellement) la proposition concernant l’emploi du bénéfice ne sont pas conformes aux dispositions légales et aux statuts. A partir de là et vu la limitation de l’objet et de l’étendue du contrôle, le rapport débouche sur une opinion d’audit négative, ainsi que le précise l’annexe F de la «Norme relative au contrôle restreint» et comme l’applique la profession.
Une telle attestation serait insuffisante à l’issue d’une révision ponctuelle, et ce, même pour une société soumise au contrôle restreint. Ainsi, à l’opinion négative dans le cas du contrôle restreint se substitue une opinion d’audit positive dans le cas d’une révision ponctuelle. Tandis que le rapport sur le contrôle restreint obéit à la norme du même nom, c’est la NAS 800 qui fournit le cadre conceptuel du rapport sur les révisions partielles. Les exigences de la profession en la matière vont néanmoins plus loin que les dispositions légales. C’est ainsi que, selon la pratique des offices de registre du commerce, le rapport donne lieu à la délivrance de l’attestation en tant que telle et non pas à d’autres déclarations.
Il est dans la nature des choses que les attestations délivrées dans le cadre de révisions ponctuelles impliquent une opinion d’audit sans réserve. Si l’objet de la révision présente des lacunes conduisant, de l’avis du réviseur, à une opinion avec réserve ou négative, celui-ci s’en ouvrira au client et lui indiquera quelles sont les modifications à apporter pour qu’il puisse délivrer une opinion d’audit sans réserve. Faute de consensus, ou si le client désigne un autre réviseur, il est recommandable de ne pas interrompre simplement le mandat sans remettre de rapport mais de faire figurer dans le rapport l’opinion avec réserve ou l’opinion négative requises. Ce faisant, le réviseur apportera à tout le moins qu’il a mené sa mission dans le respect de ses devoirs.
Les cas dans lesquels aucune révision ponctuelle n’est prévue se résument à une simple fondation ou à une augmentation de capital (libération en espèces avec sauvegarde des droits de souscription), voire au cas particulier d’une réduction de capital en cas d’augmentation simultanée et de même ampleur ainsi qu’à une liquidation (sans réduction de la durée de la procédure). Tous les autres cas requièrent des prestations de révision ponctuelles. Pour résumer, il s’agit des démarches suivantes:
- fondation qualifiée (apport en nature, reprise de biens envisagée, libération par compensation, octroi d’avantages particuliers);
- augmentation de capital qualifiée (démarche analogue à celle de la fondation qualifiée avec en plus augmentation de capital par des fonds propres et restriction ou suppression des droits de souscription);
- réduction de capital (sous toute forme, sous réserve du cas particulier d’une augmentation simultanée et de même ampleur);
- répartition avant terme du produit de la liquidation.
Dans ces cas-là – comme dans ceux évoqués au point 3.2 ci-après –, le droit du registre foncier et sa pratique jouent un rôle essentiel. Aussi la condition préalable à une haute qualité de la prestation de révision est-elle que le réviseur possède des connaissances approfondies dans ce domaine.
L’Ordonnance sur le registre du commerce (ORC) dispose qu’avant de procéder à une inscription, l’office du registre du commerce doit examiner si les conditions prévues par la loi et l’ordonnance sont remplies (devoir dit d’examen). Il vérifie en particulier si la réquisition et les pièces justificatives ont le contenu exigé par la loi et l’ordonnance et ne contredisent pas de dispositions impératives (art. 28 ORC). Sur le plan formel, ce devoir d’examen est illimité. Sur le fond, l’examen du registre du commerce est restreint. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il y a lieu de respecter les dispositions légales impératives qui sont établies dans l’intérêt public ou en vue de la protection de tiers. Comme les prestations de révision ponctuelles font typiquement partie, dans les cas développés ici, des dispositions relatives à la protection des créanciers, celles-ci revêtent une importance considérable pour l’examen. Voici un bref exemple à titre d’illustration.
Lors du contrôle d’un apport en nature en relation avec la constitution d’une société anonyme, un réviseur agréé examine le rapport de fondation. La transaction ne sera inscrite au registre du commerce que s’il atteste sans réserve l’exhaustivité et l’exactitude de ce rapport. En d’autres termes, l’attestation de révision sert au registre du commerce de base de décision claire, c.-à-d. ne donnant pas lieu à interprétation, en vue de l’inscription.
