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L’article suivant traite des dispositions du Code civil suisse sur à la gestion du patrimoine des personnes assistées d’un curateur ainsi que de celles de l’Ordonnance complémentaire sur la gestion du patrimoine dans le cadre d’une curatelle ou d’une tutelle (OGPCT) et des problématiques à éviter.

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En 2013, le (nouveau) droit de la protection de l’enfant et de l’adulte est entré en vigueur. Depuis lors, les dispositions des art. 408 ss CC s’appliquent en matière de gestion du patrimoine des personnes sous curatelle (ou sous tutelle). Lesdites dispositions régissent les principes de la gestion du patrimoine tels que la remise de comptes et de rapports ainsi que le devoir de diligence et de confidentialité. Concernant les principes relatifs au placement des biens, les dispositions des art. 408 ss CC ne prévoient aucune règle en ce sens, mais confèrent au Conseil fédéral la compétence pour légiférer en la matière. Le Conseil fédéral, faisant usage de cette compétence, a adopté l’Ordonnance sur la gestion du patrimoine dans le cadre d’une curatelle ou d’une tutelle le 4 juin 2012 (OGPCT)1. Les autorités de protection de l’enfant et de l’adulte (APEA) continueront aussi de fournir des contrats-types pour la gestion du patrimoine.

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1. Les art. 408 ss CC et les règles de l’OGPCT
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On entend par gestion du patrimoine tout acte effectif ou juridique qui, de par sa nature, est destiné à préserver ou accroître le patrimoine géré, ou à atteindre le but auquel il est destiné. L’acte de gestion peut consister en la création d’une obligation ou en la disposition d’un bien, mais aussi à intenter un procès en justice.2

Les dispositions sur la gestion du patrimoine sont aménagées de façon rudimentaire dans le Code civil. Seules les tâches essentielles telles que la réception de biens de tiers pour la personne concernée, le paiement de dettes (le cas échéant) et la représentation de la personne concernée pour les besoins courants sont réglées. En outre, l’art. 409 CC prévoit que des montants appropriés sont mis à la libre disposition de la personne concernée. Ceci découle du principe de la proportionnalité et concrétise le droit à l’autodétermination de la personne sous curatelle3. Enfin, il existe aussi une obligation de reddition des comptes. Les comptes doivent être soumis à l’autorité de protection de l’enfant et de l’adulte pour approbation tous les deux ans (art. 410 CC). Seul l’art. 408 al. 1 CC précise la manière dont le patrimoine doit être géré. En effet, il y est mentionné que les biens doivent être administrés avec diligence. La notion de diligence quant aux placements autorisés et aux principes de la gestion du patrimoine n’est toutefois pas définie dans l’art. 408 CC, mais plutôt dans l’Ordonnance sur la gestion du patrimoine dans le cadre d’une curatelle ou d’une tutelle (OGPCT) qui a été adoptée par le Conseil fédéral sur la base de l’art. 408 al. 3 CC.

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1.1 Directives générales
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3
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Conformément à l’art. 2 OGPCT, les biens d’une personne sous curatelle ou sous tutelle sont placés de manière sûre et, si possible, rentable. Les risques de placement doivent être minimisés par une diversification adéquate.

L’argent en espèces doit être viré et placé avec intérêt dans un compte auprès d’une banque ou de PostFinance4, à moins qu’il ne soit destiné à couvrir les besoins à court terme de la personne concernée (cf. art. 3 OGPCT). Le sens et la finalité de cette disposition sont d’empêcher que l’argent soit déposé en un lieu où ilne pourrait plus être retrouvé plus tard (p.ex.le matelas ou le tiroir)5. Les titres doivent être déposés auprès d’une banque ou de PostFinance. Les objets de valeur et autres documents importants doivent également être déposés dans un coffre-fort; les valeurs peuvent exceptionnellement être conservées dans un autre lieu sûr, à condition que l’APEA donne son consentement6.

