Le nouveau droit comptable est entré en vigueur le 1er janvier 2013 avec un délai de transition de deux ans. Celui-ci vient à présent d’expirer et les comptes annuels débutant au 1er janvier 2015 doivent impérativement respecter les nouvelles dispositions.L’article suivant est donc consacré à la première application et à ses conséquences sur les comptes annuels.
Les questions d’évaluation ont évolué avec l’introduction du nouveau droit comptable. L’évaluation ne s’effectue plus sur la base du classement du bilan (exemple: actif circulant ou actif immobilisé), mais selon un concept en deux parties. A cet égard, une distinction doit être faite entre évaluation initiale et subséquente.
Lors de sa première comptabilisation, un actif est évalué au plus à son coût d’acquisition ou à son coût de revient.
Lors de l’évaluation subséquente, un actif ne doit pas être évalué à plus que son coût d’acquisition ou son coût de revient. Les dispositions relatives à certaines catégories d’actifs sont réservées. Il s’agit notamment de l’évaluation des stocks et des actifs cotés en bourse ou ayant un prix courant observable.
Conformément aux aspects de l’évaluation inhérents à une évaluation initiale, les actifs doivent être évalués au plus aux coûts d’acquisition ou de revient. Une évaluation plus faible est bien sûr autorisée, mais elle soulève alors la question de savoir si elle débouche sur la constitution ou la dissolution de réserves latentes. Une dissolution significative de réserves latentes devant être divulguée dans l’annexe aux comptes annuels, cet aspect ne doit pas être ignoré. Rappelons ici que l’obligation d’inscription à l’actif (les actifs «doivent» être évalués) aura des conséquences significatives sur la pratique. L’omission d’actifs constitue une violation de l’art. 959 al. 2 CO. Chaque position doit donc être saisie dans les comptes annuels et être affichée avec au moins 1 CHF pour mémoire. Même si la somme de 1 CHF semble négligeable, elle doit être portée au bilan aux termes des dispositions légales.
La structure minimale telle qu’elle est fixée par la loi doit être respectée sans conditions. Les comptes annuels ne doivent comporter aucune règle de structuration ni aucun ordre différent. Au travers des prescriptions édictées, le législateur a fixé un ordre devant être respecté en tant qu’exigence minimale.
Les conséquences sur les comptes annuels ne sont pas trop importantes. Certaines désignations du bilan doivent par exemple être adaptées (prestations de services non facturées) et des comptes doivent être restructurés. Les participations ne doivent plus apparaître à la rubrique «Immobilisations financières», mais dans une position séparée des comptes annuels. Désormais, les frais de constitution sont en outre comptabilisés dans le compte de résultats. A ce jour, ces coûts étaient une composante de l’actif. Le passif évolue principalement en ce qui concerne les capitaux propres. De nouveaux intitulés de comptes doivent y être définis, certains reclassements doivent être opérés et adaptés aux désignations légales. Les capitaux étrangers, à court terme et à long terme, doivent être articulés en une catégorie de capitaux portant intérêt et ne portant pas intérêt.
Les nouvelles conséquences du classement du bilan prévoient une mise en œuvre prescrite, tant pour ce qui est de l’ordre que de l’intitulé du bilan. Dans la pratique, ces prescriptions devraient susciter un certain nombre de questions.
C’est la raison pour laquelle nous abordons ci-après la mise en œuvre pratique et la problématique qui en résulte dans le domaine des prestations de services non facturées.
Les prestations de services non facturées (par exemple les «heures effectuées») doivent être présentées sans exception dans le bilan. Mais quelles sont les variantes d’évaluation conformes? Dans la mesure où il existe des prestations de services non facturées, il n’est pas admissible d’utiliser 0 CHF comme valeur attribuée. Si la somme présentée est de 0 CHF ou en l’absence de présentation au bilan, cela signifie qu’il n’y a pas de valeur correspondante. Les nouvelles prescriptions en matière d’articulation et de comptabilisation à l’actif instaurent cependant une obligation de porter à l’actif. Une valeur d’au moins 1 CHF doit donc impérativement être retenue. Aussi insignifiante qu’elle puisse paraître, la différence entre 0 CHF et 1 CHF est essentielle. Si la somme présentée est de 0 CHF, il n’y a pas de présentation au bilan ou le lecteur du bilan a l’impression qu’il n’y a pas de prestations de services non facturées. Si la somme présentée est de 1 CHF, il est en revanche nécessaire de déterminer le montant de la valeur absolue, car il pourrait sinon y avoir des demandes de précision du service des impôts.
