La Suisse est soumise à toujours plus de pressions visant à ce qu’elle adapte son droit fiscal à des prescriptions internationales. L’Union Européenne demande ainsi l’abolition de l’imposition privilégiée des sociétés holding et des sociétés auxiliaires (de base, d’administration et de domicile) et critique la réglementation de l’imposition à la source de la Suisse. Le Groupe d’action financière (GAFI)1 vient de déclarer que les délits fiscaux devaient être considérés comme des infractions initiales dans le cadre du blanchiment d’argent. C’est la raison pour laquelle il est prévu de mettre en œuvre en droit suisse de nouvelles obligations de contrôle visant à garantir la conformité fiscale ainsi qu’un droit pénal fiscal plus sévère.
Comme le montre l’expérience, les Etats ne peuvent pas faire autrement, dans le cours de la globalisation, que d’adapter leurs règles juridiques à celles des autres Etats. La Suisse a depuis de nombreuses années l’habitude de ces processus, en particulier lorsqu’ils concernent les relations avec l’UE et les traités bilatéraux. Ces derniers ont débouché jusqu’ici sur diverses adaptations du droit entre les Etats. Le droit fiscal n’a pas été épargné. Ainsi, la Suisse a accepté, dans le cadre des «bilatérales II», de garantir l’entraide judiciaire pour des perquisitions ou des confiscations dans le cadre des délits de fraude fiscale dans le domaine des impôts indirects.2 De plus, en sa qualité de membre d’organisations internationales, la Suisse a mis en œuvre des normes fiscales correspondantes. Etant donné que l’OCDE considère que la corruption est en lien étroit avec le crime organisé, la Suisse a accepté de ne plus admettre que des pots-de-vin versés soient déductibles des revenus imposables.3
Au cours de ces 3 – 4 dernières années, on a pu observer qu’une certaine dynamique intervenait dans ce domaine. La Suisse se retrouve de plus en plus sous pression pour adapter son droit fiscal à des prescriptions internationales. On peut marquer le printemps 2009 d’une pierre blanche puisque c’est à cette époque que le Conseil fédéral a décidé d’adopter à l’avenir les directives de l’art. 26 du Modèle de convention OCDE4 pour l’entraide judiciaire en matière fiscale. Cette décision signifiait en fait que la Suisse ne se contentait plus d’accorder l’entraide judiciaire en matière d’impôts directs seulement en cas de fraude fiscale mais également en cas de soustraction fiscale. Outre l’adaptation de divers traités de double imposition5, la Suisse s’est vue confrontée à toute une série de souhaits d’adaptation dans le domaine du droit fiscal.
Une autre nouveauté que l’on peut observer est le fait que la Suisse doit adapter son droit fiscal en raison des pressions internationales auxquelles elle est soumise. Les révisions légales ne découlent plus de négociations débouchant sur des consensus, mais ce sont bel et bien d’autres Etats et des organisations internationales qui menacent la Suisse de sanctions pour le cas où leurs prescriptions ne seraient pas prises en compte. Nous nous sommes déjà lentement habitués à la menace qui nous est adressée de placer la Suisse sur une liste grise, noire ou autre en cas de refus d’obtempérer.
C’est un fait que de telles prescriptions internationales ne sont, pour certaines, que très difficilement conciliables avec la conception suisse du droit. On ne prend ou on ne pourra guère prendre en considération tous les besoins et toutes les particularités de la Suisse. Dans un Etat démocratique tel que la Suisse, cela provoque des discussions, en particulier lorsque le législateur n’a plus de marge de manœuvre propre mais se voit réduit au rôle de simple exécuteur de prescriptions internationales.
La Loi sur l’assistance administrative fiscale (LAAF) est entrée en vigueur le 1.02.2013 et régit l’assistance administrative conformément aux traités de double imposition et à d’autres traités internationaux qui prévoient un échange d’informations en matière fiscale.6 Conformément aux informations contenues dans le rapport explicatif du 14.08.2013, une première révision partielle est déjà nécessaire, six mois seulement après l’entrée en vigueur. Le Conseil fédéral motive ainsi cette nécessaire révision de la loi:7
Les réalités internationales rendent la révision de cette loi déjà nécessaire. Dans leur communiqué publié à l’issue de leur réunion des 19 et 20 juillet 2013, les ministres des Finances du G 20 et les gouverneurs des banques centrales ont en effet pressé toutes les juridictions, en particulier les 14 juridictions dont les bases légales ne satisfont pas suffisamment à la norme, de lancer sans délai la mise en œuvre des recommandations du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales (Forum mondial).