Si une curatelle est ordonnée, le curateur doit alors dresser un inventaire des valeurs patrimoniales lors de sa prise de fonction pour le cas où la curatelle englobe la gestion du patrimoine (art. 405 al. 2 CC). Il faut procéder comme indiqué avec les valeurs inventoriées (versement sur le compte bancaire ou à PostFinance, dépôt des objets de valeur et autres documents importants en un lieu de conservation sûr). Pour ce qui est des objets de valeur dont le déplacement n’est pas opportun (p.ex. une collection de tableaux), le non-déplacement doit être approuvé par l’APEA. Par ailleurs, la couverture d’assurance pour de tels objets doit aussi être vérifiée dans le cadre d’une demande de mandat, notamment lorsque les objets de valeur (comme la collection de tableaux mentionnée plus haut) ne se trouvent pas en un lieu particulièrement sûr.

La documentation détaillée et immédiate du patrimoine lors de la prise de fonction («inventaire d’entrée») est aussi recommandée dans la gestion conduite par des personnes ayant un lien de parenté avec la personne concernée ou par celles qui ont des relations personnelles avec la personne concernée et avec les proches. Il n’est pas rare que la personne qui exerce la fonction se voie reprocher la disparition, le vol ou le manque de sécurité dans la conservation des biens, ce qui est susceptible d’entraîner des tensions au sein d’une cellule familiale. On peut y remédier en créant un inventaire d’entrée détaillé.

Lors de la prise de fonction, il faut aussi vérifier si la personne concernée détient des créances ou a des prétentions envers des tiers7. Ces créances doivent également être inventoriées. Le cas échéant, il faudra prendre des mesures appropriées interruptives de prescription. Sur le plan pratique, il faut rappeler que les actions passées de la personne concernée ou les actions entreprises par les représentants de la personne concernée doivent aussi être vérifiées dans tous les cas. Si de telles actions ont entraîné un préjudice patrimonial, il faudra faire valoir les prétentions nécessaires ou au moins clarifier le genre de créances qu’il pourrait y avoir et, ensuite, adopter des mesures interruptives de prescription. Pour prévenir d’éventuelles actions préjudiciables, les procurations concédant à des tiers le droit de disposer du patrimoine de la personne concernée ou de prendre des engagements au nom de la personne concernée doivent être révoquées. Les ordres de virement permanent et les ordres de paiement en suspens doivent être identifiés, vérifiés et, le cas échéant, supprimés. Il faut aussi contrôler s’il existe des créances impayées envers des organismes de sécurité sociale (p.ex. des droits à remboursement non revendiqués). Si des immeubles mis en location font partie des biens, il faut vérifier si des revenus locatifs sont dûs. Les contrats sans aucune utilité doivent être résiliés ou modifiés (p.ex. des contrats d’assurance ou de téléphone). Les établissements financiers et autres partenaires contractuels doivent être informés de la mesure de protection de l’adulte ayant été ordonnée. Le cas échéant, il faudra obtenir l’approbation d’une action en justice de la part de l’APEA (art. 416 ch. 9 CC).

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1.2 Prise en compte de la situation personnelle et sécurisation des moyens de subsistance
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3
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En choisissant les placements, il faut tenir compte de la situation personnelle de la personne concernée (cf. art. 5 OGPCT), à savoir l’âge, les besoins de subsistance, le revenu et le patrimoine ainsi que la couverture d’assurance. Il faut également prendre en considération des éventuelles prestations d’assurance, c.-à-d. que les prestations de tiers servant de substituts de revenu (p.ex. les prestations d’une assurance-accident) ou couvrant certaines dépenses (p.ex. les prestations de la caisse-maladie en cas de maladie) doivent être prises en compte lors des calculs respectifs des besoins vitaux. En outre, il faut aussi considérer les risques couverts par les assurances et, le cas échéant, adapter la couverture d’assurance (sous-assurance / surassurance).