L’attitude fondamentale du réviseur a tendance à être marquée par des considérations économiques. Mais dans la pratique des offices du registre du commerce, c’est l’aspect juridique qui domine. D’où l’importance pour le réviseur d’être conscient de la marge d’interprétation dont disposent les offices du registre du commerce et, dans l’intérêt des clients, d’intégrer cette donne comme une condition impérative à sa mission, quand bien même il serait d’un avis différent à titre personnel.
Il est prévu de transformer une entreprise en nom propre en société anonyme. Les actifs s’élèvent à 500 000 francs (valeur comptable) et les fonds de tiers à 400 000 francs. Le capital-actions doit être libéré par l’excédent (comptable) des actifs, soit 100 000 francs.
L’entreprise en nom propre a fait figurer les véhicules au bilan sous la rubrique leasing. L’an dernier, des contrats de leasing d’une valeur en espèces de 100 000 francs ont été inscrits au bilan (écriture comptable: véhicules en leasing / fonds de tiers). La même année, 20 000 francs de remboursement de leasing étaient exigibles (écriture comptable: fonds de tiers / liquidités). En outre, les véhicules ont été amortis à raison de 50 %, soit pour 50 000 francs (écriture comptable: amortissement / véhicules en leasing), bien que la durée d’utilisation porte effectivement sur 5 ans, ce qui correspondrait à un amortissement nécessaire à l’exploitation de 20 000 francs.
A la faveur du contrôle de la fondation, le réviseur vérifie si le capital-actions a été entièrement libéré. Du point de vue économique, c’est indubitablement le cas. L’excédent des actifs est de 100 000 francs. L’inscription des contrats de leasing au bilan se traduit même par un apport en capital occulte d’un montant de 30 000 francs. Malgré tout, le réviseur ne pourra pas délivrer d’opinion positive puisque l’office du registre du commerce, selon son usage, ne procède pas en référence à l’excédent global des actifs. Pour lui, au contraire, chacun des postes du bilan doit être apte à un apport en nature, ce qui, dans le cas d’objets pris en leasing, échoue à défaut des critères de disponibilité et de transférabilité. Dans le cadre de ses contrôles, le réviseur attirera donc l’attention du client sur cette lacune. Tout en veillant à son devoir d’indépendance, le réviseur pourra aussi soumettre à son client des propositions sur la manière d’éliminer cette lacune.
Ainsi, pour garantir une haute qualité de révision et faire face à de tels cas, le réviseur doit posséder de bonnes connaissances de la pratique des offices du registre du commerce: il s’agit notamment, dans le cas d’apports en nature lors d’une constitution de société ou d’une augmentation de capital, de connaître les postes «critiques» du bilan. Critique signifie en l’occurrence que ces postes sont considérés comme ne pouvant pas faire l’objet d’un apport en nature ou qu’ils doivent à tout le moins être étayés par des indications précises dans le rapport de fondation ou d’augmentation de capital. Parmi ces postes «critiques» (hormis l’exemple précédent de biens en leasing inscrits à l’actif du bilan), on trouve par exemple:
- le goodwill (survaleur),
- les comptes de régularisation,
- les travaux en cours,
- les frais de constitution et d’organisation,
- les installations fixes,
- les équipements situés dans des objets loués,
- les frais de recherche et de développement.
En présence de tels cas, il vaut la peine de faire procéder à un contrôle préalable. Identifier cette nécessité d’agir et la recommander au client peut également faire partie de l’exécution compétente d’une mission d’audit.
Alors que les processus de fondation, d’augmentation / réduction de capital et de liquidation (cf. point 3.1) sont ancrés dans le Code des obligations (CO), les aspects de droit privé concernant l’adaptation de structures juridiques (restructuration) sont régis par une loi spéciale, la Loi sur la fusion (LFus), qui règle trois éléments constitutifs d’une restructuration, à savoir la fusion, la scission et la transformation. Par ailleurs, la LFus régit le transfert de patrimoine, ce qui revêt toutefois une importance négligeable dans le contexte de prestations de révision ponctuelles.