Pour la Suisse, cela signifie en particulier qu’elle doit mettre en œuvre les recommandations contenues dans le rapport d’examen par les pairs du 1er juin.
…
La nécessité d’adapter la LAAF est aussi apparue lors de la réunion du groupe de direction du Forum mondial du 28 juin 2013 au cours de laquelle ce groupe a discuté le programme prévu de notation des juridictions après l’achèvement des deux phases de l’examen par les pairs. Cette notation finale devrait commencer en octobre 2013. Pour éviter que les Etats respectant la norme ne soient désavantagés par rapport aux pays qui ne la respectent pas, plusieurs Etats préconisent de réfléchir à un système de sanctions pour les Etats qui ne peuvent pas être admis à la phase 2. Ainsi, la pression sur ces Etats, et donc aussi sur la Suisse, va continuer d’augmenter.
Les prescriptions internationales exigent une révision partielle de la LAAF en relation avec l’assistance sur la base de données acquises de manière illégale ainsi qu’avec le dépôt de demandes groupées.
La révision partielle prévue de la LAAF a surtout attiré l’attention du public en raison de la nouvelle formulation de l’art. 7 lit. c. Conformément à la teneur actuelle de l’art. 7 lit. c LAAF, il n’est pas entré en matière lorsqu’une demande viole le principe de la bonne foi, en particulier lorsqu’elle se fonde sur des renseignements obtenus par des actes punissables au regard du droit suisse. Le rapport explicatif du 14.08.2013 souligne que les demandes fondées sur des renseignements obtenus de manière illégale ont provoqué des problèmes et des désaccords auprès d’autres Etats. Des données acquises de manière illégale étant disponibles par assistance spontanée, il est recommandé de ne pas entrer en matière si le pays déposant la demande a acquis les données illégales par un comportement actif. Le Conseil fédéral propose ainsi d’adapter dans ce sens l’art. 7 lit. c LAAF. Le rapport explicatif invoque une autre raison motivant la nouvelle réglementation:
L’Inde, mais aussi l’Espagne et les Pays-Bas, ont critiqué l’attitude de la Suisse. La France a transmis les données de la banque HSBC notamment à l’Inde, qui a ensuite adressé à la Suisse des demandes d’assistance fondées sur ces données. Il en est résulté, dans l’ensemble, de nombreux cas de non-entrée en matière, ce qui se traduit par une mauvaise statistique. La pratique actuelle ne satisfait pas des pays importants de l’UE et du G20: elle risque de devenir une affaire politique de grande ampleur et pourrait conduire à des polémiques sur un plan bilatéral et dans le cadre du Forum mondial.
Conformément à la conception fondamentale du droit en Suisse, une preuve est considérée comme non recevable si elle a été obtenue de manière illégale. L’octroi prévu de l’assistance administrative sur la base de données bancaires obtenues illégalement est en contradiction très claire avec le principe de non-recevabilité d’une preuve et avec la conception suisse du droit. De plus, on conçoit difficilement que la Suisse soit obligée d’octroyer une assistance administrative après que des informations ont été obtenues par le biais de graves délits – et que des intérêts de la Suisse ont éventuellement été violés. Il faut penser par exemple aux activités interdites de service de renseignement. Cela ouvrirait la porte à toutes les tentatives d’accéder illégalement à des données et à des informations. De plus, il convient de réfléchir au fait qu’il sera très difficile de contrôler si les données obtenues illégalement par un Etat l’ont été de manière active ou passive par celui-ci. L’on ne pourra guère contrôler l’intervention de tiers qui risque fort de violer le principe de la bonne foi.
L’octroi prévu de l’assistance administrative fondé sur des données acquises illégalement par des actes passifs permettrait de donner suite à diverses exigences internationales. De l’avis du Conseil fédéral, cela permettrait d’éviter d’éventuels problèmes avec les Etats du G20. D’un autre côté, il convient de rester critique du point de vue de la Suisse quant à l’octroi généralisé de l’assistance administrative fondé sur des données acquises illégalement par des actes passifs. Des constellations peuvent apparaître dans lesquelles l’octroi de l’entraide administrative serait scandaleux et irait à l’encontre des intérêts fondamentaux de la Suisse. Cela serait par exemple le cas si un Etat étranger venait à espionner systématiquement des entreprises suisses tout en déposant en permanence des demandes d’assistance administrative fondées sur les résultats de ses activités d’espionnage. Le processus législatif en cours montrera si et dans quelle mesure les prescriptions internationales seront mises en œuvre.