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1.2.1 Établissement d’un budget et d’un plan de liquidité
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4
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Le choix du placement doit se faire de sorte que les besoins courants et les dépenses extraordinaires prévisibles puissent être couverts si nécessaire, sans devoir liquider ces placements en temps inopportun (art. 5 al. 3 OGPCT). Cela suppose de calculer les besoins de subsistance en se basant sur les dépenses régulières prévisibles et, par conséquent, d’établir un budget lors de la demande de mandat. Il doit constamment y avoir assez de liquidités pour pouvoir répondre à ces besoins. En outre, des liquidités supplémentaires doivent être disponibles pour pouvoir couvrir des éventuelles dépenses extraordinaires. En conséquence, il faut aussi établir un plan de liquidités à cet effet.

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1.2.2 Réserves pour des dépenses extraordinaires
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4
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Les dépenses extraordinaires ne sont en général pas prévisibles – justement à cause de leur caractère extraordinaire. Pour pouvoir répondre à ce genre de situations, un certain montant d’argent comptant libre doit être disponible. Lors du choix du produit bancaire approprié (p.ex. le compte d’épargne), il faut donc respectivement tenir compte du montant limite d’argent en espèces que l’on peut retirer sans résiliation. À titre alternatif de telles dépenses extraordinaires qui ne font justement pas partie des «besoins ordinaires» peuvent être financées à partir de la liquidation d’instruments de placement négociables à court terme. Autrement dit, ces «réserves» peuvent être investies dans des placements négociables pouvant être liquidés à court terme. Cependant, il faut (aussi) respecter les restrictions de placement conformément à l’art. 6 OGPCT. Par ailleurs, il faut noter que la vente de tels placements entraîne évidemment des frais de transaction en conséquence – en revanche, les retraits à partir d’un compte d’épargne sont généralement gratuits (à condition de ne pas excéder la limite de retrait). Il y a donc lieu de considérer si un investissement de la valeur d’une réserve pour des dépenses extraordinaires est vraiment approprié sous l’angle du coût et de la rentabilité.

Pour résumer, il ressort de ce qui précède que les biens nécessaires pour la couverture des besoins vitaux courants doivent être «investis» en fin de compte dans un compte bancaire, et les biens devant servir de «réserves» pour des dépenses extraordinaires doivent être placés dans un compte d’épargne.

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1.2.3 Placements servant à sécuriser les moyens de subsistance
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4
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L’art. 6 OGPCT autorise les placements suivants, lesquels servent à couvrir les besoins courants:

  • Monnaie scripturale («compte bancaire»), obligations et dépôts à terme auprès de banques cantonales avec garantie de l’État (illimitée)
  • Monnaie scripturale («compte bancaire»), obligations et dépôts à terme auprès de banques et de PostFinance jusqu’à un certain montant qui est privilégié (actuellement de 100 000 francs)
  • Obligations à intérêt fixe de la Confédération et lettres de gage émises par les centrales d’émission de lettres de gage
  • Immeubles destinés à l’usage personnel de la personne concernée et autres immeubles de valeur stable
  • Créances garanties par des gages de valeur stable
  • Dépôts auprès d’institutions de prévoyance professionnelle.

En observant plus attentivement, on constate que tous les placements ne sont pas aptes à couvrir les besoins courants ordinaires. En principe, les dépôts auprès d’institutions de prévoyance professionnelle ne peuvent plus être retirés. On ne peut les obtenir qu’après avoir atteint l’âge de la retraite ou qu’en cas d’invalidité. Sinon, il n’est possible de les toucher que si on entame une activité indépendante ou que si on change de domicile en s’installant à l’étranger. Une fois l’argent investi sous cette forme, il ne sera en principe plus possible d’en disposer pour assurer les besoins vitaux.

Les immeubles peuvent difficilement être liquidés dans un bref laps de temps, il en va de même pour les créances garanties par des gages à valeur stable envers des tiers, lesquelles ne peuvent alors être naturellement «liquidées» que si la créance est due. Les dépôts à terme investis – dépendant de la durée évidemment – ne peuvent pas non plus être pris en considération à court terme.