Les dispositions légales définissent exclusivement la valeur maximale pour le bilan qui devrait se situer au niveau du coût de revient, dans la mesure où le taux horaire à facturer est supérieur. Dans la pratique, une valeur comptable moins élevée est donc réaliste. Il est par ailleurs interdit de constituer un tiers des stocks sur des prestations de services non facturées. Il est également indispensable de présenter la dissolution nette des réserves latentes. Pour que cela soit possible en bonne et due forme, la valeur effective de ces prestations de services doit être déterminée dans l’annexe aux comptes annuels. Une dissolution ne peut évidemment être reproduite que si les valeurs correspondantes sont connues.
Le nouveau droit comptable redéfinit l’esprit de base de la comptabilité et adhère à l’esprit des normes reconnues, par exemple Swiss GAAP RPC. Comme évoqué en introduction, une distinction est désormais opérée entre évaluation initiale et subséquente. Ce concept est aussi responsable du fait que les actifs dans l’actif immobilisé peuvent être comptabilisés à un prix courant observable. Seul le prix d’acquisition était jusqu’à présent admis comme valeur maximale pour ces postes du bilan.
- Lors des évaluations subséquentes, les actifs cotés en bourse ou ayant un autre prix courant observable peuvent être évalués au cours du jour ou au prix courant à la date du bilan.
- Ce choix doit être indiqué dans l’annexe.
- Lorsque des actifs sont évalués au cours du jour ou au prix courant à la date du bilan, une correction de valeur peut être constituée à charge du compte de résultat afin de tenir compte de la fluctuation des cours.
Le législateur a défini le cours de bourse et le prix courant observable comme notions correspondantes pour cette thématique. Le cours de bourse ne requiert aucune interprétation et devrait être relativement compréhensible. La question qui se pose par conséquent est donc principalement de savoir ce qu’il faut entendre par prix courant observable. Cette interprétation peut induire quelques hésitations dans la pratique. Les entreprises ayant de faibles capitaux propres pourraient notamment privilégier des limites inférieures à celles autorisées par le législateur.
D’un point de vue pratique, cette situation peut notamment être discutée dans le cas des véhicules. Peut-on par exemple parler de prix courant observable en ce qui concerne Eurotax? D’un point de vue comptable, la réponse est oui, au contraire de la perspective de la révision. A mon avis, un prix courant observable n’est effectif que s’il existe sur ce «marché» une réglementation selon le droit de la surveillance. Dans la pratique, la problématique présentée doit être évaluée de manière critique, notamment en ce qui concerne les entreprises ayant de faibles capitaux propres. Une solution selon l’arbre de décision serait envisageable.
Du point de vue de la réglementation, la marge de manœuvre est faible et doit être respectée en l’état. Il n’est pas conseillé de trop profiter de l’interprétation du prix courant observable, d’autant que ces plus-values n’ont pas de provenance en lien avec l’entreprise. Au lieu de dépenses d’interprétation, les ressources doivent être avantageusement investies dans des activités opérationnelles, pour que des résultats durables soient assurés. On peut ainsi constater qu’en pratique des valeurs telles qu’Eurotax ne doivent pas être utilisées ou classifiées comme prix courant.
L’annexe aux comptes annuels subit les principales influences. Alors que les règles relatives à l’établissement de l’annexe étaient peu nombreuses jusqu’à présent, de nouvelles publications complètes voient le jour. La valeur d’assurance incendie des immobilisations corporelles et l’évaluation des risques (pour les petites entreprises) disparaissent, mais des méthodes d’évaluation et de plus amples détails doivent en revanche être publiés du fait du nouveau droit comptable. La publication des dettes pour leasing non résiliables dans un délai de douze mois ou d’événements postérieurs à la date du bilan devrait être très importante dans la pratique.
Les prescriptions légales relatives à la teneur minimale de l’annexe selon l’art. 959c al. 2 CO indiquent que les événements importants survenus après la date du bilan doivent être publiés. La loi ne précise pas vraiment quelles informations sont précisément exigées. Des informations complémentaires sur cette thématique peuvent être déduites du concept cadre Swiss GAAP RPC. Les événements survenus après la date du bilan sont positifs ou négatifs et se produisent entre la date du bilan et la date à laquelle les comptes annuels sont autorisés par l’organe compétant pour l’établissement du bilan. Dans une société anonyme, il s’agit donc de la période entre la date du bilan et l’autorisation des comptes annuels par le conseil d’administration.