Il est prévu d’intégrer à la LAAF les exigences posées aux demandes groupées. Conformément à la définition de l’art. 3 lit. c LAAF, les demandes d’assistance administrative sont considérées comme des demandes groupées lorsqu’elles portent sur des informations touchant plusieurs personnes identifiables sur la base d’informations précises. Les nouvelles dispositions proposées de l’art. 6 al. 2bis ne définissent pas elles-mêmes les exigences posées aux demandes groupées mais se réfèrent aux prescriptions du commentaire relatif à l’art. 26 du Modèle de convention OCDE dans sa version de 2012, qui sont les suivantes:8
«The standard of ‹foreseeable relevance› (conformément à l’art. 26 paragraphe 1 du Modèle de convention OCDE, les autorités compétentes des Etats signataires de l’accord échangent les informations qui sont entre autres déterminantes [foreseeably relevant] pour la mise en œuvre de l’accord) can be met both in cases dealing with one taxpayer (whether identified by name or otherwise) or several taxpayers (whether identified by name or otherwise). […] where the request relates to a group of taxpayers not individually identified, it will often be more difficult to establish that the request is not a fishing expedition, as the requesting State cannot point to an ongoing investigation into the affairs of a particular taxpayer which in most cases would by itself dispel the notion of the request being random or speculative. In such cases it is therefore necessary that the requesting State provides a detailed description of the group and the specific facts and circumstances that have led to the request, an explanation of the applicable law and why there is reason to believe that the taxpayers in the group for whom information is requested have been non-compliant with that law supported by a clear factual basis. It further requires a showing that the requested information would assist in determining compliance by the taxpayers in the group. As illustrated in example (h) of paragraph 8, in the case of a group request a third party will usually, although not necessarily, have actively contributed to the non-compliance of the taxpayers in the group, in which case such circumstance should also be described in the request. Furthermore, and as illustrated in example (a) of paragraph 8.1, a group request that merely describes the provision of financial services to non-residents and mentions the possibility of non-compliance by the non-resident customers does not meet the standard of foreseeable relevance.»
Selon la proposition de l’art. 6 al. 2ter, le Conseil fédéral devrait pouvoir adapter à l’avenir la teneur nécessaire d’une demande groupée à la norme internationale adoptée par la Suisse.
Il faut relever que les conditions prévues pour les demandes particulières à l’art. 6 al. 2 LAAF sont codifiées. Toute modification, respectivement toute adaptation nécessite donc une procédure ordinaire de révision législative. Il est judicieux et recommandé en raison du caractère politique délicat des demandes groupées que l’on règle également dans la loi les conditions à remplir et que l’on ne se contente pas simplement de se référer au commentaire du Modèle de convention OCDE. D’un point de vue suisse, il est en outre souhaitable que d’éventuelles adaptations du contenu nécessaire des demandes groupées se fassent dans le cadre d’une procédure de révision législative régulière.
La langue d’interprétation déterminante du commentaire relatif au Modèle de convention OCDE est l’anglais. Conformément à l’art. 70 al. 1 CF, les langues officielles de la Confédération sont l’allemand, le français et l’italien. En relation avec des personnes de langue rhéto-romane, le rhéto-romanche est également une langue officielle de la Confédération. Les prescriptions de la Constitution fédérale vont donc également dans le sens d’une définition claire de la teneur nécessaire d’une demande groupée dans la loi et dans une langue officielle.
En résumé, on remarquera que selon le projet de mise en consultation, les exigences posées aux demandes groupées ne sont plus décrites dans la loi mais que la LAAF se réfère directement aux exigences formulées dans le commentaire relatif au Modèle de convention OCDE. Le fait que ce dernier soit rédigé en anglais fait apparaître de manière encore plus évidente le caractère international de la prescription. Le processus de révision en cours montrera si et éventuellement comment ces prescriptions internationales sont mises en œuvre. Cela vaut non seulement pour les demandes groupées mais également pour les demandes d’assistance administrative internationales sur la base de données acquises illégalement. A ce sujet, plusieurs partis ont déjà exprimé leur refus.