Par conséquent, l’art. 6 OGPCT doit être compris en ce sens qu’il faut investir l’argent censé être utilisé à court ou à moyen terme pour couvrir les besoins courants. Toutefois, ces investissements ne sont utiles que si la personne concernée possède une certaine fortune. Si tel n’est pas le cas, les revenus (p.ex. les prestations de vieillesse des 1er et 2e piliers ou les prestations d’assurances comme celles d’invalidité, d’accident ou toute autre prestation d’assurance représentant une compensation de perte de gain et tout autre revenu) doivent couvrir les dépenses ordinaires. Il ne reste aucune marge pour des investissements dans des produits non liquidables à court terme lorsque les revenus et dépenses ne permettent pas de faire certaines épargnes allant au-delà des provisions à constituer pour des dépenses extraordinaires à court terme. Comme mentionné ci-dessus, une réserve pour des dépenses extraordinaires doit être mise à disposition dans un compte bancaire.

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1.3 Placements pour dépenses supplémentaires
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1.3.1 Placements autorisés
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Si les biens ne couvrent pas les besoins courants, ni ne servent de «réserve» pour des dépenses extraordinaires, ils doivent être placés de manière rentable, mais aussi «sûre». L’art. 7 OGPCT énumère les instruments de placement sûrs suivants:

  • obligations en francs suisses émises par des sociétés très solvables
  • actions en francs suisses émises par des sociétés très solvables, leur part ne devant pas excéder 25% de la fortune totale
  • fonds obligataires en francs suisses comprenant des dépôts de sociétés très solvables
  • fonds de placement mixtes en francs suisses, composés de 25% d’actions au maximum et de 50% de titres d’entreprises étrangères au maximum, émis par des sociétés de gestion de fonds placées sous la direction de banques suisses
  • dépôts au titre du pilier 3a auprès d’institutions mises sous surveillance.
  • immeubles

Les placements doivent être approuvés au préalable par l’APEA.

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1.3.2 Solvabilité, choix des fonds de placement et versements dans le pilier 3a
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4
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L’art. 7 OGPCT fait mention du terme «très solvables» à plusieurs reprises. Pour des particuliers comme des proches de la personne concernée n’étant pas des investisseurs expérimentés, la question de savoir ce que signifie «très solvables» mérite d’être posée. À ce sujet, il convient de rappeler que les «notations» renseignent sur la solvabilité d’une société. L’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) publie régulièrement une liste d’agences de notation reconnues. Sur la base des notations émises par ces agences, il est possible d’estimer le degré de solvabilité d’une société. Il convient de préciser que la solvabilité peut baisser. Si des placements sont donc faits sur cette base, il faut les contrôler régulièrement, de sorte que le placement puisse être liquidé au besoin (voire doive être liquidé), par exemple dans le cas d’une modification ayant pour conséquence que ledit placement ne peut plus être qualifié de placement autorisé.

En choisissant les fonds de placement, il faut vérifier chaque projet de fonds afin de savoir si les critères prescrits sont remplis et seront aussi remplis à l’avenir.

Les dépôts dans le 3e pilier doivent être pris en compte pour des personnes concernées ne pouvant plus constituer une prévoyance vieillesse suffisante et, en outre, ne nécessitant pas de fonds pour couvrir des besoins quotidiens ou pour régler des dépenses extraordinaires. Comme déjà mentionné plus haut, les versements faits dans le 3e pilier demeurent en principe liés.

Si des conditions favorables le permettent, d’autres placements peuvent aussi être approuvés par l’APEA.

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1.3.3 Alignement sur la gestion de fortune des caisses de pension?
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Conformément aux prescriptions régissant sa gestion, la fortune des caisses de pension doit être placée selon une stratégie conservatrice, c.-à-d. en tenant compte de la préservation du patrimoine et de la génération de gains. C’est pourquoi les directives correspondantes servent souvent de référence pour la gestion des biens d’une personne sous curatelle.

Il faut toutefois retenir que les placements autorisés au sens de l’OGPCT ne correspondent pas à ceux qui sont autorisés dans le cadre de la prévoyance professionnelle. L’univers de placement autorisé en vertu de l’art. 53 OPP 2 est plus vaste que celui de l’art. 7 OGPCT. Certes, les biens de la personne concernée peuvent être investis dans de tels placements – pourvu que les conditions le permettent et que l’APEA les approuve.