Les nouvelles règles de publication dans l’annexe aux comptes annuels enjoignent le réviseur de vérifier les circonstances des événements survenus après la date du bilan. Il ne s’agit pas seulement des événements négatifs, mais aussi des événements positifs. Des mesures complémentaires sont requises, d’autant que le standard relatif à la révision restreinte dans ce domaine partiel ne prévoit aucune procédure d’audit explicite. Les procédures d’audit complémentaires pourraient englober les travaux suivants:
- Documentation des déclarations du conseil d’administration à l’occasion de la discussion finale
- Déclaration d’exhaustivité
- Solliciter la formulation écrite par le conseil d’administration des événements survenus après la date du bilan
- Inspection critique des comptes du nouvel exercice concernant les événements survenus après la date du bilan.
Cette liste n’est pas exhaustive, car les travaux possibles doivent être adaptés à la situation respective.
L’exemple pratique suivant montre que ce contrôle ne porte pas uniquement sur des aspects formels. L’audit des événements survenus après la date du bilan doit notamment intégrer dans l’interview les connaissances résultant des travaux d’audit antérieurs, ainsi que les connaissances concernant le client.
Le client A possède des titres pour un prix d’acquisition de 150 000 CHF qui présentent une valeur vénale de 180 000 CHF à la date du bilan. Le bilan du client indique en outre des stocks pour un prix d’achat de 120 000 CHF.
A la date d’établissement du bilan, les mêmes titres présentent une valeur vénale de 110 000 CHF, les stocks un prix de vente de 50 000 CHF. Les faits présentés ici supposent qu’il s’agit des mêmes titres et des mêmes stocks. La question qui se pose à présent est de savoir si ces événements doivent être saisis au plan comptable après la date du bilan ou si une publication dans l’annexe suffit.
Il est assez simple de répondre à cette question sur la base des recommandations Swiss GAAP RPC. Les comptes annuels doivent saisir les événements, pour autant que le déclencheur de l’événement était déjà présent à la date du bilan. Si l’élément déclencheur se situe après la date du bilan, aucune comptabilisation supplémentaire n’est requise et une publication dans l’annexe aux comptes annuels est suffisante.
Pour notre exemple, cela signifie concrètement que la dépréciation des titres ne doit pas être comptabilisée, car il s’agit d’un événement postérieur à la date du bilan qui ne doit pas nécessairement être comptabilisé, mais qui doit être publié. Une comptabilisation facultative est toujours recevable. La question de la poursuite de l’entreprise ne doit pas être oubliée dans cette perspective. Est-elle encore garantie malgré la dépréciation ou des problèmes se posent-ils? La situation est en revanche différente en ce qui concerne les stocks. Les règles d’évaluation stipulent à ce sujet que les stocks doivent être évalués aux coûts d’acquisition, de revient ou à la valeur vénale plus base. Etant donné que la valeur vénale (prix de vente) est inférieure aux coûts d’acquisition / coûts de revient, une correction de valeur est indispensable. Ces opérations comptables n’ont toutefois rien à voir avec le nouveau droit comptable et auraient déjà dû s’appliquer auparavant. La différence par rapport au droit antérieur ne concerne que la publication explicite dans l’annexe aux comptes annuels.
Les événements survenus après la date du bilan représentent des aspects tant positifs que négatifs qui surviennent après la date du bilan, mais avant son établissement. A mon avis, il ne faut notamment pas ignorer les faits basés sur les aspects précités et sur l’exigence prescrite de continuation de l’entreprise. Ce point supplémentaire dans l’annexe aux comptes annuels représente une charge non négligeable pour la personne responsable.
Les variantes suivantes sont disponibles l’année du changement:
- Comptes annuels sans les chiffres de l’exercice précédent
- Comptes annuels avec les chiffres de l’exercice précédent selon les prescriptions antérieures
- Comptes annuels avec les chiffres de l’exercice précédent selon les nouvelles prescriptions structurelles.
L’adaptation des valeurs de l’exercice précédent en fonction des résultats est en tous cas interdite. Un retraitement tel que nous le connaissons par exemple selon les Swiss GAAP RPC n’existe pas selon le Code des obligations. Même si les prescriptions structurelles sont adaptées afin de permettre une comparaison avec les chiffres de l’exercice précédent, cela signifie que le résultat reste inchangé au final. Des reclassements à l’intérieur de positions (par exemple dettes portant intérêt / ne portant pas intérêt ou dans le domaine des capitaux propres) sont en revanche envisageables. Dans la variante qui devrait être privilégiée selon moi, les chiffres de l’exercice précédent ne sont pas adaptés, mais conservés tels qu’ils étaient l’année précédente. Cette solution a l’avantage d’être facile à mettre en œuvre et de requérir un minimum d’explications. Il est toutefois à noter que la comparabilité n’est ainsi pas garantie à tous points de vue.