On se souvient que la place financière suisse a subi de fortes critiques au cours de ces dernières années. Comme une place financière saine représente un important intérêt économique, le Conseil fédéral voue une très grande attention à sa conservation. C’est la raison pour laquelle la Suisse participe activement au GAFI.9
Le GAFI a rédigé en 1989 des recommandations en matière de blanchiment d’argent et de lutte contre le terrorisme qui ont été contrôlées et révisées entre 2009 et 2012. Le résultat de ces efforts se présente sous la forme des recommandations 2012 qui prévoient entre autres que de graves délits fiscaux doivent être qualifiés d’actes préparatoires au blanchiment d’argent.10 Selon la conception juridique suisse, sont de graves délits les crimes au sens de l’art. 10 al. 2 CP. Les crimes sont des délits passibles d’une peine privative de liberté de plus de trois ans.
Dans le domaine des impôts directs, les violations légales sont considérées comme des contraventions ou des infractions.11 De ce fait, ni la LIFD, ni le CP ne prévoient de violations considérées comme des crimes. Le Conseil fédéral prévoit désormais de répondre aux recommandations révisées 2012 du GAFI en introduisant un nouvel acte punissable. Dans son rapport explicatif, il précise:
Afin de répondre à cette exigence du GAFI, il est proposé d’introduire un nouvel acte punissable destiné à remplacer l’utilisation de faux titres en vue de réaliser une soustraction fiscale (appelée fraude fiscale dans la version allemande de la LIFD et du CP) comme le prévoient les articles 186 LIFD et 59 CP. Cette nouvelle infraction (art. 186 AP-LIFD et art. 59 AP-LHID) se base sur la soustraction fiscale dont elle constitue une forme qualifiée. Elle peut se commettre soit avec l’utilisation de faux titres, soit en trompant l’autorité fiscale. Cette soustraction fiscale qualifiée est appelée «fraude fiscale». La forme «simple» de cette fraude reste une infraction (art. 186 al. 1 AP-LIFD et art. 59 al. 1 lit. a AP-LHID). Il est ainsi prévu de l’ancrer désormais sous sa forme qualifiée, c’est-à-dire en tant que crime et donc en tant qu’acte préparatoire au blanchiment d’argent, dans un nouvel alinéa 1bis. Parmi les éléments constitutifs de l’infraction, on trouvera de plus l’exigence que les éléments fiscaux non déclarés dépassent au moins les CHF 600 000.
Selon la proposition du Conseil fédéral, une fraude fiscale consistant à ne pas déclarer des facteurs fiscaux de CHF 600 000 remplit la qualification d’une infraction et, de ce fait, d’acte préparatoire au blanchiment d’argent. Il est probable que les cas d’infraction de fraude fiscale d’un tel montant ne seront pas trop fréquents. Il faut cependant tenir compte du fait que pour des contribuables à facteurs fiscaux importants (par exemple des multinationales), la limite de CHF 600 000 peut, dans certaines circonstances, être considérée comme relativement peu élevée mais qu’elle remplit néanmoins les conditions plus sévères propres à un crime, ce qui peut aller à l’encontre du principe de proportionnalité. D’autre part, en présence d’une grave infraction de fraude fiscale, il faut s’attendre à ce que les possibilités de sanction de la loi contre le blanchiment d’argent interviennent également, étant donné que de graves infractions de fraude fiscale sont considérées comme des actes préparatoires au blanchiment. Pour terminer, relevons que l’élévation des conséquences pénales en cas de délits fiscaux n’est due qu’à la volonté de satisfaire aux prescriptions internationales.
Globalement, on peut donc dire que la Suisse affronte des défis plus importants que l’élévation des conséquences pénales. Diverses forces politiques défendent ainsi le point de vue qu’il n’y a aucun besoin de procéder à une quelconque adaptation. Les contribuables peuvent en outre comprendre ces normes plus strictes comme signe de défiance, ce qui peut nuire aux rapports entre l’administration et les contribuables.
Pour terminer, mentionnons que des adaptations correspondant aux recommandations du GAFI sont également proposées dans le domaine des impôts indirects.12
La procédure en consultation a duré jusqu’au 15.06.2013. Après examen des prises de position, il sera intéressant d’observer quel aura été l’écho provoqué par la procédure en consultation et si le message adressé par le Conseil fédéral au parlement sera modifié par rapport au projet mis en consultation.