Toutefois, il ne paraît pas opportun d’aligner la gestion des biens d’une personne concernée sur les directives de gestion de fortune des caisses de pension. Dans le cadre de la prévoyance professionnelle, on gère de grandes fortunes qui doivent être sécurisées sous plusieurs aspects, p.ex. contre les risques liés aux monnaies étrangères, et placées de manière diversifiée. Comme l’indique l’art. 2 OGPCT, les risques de placement doivent être prévenus en diversifiant ces placements. Une diversification adéquate est toutefois utile si les biens à gérer ont une certaine ampleur, c.-à-d. s’il est judicieux de faire plusieurs placements. Les biens gérés par les caisses de pension nécessitent, de par leur grandeur, obligatoirement une diversification. Compte tenu de l’utilité d’une diversification, les coûts qui en découlent sont proportionnés. En ce sens, les questions de coûts et d’utilité se posent rapidement pour des biens de moindre ampleur. En effet, tout investissement et tout désinvestissement sont liés à des coûts de transaction. À cela s’ajoutent un besoin élevé de surveillance et une adaptation continue de la diversification aux conditions nouvelles; en plus, la restructuration engendre aussi des coûts. Pour les patrimoines de moindre ampleur, les dépenses dont l’effet réduit leur rendement ou même leur substance ne doivent pas être négligées. Il est donc conseillé de diversifier indirectement les investissements, p.ex. en investissant dans un placement collectif de capitaux diversifié et sûr. Les placements alternatifs tels que cités dans l’art. 53 al. 1 let. e OPP 2 ne doivent être pris en compte que pour de très grandes fortunes.

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1.4 Conversion des placements
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Si des investissements existant au moment de l’instauration de la curatelle (ou de la tutelle) et des biens perçus par la personne concernée après l’instauration ne remplissent pas les conditions des art. 6 et 7 OGPCT, ils doivent être convertis en placements autorisés. Il peut y avoir des exceptions à ce principe, mais elles requièrent l’approbation de l’APEA (cf. art. 8 OGPCT). Conformément à l’art. 12 OGPCT, les placements contrevenant aux dispositions de l’OGPCT doivent être convertis dans un délai de deux ans.

Il sied de noter ici que la liquidation des investissements non autorisés, néanmoins négociables, doit s’effectuer dans un délai raisonnable. En liquidant de tels investissements, il faut tenir compte d’éventuelles évolutions prévisibles du marché et de la volatilité des biens à liquider. Mais la réduction du risque de pertes doit être plus importante que la possibilité de gains. Ceci valait déjà dans le cadre de l’ancien droit de la tutelle. Il ressortait des objectifs généraux du droit de la tutelle que la sécurité a en principe priorité sur le rendement8. L’aspect de la gestion «sûre» des biens veut que des dispositions appropriées soient prises pour prévenir un potentiel effondrement du patrimoine. C’est pourquoi l’option de liquider un titre volatil le plus tôt possible doit être préférée à celle de conserver le titre volatil, dans le but d’exploiter d’éventuels potentiels de gain. Le principe demeure que la sécurité doit être ciblée avant le rendement et de possibles gains9. Nonobstant cela, la conversion ne doit pas s’effectuer en un moment inopportun, c.-à-d. que la conversion devrait avoir lieu en un temps convenable et non à un moment où un certain investissement pourrait être vendu à perte10. Mais il faut aussi considérer qu’une vente immédiate s’impose s’il faut s’attendre à de lourdes pertes en cas de cession ultérieure, ce qui justifierait, le cas échéant, une situation de «vente à tout prix», et partant une vente à perte.11