La LFus réserve un rôle important au réviseur lors d’une restructuration. A la différence des cas évoqués au point 3.1, la protection des créanciers ne figure pas au premier plan de la révision ponctuelle liée à une fusion, une scission ou une transformation. Le mandat de révision a une portée nettement plus large et se concentre sur la protection de la société. Le mandat de révision concret est ancré à l’art. 15 al. 4 LFus, aux termes duquel le réviseur – dans le cas d’une fusion – expose dans un rapport écrit:
- si l’augmentation prévue du capital de la société reprenante est suffisante pour garantir le maintien des droits des associés de la société transférante;
- si le rapport d’échange des parts sociales ou le dédommagement est soutenable;
- selon quelle méthode le rapport d’échange a été déterminé et pour quelles raisons la méthode appliquée est adéquate;
- quelle a été l’importance relative donnée, le cas échéant, aux différentes méthodes appliquées pour déterminer le rapport d’échange;
- à quelles particularités, lors de l’évaluation des parts sociales eu égard à la détermination du rapport d’échange, il a fallu veiller.
La vérification d’une scission (art. 40 LFus) est régie par analogie à la vérification d’une fusion à laquelle, du reste, elle renvoie. La vérification d’une transformation est régie séparément à l’art. 62 LFus: ses dispositions ne requièrent pas de liste exhaustive des points à examiner mais se borne, à l’al. 4, à préciser la finalité de la vérification. Selon ses termes, le réviseur doit vérifier si les conditions de la transformation sont remplies, en particulier si le statut juridique des associés est maintenu après la transformation.
Ces vérifications ponctuelles à mener lors de transformations diffèrent fondamentalement des révisions ponctuelles régies par le CO, qui font l’objet du point 3.1 du présent article. L’exigence porte non pas sur une attestation succincte mais sur un rapport complet destiné entre autres à préserver ou, plus exactement, renforcer le statut juridique des associés minoritaires.
Dans le contexte des PME, cependant, le statut des associés est simple et plus clairement défini. Soit il n’existe pas du tout d’associés minoritaires dont les droits devraient faire l’objet d’une protection particulière, soit ces associés minoritaires sont intégrés équitablement, sans formalités, dans le processus de restructuration. Les conditions d’un allégement de la procédure sont donc réunies.
Sous réserve de l’approbation des associés, les petites et moyennes entreprises (PME) peuvent renoncer à certaines des exigences de la procédure ordinaire en cas de fusion, de scission ou de transformation: il en va ainsi de la révision (autrement dit de la vérification de la fusion, scission ou transformation). Dans la LFus, le terme de PME est défini comme dans le droit de la révision: si l’entreprise n’est pas soumise au contrôle ordinaire en application des seuils prévus, c’est qu’il s’agit d’une PME au sens de la Loi sur la fusion (art. 2 let. e LFus).
Sachant que la sollicitation des allégements ainsi évoqués constitue une situation typique pour une PME, les vérifications proprement dites de fusions, scissions et transformations ne sont pas une pratique largement répandue parmi les réviseurs de PME assujetties au contrôle restreint. Il n’empêche que ces réviseurs ont à remplir des mandats de révision ponctuelle lors de telles restructurations. Nous distinguons trois éléments constitutifs typiques, que voici brièvement illustrés:
- révisions ponctuelles en application à titre substitutif des dispositions du CO relatives à la fondation et à l’augmentation de capital;
- vérification des bilans de restructuration en tant que tels;
- révisions ponctuelles à des fins de protection des créanciers.
En cas de recours aux allégements de procédure prévus par la LFus, la pratique des offices du registre du commerce requiert à titre d’alternative le respect des prescriptions en matière de fondation ou d’augmentation de capital. Dans ce cas, les révisions ponctuelles coïncident avec celles évoquées au point 3.1 du présent article. En voici un exemple.
Une société en nom collectif doit être transformée en société anonyme. La loi prévoit en l’espèce une procédure en plusieurs étapes, qui sont celles-ci:
1) projet de transformation,
2) rapport de transformation,
3) droit de consultation,
4) vérification du projet et du rapport de transformation,
5) décision de transformation,
6) inscription au registre du commerce.
Il s’agit en l’espèce d’une PME qui entend solliciter tous les allégements de procédure possibles. Ces allégements permettent de renoncer aux étapes 2 (rapport de transformation), 3 (droit de consultation) et 4 (vérification du projet et du rapport de transformation).