Selon la stratégie du Conseil fédéral en matière de place financière, l’objectif d’une place financière conforme aux règles de la fiscalité devrait être atteint au moyen de traités d’imposition à la source, d’une entraide administrative et judiciaire améliorée sur la base de normes internationales et d’une extension des obligations de diligence.13 Dans le cadre de la mise en œuvre de cette stratégie, il est prévu de définir dans la LBA des obligations de diligence élargies. Ces obligations de diligence élargies touchent tous les intermédiaires financiers suisses et obligent ces derniers à vérifier la conformité fiscale des valeurs patrimoniales qui leur sont confiées. Selon la proposition du Conseil fédéral, cette vérification de la conformité fiscale se définit comme suit:
Art. 6a (nouveau) Vérification de la conformité fiscale
1 Avant d’accepter des valeurs patrimoniales, l’intermédiaire financier doit vérifier si ces dernières sont ou seront fiscalisées. L’ampleur de cette obligation de vérification dépend du risque que représente le client en ce qui concerne le respect des prescriptions fiscales.
2 Sont considérés comme des indices de risque accru les faits suivants:
a. utilisation de structures complexes sans motif apparent pour le placement, notamment au moyen de sociétés de domicile, dont l’ayant droit économique est différent du client;
b. exigence de discrétion accrue demandée ou transactions fréquentes au comptant;
c. indices portant sur l’existence d’une procédure pénale fiscale en cours ou condamnation pour violation des obligations fiscales;
d. placements exécutés dans des produits exonérés d’impôts ou défaut de demande de justificatif fiscal.
3 Les indices portant sur un risque réduit sont les suivants:
a. le client déclare que les valeurs patrimoniales confiées et les rendements correspondants sont ou seront fiscalisés (auto-déclaration);
b. le client autorise l’intermédiaire financier à transmettre ses données aux autorités fiscales;
c. le client peut justifier de manière crédible que les valeurs patrimoniales sont fiscalisées;
d. existence d’un traité d’imposition internationale à la source ou sur l’échange d’informations fiscales entre la Suisse et le pays de résidence du client;
e. la transaction portant sur les valeurs patrimoniales a lieu en Suisse et le client est domicilié en Suisse.
Si quelqu’un ne déclare pas ou seulement de manière incomplète des revenus ou des valeurs patrimoniales, cette personne n’agit pas en conformité avec la loi fiscale. Si les autorités découvrent cette non-déclaration, la personne devra assumer ses responsabilités dans le cadre d’une procédure pénale fiscale. Par contre, conformément à la loi actuelle, un intermédiaire financier ne peut être inquiété dans le cadre d’une procédure pénale fiscale contre l’un de ses clients que s’il pousse ce dernier intentionnellement à la soustraction fiscale, lui fournit de l’aide ou provoque ou collabore à une soustraction fiscale. L’intermédiaire financier n’a pas d’autres responsabilités plus élargies. En particulier, il n’assume aucune obligation de garantie ou de dénonciation. Un contribuable qui ne déclare pas ou pas entièrement des revenus ou des valeurs patrimoniales est donc seul responsable de ses actes.
Le projet en consultation soumet une nouvelle proposition qui fait de l’intermédiaire financier un participant à la procédure, indépendamment du fait qu’il joue ou non un rôle actif en relation avec les valeurs patrimoniales non fiscalisées. Cette nouvelle position ne sera motivée que par la position professionnelle et la qualification en tant qu’intermédiaire financier qui y est liée. Bien que l’intermédiaire financier n’aura dans la plupart des cas aucune connaissance détaillée de la situation financière des contribuables et de leur conformité fiscale, des obligations de vérification devront désormais l’aider dans ce domaine. Cette proposition suscite l’interrogation de savoir s’il est juste que l’intermédiaire financier puisse être tenu pour indirectement responsable d’un comportement illicite de ses clients par le biais de la Loi sur le blanchiment d’argent – en particulier si l’on se réfère au principe de proportionnalité – bien qu’il n’ait fourni aucune contribution quelle qu’elle soit en relation au manque de conformité fiscale.