C’est l’ensemble des biens d’une personne concernée qui doit être géré. Lors de la prise de fonction du curateur ou du tuteur, ces biens pourraient être constitués exclusivement d’espèces et d’instruments de placement négociables (p.ex. des instruments financiers pouvant être négociés en bourse ou hors bourse). Mais les biens ne pouvant pas être réalisés immédiatement et facilement peuvent aussi faire partie du patrimoine. Il s’agit p.ex. des objets d’art, des antiquités ou des parts de private equity, tout comme d’une participation dans l’entreprise familiale. S’agissant de tels objets de valeur, il faut vérifier si une liquidation de ces derniers avec prise en compte de la situation personnelle serait utile ou s’imposerait et s’il y aurait risque d’effondrement des valeurs. Pour les participations qui génèrent éventuellement aussi des gains réguliers, une approche différenciée est nécessaire. Les participations privées ne sont pas négociables, c.-à-d. qu’elles ne peuvent pas être vendues dans une autre bourse ou sur un autre marché. Il faudrait tout d’abord trouver un acheteur. Très souvent, on peut atteindre un prix élevé si la recherche d’un acheteur dure longtemps. Par conséquent, il faut s’abstenir d’une «vente d’urgence». D’autre part, un effondrement rapide des valeurs – lorsqu’il s’agit de l’entreprise de la personne concernée, laquelle a été essentiellement marquée par son propriétaire – peut intervenir de sorte qu’une négociation rapide est indiquée afin «de sauver ce qui peut encore être sauvé». De toute façon, pour des sociétés dont la personne concernée est le patron et propriétaire, il est généralement tard pour pouvoir encore «intervenir», si des plans appropriés («plan de relève», «suppléances») n’avaient pas déjà été conçus et appliqués au moment où la personne concernée était encore en mesure d’agir de manière entièrement indépendante.

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1.5 Autres aspects
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3
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Les biens gérés doivent être placés exclusivement au nom de la personne sous curatelle (art. 10 OGPCT). Cependant, le curateur a un droit d’information concernant les comptes et dépôts établis au nom de la personne concernée (demande d’information et accès aux pièces12). De même, il peut aussi obtenir des informations sur les assurances de la personne concernée. Toute obligation de secret éventuelle devient, de ce fait, caduque vis-à-vis du curateur ou du tuteur. Le curateur obtient ainsi la procuration générale pour conclure des actes juridiques liés à la gestion (art. 408 al. 1 CC).

Le curateur est soumis à une obligation de documenter. Il doit notamment documenter toutes les décisions prises dans le cadre de la gestion du patrimoine. Cela signifie que les différents critères de décision (p.ex. clarifications sur la solvabilité) et les réflexions essentielles – y compris quant à d’éventuels développements futurs (p.ex. un plan d’investissement et de désinvestissement) – doivent être documentés. L’exécution des mandats pour de grands patrimoines («best execution») doit aussi être documentée. La gestion doit se faire de manière soigneuse et détaillée. Cela inclut aussi la planification de développements futurs. Si on doit inférer une augmentation des besoins vitaux ou des coûts à l’avenir, il faudra par conséquent tenir compte, lors de la planification, du fait que les placements devront alors être liquidés.

En outre, des règles spécifiques conformément à l’art. 9 OGPCT s’appliquent aux contrats de gestion de patrimoine ayant été conclus avec des banques ou PostFinance.

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2. Contrat de gestion de patrimoine
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Comme nous venons de le mentionner, les règles de l’art. 9 OGPCT s’appliquent à la conclusion des contrats de gestion de patrimoine. En effet, l’art. 9 OGPCT prévoit que ce type de contrat doit être soumis à l’approbation de l’APEA avant qu’il ne soit conclu. L’APEA doit alors décider des biens dont peut disposer le curateur de façon autonome ou uniquement avec le consentement de l’APEA. L’autorité décide, en outre, des biens dont peut disposer librement la personne concernée. Néanmoins seuls la banque et le curateur constituent les partenaires contractuels. Contrairement au régime antérieur, il ne s’agit plus de contrats tripartites (curateur-APEA-banque), mais plutôt bipartites (curateur-banque).13 Le contrat ne prend cependant effet qu’avec l’approbation de l’APEA14. Ceci exige donc une communication simple entre le curateur, la banque et l’APEA.