Sans mesures supplémentaires, le respect des prescriptions relatives à la constitution d’une société anonyme ne serait plus assuré. C’est pourquoi, selon leur usage, les offices du registre du commerce exigent le respect «sans faille» des prescriptions concernant la fondation et l’augmentation de capital; en d’autres termes, les dispositions du CO relatives aux apports en nature s’appliquent par analogie. L’organe supérieur de direction ou d’administration est alors tenu de dresser un «rapport de fondation» (par analogie à l’art. 635 CO). Ainsi, le changement de forme juridique est soumis à des exigences moins rigoureuses que la constitution de la forme juridique visée.
S’agissant de l’établissement du bilan dans le contexte d’une restructuration, les prescriptions sont différenciées en fonction de la forme de cette restructuration. Même en cas de renonciation à la vérification que permettent les allégements consentis aux PME, le bilan n’en doit pas moins être vérifié dans le respect du devoir légal ou statutaire de révision. A défaut d’un tel devoir, un bilan non révisé suffit.
Par ailleurs, la Loi sur la fusion prévoit elle aussi des révisions ponctuelles axées sur la protection des créanciers. Cette catégorie inclut:
- les vérifications concernant la renonciation à la procédure de garantie des droits des créanciers;
- la vérification du caractère licite de la fusion dans le cas de l’art. 725 CO.
Ces vérifications s’imposent également lorsque la PME renonce à la révision en application des allégements prévus.
Les vérifications prévues par la LFus requièrent – sauf rares cas spéciaux – un agrément en qualité d’expert-réviseur. Dans ce domaine, les exigences applicables aux entreprises soumises au contrôle restreint vont plus loin que celles qui régissent la révision périodique des comptes annuels.
En dehors des circonstances évoquées au point 3.1 du présent article, qui ont pour objet la structure juridique des entreprises, le Code des obligations prévoit d’autres cas de révision ponctuelle. Les cas sans doute les plus fréquents sont, d’une part, la vérification d’une réévaluation (art. 670 CO) et, de l’autre, la vérification du bilan intermédiaire (art. 725 CO). Commentons brièvement ces deux cas.
Si la société concernée a mandaté un organe de révision, la règle veut que ces révisions ponctuelles soient menées par l’organe en question. Toutefois, cela n’est pas impératif, un autre réviseur agréé pouvant en être chargé.
Il convient d’examiner davantage en profondeur la situation dans laquelle la société a fait jouer la clause opting-out. Là encore, un court exemple.
Une société anonyme (8 postes à plein temps) a fait jouer la clause opting-out. Son agent fiduciaire assure à la fois la tenue des livres et l’établissement des comptes annuels. Cette société a subi de lourdes pertes, d’où la mention dans les comptes de la perte de capital visée à l’art. 725 al. 1 CO. Il s’agit uniquement d’une perte comptable car la société dispose de réserves latentes (obligatoires) substantielles. Ces réserves latentes sont attestées par des expertises externes.
Afin d’éliminer cette situation de perte de capital et d’en prévenir les conséquences juridiques (au demeurant superflues dans le cas d’espèce), l’agent fiduciaire recommande à son client de procéder à une réévaluation au sens de l’art. 670 CO. Aux termes de l’art. 670 al. 2 CO, cette réévaluation ne peut intervenir que si un réviseur agréé atteste par écrit que les conditions légales sont remplies. L’agent fiduciaire étant agréé comme réviseur, le client voudrait le charger de délivrer l’attestation en question.
Solution proposée: avant d’accepter un mandat, l’agent fiduciaire est tenu – par analogie à la procédure applicable pour un mandat de révision – de vérifier s’il n’existe pas de motifs d’exclusion. Cela dépend, lors de révisions ponctuelles, du mandat de révision légal. Selon l’art. 670 al. 2 CO, le réviseur doit attester que les conditions légales sont remplies. A cette fin, il lui incombe non seulement de s’assurer du respect des prescriptions d’évaluation (vérification de l’absence de surévaluation), mais de vérifier d’autres points (plafond de l’évaluation dans la perspective du rétablissement de la situation en matière de capitalisation, mention particulière des réserves de réévaluation, indications figurant dans l’annexe). Sur tous les points évoqués, le risque de vérification de son propre travail pourrait peser sur l’agent fiduciaire. Il lui appartient donc de prendre en matière de personnel et d’organisation toute mesure de nature à lui éviter ce risque, en apparence comme dans les faits. Si cela se révèle impossible, la vérification de la réévaluation devra être confiée à un autre réviseur agréé.