La nouvelle vérification de la conformité fiscale prévue concerne les personnes domiciliées aussi bien en Suisse qu’à l’étranger. Pour les personnes domiciliées en Suisse, l’intermédiaire financier dispose de meilleures possibilités pour vérifier la conformité fiscale des valeurs patrimoniales. L’intermédiaire financier est en mesure de comprendre les dispositions légales fiscales. De plus, la Suisse dispose d’un système fiscal et de taxation bien développé en comparaison internationale qui permet d’effectuer la vérification de la conformité fiscale sur la base de documents sélectionnés. Le fait que la Suisse prélève un impôt sur la fortune sera très utile, étant donné qu’il sera possible de procéder à une certaine vérification de la conformité fiscale sur la base de l’état des titres de la déclaration d’impôts. Il faut cependant tenir compte du fait que dans de nombreuses situations, la vérification de la conformité fiscale exigera un savoir-faire fiscal spécialisé correspondant et la présence de nombreux documents, par exemple lorsqu’une société de domicile sera utilisée en guise de détentrice des valeurs patrimoniales. La vérification de la conformité fiscale dans de telles situations pourrait dépasser les capacités de l’intermédiaire financier, en particulier s’il ne peut pas se référer à un spécialiste fiscal dans son environnement professionnel immédiat. S’il faut vérifier la conformité fiscale dans le domaine des impôts indirects, la chose sera d’autant plus complexe.
Il ressort de ce qui a été dit ci-dessus que les intermédiaires financiers arriveront déjà à leurs limites lors de la vérification de la conformité fiscale de personnes domiciliées en Suisse. Si des personnes domiciliées à l’étranger sont également touchées par la vérification de la conformité fiscale, des difficultés supplémentaires peuvent survenir:
- Les intermédiaires financiers ignoreront la plupart des législations fiscales étrangères et internationales.
- De nombreux systèmes fiscaux ne sont pas aussi bien développés que le système suisse. De plus, il faut tenir compte du fait que de nombreux pays ne connaissent pas d’impôt sur la fortune, ce qui complique les comparatifs de fortune. Si l’imposition se fait principalement à la source, la vérification sera plus complexe d’autant.
- Les lois, les documents déterminants, etc. sont rédigés dans une langue étrangère.
- Outre la connaissance du droit étranger en question, la vérification de la conformité fiscale exigera également la connaissance de la réglementation du droit fiscal international (conventions de double imposition, etc.).
Il dépendra finalement de la densité de vérification exigée de savoir si les intermédiaires financiers sont en mesure ou non d’assurer les obligations de diligence étendues de manière adéquate. Si cette densité de vérification est trop élevée, la vérification de la conformité fiscale dépassera les possibilités d’un nombre important d’intermédiaires financiers, respectivement ne pourra être plus ou moins assurée qu’avec des coûts beaucoup trop importants. Dans ce contexte, il y a lieu de souligner que la FINMA peut édicter des dispositions d’exécution pour les obligations de diligence sous la forme d’une ordonnance. Dans ce domaine, il y a donc encore bien des questions ouvertes, respectivement beaucoup de choses dépendent des prescriptions de la FINMA.
Les prescriptions internationales provoquent auprès des intermédiaires financiers un travail de vérification accru. Cela entraînera au minimum des frais plus élevés, voire représentera un désavantage concurrentiel. La procédure de mise en consultation a duré jusqu’au 15.06.2013. Le message du Conseil fédéral au parlement montrera comment cette affaire évoluera.
La Commission Européenne critiquait en 2007 déjà certains régimes d’imposition cantonaux comme étant des formes interdites de soutien étatique. Il s’agit de l’imposition privilégiée de sociétés holding et administratives. Selon la Commission, ces privilèges fiscaux représentent une distorsion de concurrence et ne sont prétendument pas compatibles avec le traité de libre échange de 1972. S’il est vrai que le Conseil fédéral a toujours refusé de reconnaître cette affirmation de la Commission Européenne, l’UE continue néanmoins d’exiger une adaptation des régimes fiscaux cantonaux. Diverses solutions de compromis n’ont pas abouti en raison de la résistance de certains pays membres de l’UE.14 Récemment, l’UE a annoncé des sanctions contre des entreprises suisses à l’étranger au cas où la Suisse ne se déclarerait pas prête à négocier.
Dans le cadre d’autres entretiens visant à trouver une solution à l’amiable, la Suisse a signalé sa volonté de procéder à des adaptations correspondantes dans le domaine des régimes fiscaux cantonaux et dans celui des possibilités d’imposition de «sociétés dites principales» et de «Swissfinance branches». La Confédération et les cantons ont ainsi mis en place en septembre 2012 une organisation de projet commune baptisée «réforme de l’imposition des entreprises III», entre autres avec l’objectif de réformer le système suisse d’imposition des entreprises dans le sens d’une acceptation internationale.15 Les premiers résultats de ces travaux permettent de s’attendre à ce que ces adaptations seront liées à des modifications importantes. L’objectif reste de conserver la compétitivité de la place fiscale suisse. On attend avec intérêt les prochaines étapes intermédiaires de la réforme de l’imposition des entreprises III.