Quant au contrat de gestion du patrimoine en lui-même, divers contrats-types sont publiés en ligne. Il est à noter à cet égard que les contrats-types sont conçus différemment et présentent des règles différentes, surtout en ce qui concerne l’utilisation des rétrocessions. C’est ainsi que l’on peut trouver sur le site Web de la Direction de la justice, des affaires communales et des affaires ecclésiastiques du canton de Berne un exemple de contrat-type contenant la renonciation à la restitution de telles rétrocessions15. Cette règle surprend dans la mesure où la renonciation à la restitutionde tels fonds constitue en principe selon les auteurs, à la lumière de l’art. 412 CC, un «acte particulier». De ce fait, la renonciation à la restitution de telles rétrocessions constitue une renonciation à un revenu et, ainsi, à une donation. Les donations (excepté les présents occasionnels d’usage) et autres actes particuliers ne doivent pas être entrepris par le curateur. Il ne découle pas non plus de l’art. 412 CC qu’un tel acte pourrait être autorisé, c.-à-d. donc que de tels actes sont exclus d’office. Cette vision se fonde aussi sur l’art. 413 CC, lequel soumet le curateur à un devoir de diligence qui correspond à celui d’une personne mandatée au sens des dispositions du Code des obligations. La sécurisation du patrimoine de la personne concernée fait partie de ce devoir de diligence. La gestion du patrimoine doit aussi s’aligner sur cette sécurisation du patrimoine. La renonciation à ces fonds ne sert pas à sécuriser le patrimoine. Dans les grandes fortunes qui doivent être gérées pendant des années, la renonciation à la restitution des rétrocessions peut avoir une importance. Par conséquent, le principe devrait – comme p.ex. en matière de prévoyance professionnelle – justement constituer à ne pas devoir ou pouvoir renoncer à ces fonds (cf. art. 48k OPP 2).

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3. Problématiques
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3.1 Conditions avant l’application d’une mesure
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L’application d’une curatelle constitue une intrusion dans les droits de la personnalité, particulièrement dans le droit à l’autodétermination de la personne concernée. En général, on tendrait dans sa sphère privée à éviter l’application de telles mesures aussi longtemps que possible. Il convient de tenir compte que la capacité d’action d’une personne adulte ne peut en principe être restreinte que par l’application d’une mesure de protection de l’adulte. Ceci signifie à l’inverse qu’une personne adulte qui n’est pas concernée par une mesure est capable d’agir (à moins que l’incapacité de discernement soit manifestement perceptible). En tant que personne capable d’agir, elle est en mesure d’entreprendre des actes juridiques, c.-à-d. qu’elle peut conclure des contrats pouvant entraîner des engagements (importants), qu’elle peut disposer de ses biens, faire des placements et disposer de ses comptes bancaires. Si un représentant est désigné en vue de conclure de tels actes pour cette personne et de gérer ses biens, la personne capable d’agir peut alors contrecarrer les actions du premier à tout moment. Elle peut, p.ex., clôturer des comptes bancaires, signer des contrats de paiement, prélever de l’argent comptant et vendre des titres, accroître les limites de carte, établir des ordres permanents, faire des donations, annuler ou modifier des instructions, etc. Si une personne adulte doit être protégée contre des actes irréfléchis, imprudents et à risque, ou même contre des négligences, des «mesures préventives» relevant purement du droit privé telles que la désignation d’un représentant ou la conclusion de «limites de transaction» s’avèrent alors insuffisantes. Dans ce cas, Il n’est justement pas question d’une mesure de protection de l’adulte en soi. On ne peut aboutir à une «protection» dans ce sens qu’en restreignant la capacité d’action. En revanche, on ne peut aboutir à cette restriction qu’en ordonnant une mesure portant sur le droit de protection des adultes.

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3.2 Conditions après l’application d’une mesure
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L’application d’une mesure apparaît comme une intrusion dans les droits de la personnalité et dans les conditions de vie, surtout du point de vue de la personne concernée. Pour cette raison, l’idée directrice du droit de protection des adultes veut que les mesures soient (doivent être) mises en œuvre «avec considération». En témoigne l’art. 406 al. 1 CC, lequel prévoit explicitement que le curateur tient compte de l’avis et respecte la volonté de la personne concernée. L’OGPCT prévoit aussi – p.ex. en rapport avec le choix des placements – que le curateur «tient, si possible, également compte» de la volonté de la personne concernée (cf. art. 5 al. 1 OGPCT).