En cas de menace fondée de surendettement, l’art. 725 al. 2 CO dispose qu’un bilan intermédiaire doit être dressé à la valeur d’exploitation et / ou de liquidation des biens. Ce bilan intermédiaire est soumis lui aussi à l’obligation de révision ponctuelle. Une fois révisé, il fera office soit de base sur laquelle aviser le juge, soit de motif légitime de s’abstenir de l’aviser pour le cas où ce bilan intermédiaire ne ferait pas état d’un surendettement ou s’il apparaissait que ce surendettement est couvert par des actifs de rang subordonné.
La vérification du bilan intermédiaire au sens de l’art. 725 CO ne consiste pas à s’assurer du respect de toutes les prescriptions d’établissement des comptes mais uniquement à constater l’existence ou non d’un surendettement. Et là encore, le concept de contrôle restreint ne fait pas effet. C’est plutôt la NAS 290 qui dicte sa conduite au réviseur. A noter à ce propos que la NAS, lorsque la situation est claire (ce qui est souvent le cas pour une PME), prévoit une procédure simplifiée sous réserve de remplir les conditions suivantes:
- un assainissement de la société et une continuité de l’exploitation sont possibles et sérieusement envisagés et le surendettement aux valeurs d’exploitation est incontestablement plus faible que celui aux valeurs de liquidation (NAS 290 Y); ou
- le surendettement est manifeste et important et le conseil d’administration et le réviseur sont unanimes à dire qu’un assainissement de la société à court terme et la continuité de l’exploitation ne sont ni possibles ni envisagés (NAS 290 X).
Il va de soi que l’organe de révision doit accompagner d’une manière particulièrement cohérente les mandats relevant des dispositions de l’art. 725 CO. Toutefois, on attend également une attitude critique et cette cohérence de la part de l’agent fiduciaire d’une PME dès lors que le client recourt à la clause opting-out et que, du coup, l’agent fiduciaire n’assume pas de responsabilité à titre d’organe de révision. En tout cas, c’est faire preuve de souci de qualité irréprochable du conseil que d’attirer l’attention du client sur les dispositions de l’art. 725 CO. Dans le cas d’espèce, la conséquence logique est d’accepter le mandat de vérification du bilan intermédiaire à titre de «devoir moral» en quelque sorte. Dans ces circonstances, l’agent fiduciaire doit cependant avoir conscience d’une situation spécifique au regard du risque: en cas d’atermoiement du conseil d’administration quant au dépôt de bilan et en l’absence de recours à la clause opting-out, le devoir d’aviser est le même pour le réviseur chargé de constater le surendettement que pour l’organe de révision. C’est pourquoi, afin de minimiser le risque de responsabilité, l’agent fiduciaire qui accepte un tel mandat de révision ponctuelle doit surveiller très attentivement sa mission, de la même manière que si le mandat avait été accepté en qualité d’organe de révision et inscrit au registre du commerce.
Le champ couvert par les prestations de révision ponctuelles est vaste et exigeant. Comme on l’a vu, ces prestations s’exposent aux risques et embûches les plus divers. Seules de solides connaissances professionnelles alliées à une grande expérience sont garantes de prestations adéquates pour le réviseur de PME. L’Institut suisse pour le contrôle restreint de FIDUCIAIRE|SUISSE apporte son soutien de maintes façons aux membres de la profession.
L’Institut suisse pour le contrôle restreint (ISCOR) de FIDUCIAIRE|SUISSE a été fondé en 2011. Il traite essentiellement des thèmes portant sur les règles applicables à l’établissement des comptes et à la révision selon le Code des obligations (CO). Il s’entend comme entité prestataire de services à l’intention des fiduciaires ainsi que des spécialistes issus du secteur de l’audit. Ses domaines d’activité principaux se situent, d’une part, dans la formation et la formation continue desdits spécialistes et, d’autre part, dans la gestion active de positions au plan politique.