La commission mixte du traité de libre circulation CH-EU a déjà souligné il y a quelques années que la réglementation suisse relative à l’imposition à la source n’est pas compatible en tous points avec l’accord de libre circulation CH-EU. Au cours de 2010, le Tribunal fédéral et plusieurs tribunaux cantonaux ont confirmé cette appréciation et ont relevé que la réglementation suisse en matière d’impôt à la source dans sa forme actuelle peut violer l’Accord sur la libre circulation des personnes sous certaines constellations parce que les personnes soumises à l’imposition à la source sont désavantagées par rapport à des personnes soumises à une imposition usuelle.
La Conférence suisse des impôts a mis au point des propositions de solutions visant à éviter des inégalités de traitement.16 De plus, diverses discussions ont été menées au plan politique afin de savoir si les inégalités de traitement existantes devaient effectivement être combattues également par des moyens législatifs.
Un aperçu des procédures législatives mentionnées ci-dessus montre que le Conseil fédéral plaide en faveur d’une reprise de prescriptions internationales par le droit fiscal suisse afin d’éviter d’éventuelles conséquences négatives pour la Suisse et les entreprises suisses. En référence au titre du présent article, on peut constater que c’est bien toujours encore le législateur suisse qui fait les lois. Le législateur conserve toujours encore la possibilité de ne pas suivre des prescriptions internationales. Ainsi, nous savons tous que le parlement n’est pas entré en matière lors de la dernière session d’été au sujet de la «Lex USA» (loi visant à mettre fin aux différends en matière de fiscalité entre la Suisse et les USA).17
Dans divers cas, la Suisse n’a toujours pas mis en œuvre des prescriptions internationales – surtout lorsqu’il s’agissait de réglementations discutables. Cela continuera d’être le cas à l’avenir. Malgré les pressions internationales, l’étranger ne pourra pas être qualifié de «législateur» dans le futur. L’influence de l’étranger sur le processus législatif peut cependant être considérable, surtout si des menaces de sanctions sont brandies. Cela est clairement apparu par exemple lors du litige avec l’UE au sujet de la fin de certains régimes d’imposition cantonaux. Bien que la Suisse ne considère pas qu’elle viole le traité de libre échange de 1972, elle entend néanmoins examiner si des adaptations sont possibles dans le cadre de la réforme de l’imposition des entreprises III. Cet accord est intervenu après que l’UE a brandi la menace de sanctions.
Que nous réserve le proche avenir? La Suisse va bientôt devoir subir diverses épreuves. Le rapport explicatif relatif à la modification de la Loi sur l’assistance administrative en matière de fiscalité du 14.08.2013 explique:
La nécessité d’adapter la LAAF est aussi apparue lors de la réunion du groupe de direction du Forum mondial du 28 juin 2013 au cours de laquelle ce groupe a discuté le programme prévu de notation des juridictions après l’achèvement des deux phases de l’examen par les pairs. Cette notation finale devrait commencer en octobre 2013. Pour éviter que les Etats respectant la norme ne soient désavantagés par rapport aux pays qui ne la respectent pas, plusieurs Etats préconisent de réfléchir à un système de sanctions pour les Etats qui ne peuvent pas être admis à la phase 2.
…
Même si elle pouvait passer à la phase 2, par exemple sur la base d’un nombre suffisant de CDI révisées, la Suisse aurait tout intérêt à résoudre rapidement la question de l’information a posteriori des personnes habilitées à recourir dans le cadre d’une demande d’assistance administrative. L’assistance administrative pratiquée pendant les trois dernières années est en effet examinée au cours de la phase 2. La situation actuelle ne présente en l’occurrence pas une bonne image: de nombreuses demandes sont bloquées en raison du secret demandé par l’Etat requérant, secret qui ne peut pas être assuré en raison de l’absence d’une réglementation relative aux exceptions à la notification ou parce qu’elles reposent indirectement sur des données acquises illégalement. Si elle ne peut pas répondre aux demandes actuellement bloquées, la Suisse se verra attribuer la note la plus faible pour l’appréciation globale dans le cadre de l’examen par les pairs. Une telle publicité est très dommageable pour l’image de la Suisse et recèle le risque que des sanctions soient prises à son encontre (p.ex. inscription sur une liste noire).