La question qui se pose est de savoir dans quelle mesure l’implication de la personne concernée doit ou va s’effectuer. Ceci dépend évidemment des circonstances concrètes, à savoir des conditions financières et des aptitudes de la personne concernée. Mais il est évident que la pondération entre «considération» et «non-considération» de la part du curateur est une tâche délicate. Des décisions correspondantes peuvent susciter des remous dans les conditions de vie (p.ex. la question de savoir si un séjour dans une résidence luxueuse pour personnes âgées avec assistance peut être financé avec les moyens disponibles ou si des soins à domicile sont une solution indiquée) et s’avérer difficiles lorsque que des décisions doivent être prises à l’encontre des souhaits de la personne concernée. Et il ne sera pas facile de détacher le curateur de telles décisions. De même, la conversion de placements non autorisés en des placements autorisés pourra s’avérer difficile. Il est ici question de la liquidation des biens qui ont sans doute aussi une valeur émotionnelle pour la personne concernée. C’est également une tâche délicate de savoir quand le curateur peut ignorer la volonté de la personne concernée, surtout dans de tels cas.

Une fois de plus, il faut suggérer de faire usage des possibilités qu’offre le mandat pour cause d’inaptitude et de prendre, tôt ou dans la mesure du possible, les décisions d’avenir. Mais il convient ici de trouver un juste degré d’ouverture d’esprit et de fidélité aux instructions. D’une part, il est souhaitable que les directives de gestion de patrimoine à suivre soient fixées dans les moindres détails et avec la plus grande précision possible, afin d’assurer un futur cadre d’action. Mais si les conditions changent, une règle détaillée peut alors devenir un obstacle. Si la capacité d’agir est constatée et confirmée, les règles contenues dans le mandat pour cause d’inaptitude ne peuvent plus être modifiées. Ceci pourrait alors donner lieu à ce que des actions soient entreprises contre la volonté documentée de la personne concernée.

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  1. RS 211.223.11, Situation au 1er janvier 2013.
  2. Message concernant la révision du code civil suisse (Protection de l’adulte, droit des personnes et droit de la filiation), Protection des adultes du 26 juin 2006,FF 2006, p. 6680.
  3. Message, Protection de l’adulte, p. 6686.
  4. BSK ZGB I-Affolter, 5e édition, Bâle 2014, N 9ad art. 408 CC.
  5. Voir Rapport explicatif de l’OGPCT de l’Office fédéral de la Justice de mai 2012, p. 3 (SR 211.223.11; citation du Rapport explicatif).
  6. Rapport explicatif de l’OGPCT, p. 3.
  7. BSK ZGB I-Affolter, op. cit., N 8 ad art. 408 CC.
  8. Voir les Recommandations en matière de placements dans le cadre de mandats de tutelle de la Conférence des Autorités cantonales de tutelle (CAT), in: Revue du Droit de la tutelle (RDT), n° 6/2001, p. 332 s. (citation des recommandations).
  9. Voir Rapport explicatif de l’OGPCT, p. 2.
  10. Recommandations, p. 335 avec référence à l’ancien droit; BSK ZGB I-Affolter, op. cit. N 9 ad art. 408 CC; voir aussi le jugement du Tribunal fédéral du 19 décembre 2016, 5A_502/2016, consid. 2.3.
  11. Arrêt du tribunal fédéral du 19 décembre 2016, 5A_502/2016, consid. 2.3, avec référence à l’ATF 48 II 428, 431.
  12. Voir Rapport explicatif de l’OGPCT, p. 6.
  13. BSK ZGB I-Affolter, op. cit., N 22 ad art. 408 CC.
  14. Voir Rapport d’accompagnement sur l’OGPCT, p. 6.
  15. Voir http://www.jgk.be.ch/jgk/de/index/kindes_erwachsenenschutz/erwachsenenschutz/beistandschaft/vermoegensverwaltung.html, consulté dernièrement le 17 avril 2018.
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