En matière de conformité fiscale, il y a encore pas mal de pain sur la planche pour la Suisse. L’échange automatique de renseignements se rapproche de plus en plus. L’avenir dira si de plus amples adaptations sont nécessaires en raison de prescriptions internationales supplémentaires et comment il conviendra de les traiter.
On peut s’attendre à ce que l’attrait fiscal de la Suisse demeure un sujet brûlant en raison de la situation financière difficile de certains Etats. On suivra avec intérêt de quelle façon l’étranger et notamment l’UE réagira à la réforme de l’imposition des entreprises III, respectivement aux propositions afférentes. Qu’arriverait-il par exemple si la Suisse décidait d’introduire pour le secteur de la navigation l’attrayante imposition du tonnage déjà appliquée par certains pays de l’UE, voire si elle abolissait l’impôt anticipé? Se pourrait-il peut-être que les concurrents de la Suisse ou des organisations internationales aient l’idée de prévoir l’imposition à la source des dividendes en tant que nouveau standard, en particulier pour mieux lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme?
Les prescriptions internationales auxquelles la Suisse est invitée à adhérer continueront sans doute d’être promulguées. Aussi longtemps que le droit suisse ne se réfère pas directement à des prescriptions internationales, ce n’est pas l’étranger qui fait les lois en Suisse. Néanmoins, une certaine influence – en particulier par le biais de menaces de sanctions – demeurera néanmoins réelle, comme le montrent les expériences passées.
- Le Groupe d’action financière (GAFI) fondé en 1989 a élaboré des recommandations qui constituent la norme reconnue au niveau international pour lutter efficacement contre le blanchiment et le financement du terrorisme. La Suisse participe activement au GAFI depuis sa fondation (autres sources: mise en œuvre des recommandations révisées en 2012 du Groupe d’action financière, rapport explicatif relatif au projet de mise en consultation du Secrétariat d’Etat pour les questions financières internationales SIF du 27.02.2013).
- FF 2004 5782.
- FF 1997 II 1037, FF 1997 IV 1195, Art. 27 al. 2 et art. 59 al. 2 LIFD, art. 10 al. 1bis et art. 25 al. 1bis LHID.
- FF 2011 5771.
- Liste des traités de double imposition avec clause d’assistance administrative selon le standard valable au niveau international sous http://www.sif.admin.ch/themen/00502/00740/00812/index.html?lang=de.
- RS 672.5.
- Rapport explicatif relatif à la modification de la Loi sur l’assistance administrative en matière fiscale du 14.08.2013.
- P. 4, Rapport explicatif relatif à la modification de la Loi sur l’assistance administrative en matière fiscale du 14.08.2013.
- Au sujet du GAFI, cf. note 1.
- Rapport explicatif du 27.02.2013 relatif au projet mis en consultation et dénommé «Mise en œuvre des recommandations révisées en 2012 du Groupe d’action financière».
- Art. 174 ss LIFD, art. 55 ss LHID.
- P. 54 ss, rapport explicatif du 27.02.2013 relatif au projet mis en consultation «Mise en œuvre des recommandations révisées en 2012 du Groupe d’action financière».
- Rapport explicatif relatif au projet mis en consultation du 27.02.2013 «Stratégie en matière de place financière – Extension des obligations de diligence en vue d’éviter l’acceptation de valeurs patrimoniales non fiscalisées, modification de la Loi sur le blanchiment d’argent».
- http://www.efd.admin.ch/themen/wirtschaft_waehrung/02370/index.html.
- http://www.sif.admin.ch/dokumentation/00513/00772/index.html?lang=de&msg-id=48906.
- Analyse de la Conférence suisse des impôts relative aux arrêts du Tribunal fédéral des 26.01.2010 et 04.10.2010 et à l’arrêt du tribunal administratif NE du 2.06 2010 (http://www.steuerkonferenz.ch/?Dokumente:Analysen)
- Lex USA: loi sur la fin du litige fiscal avec les USA.
L’Institut Impôts de FIDUCIAIRE|SUISSE a été fondé en 2012. Il suit les développements législatifs du droit fiscal aux niveaux national et international et participe aux procédures en consultation aux niveaux national et international. De plus, il noue des contacts avec les preneurs de décisions auprès des autorités et avec des parlementaires et défend les intérêts des fiduciaires dans le cadre du processus législatif.