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Durant l’été 2013, les Chambres fédérales ont, à la surprise générale, remanié rapidement, et assez profondément dans certains domaines, la loi fédérale sur la poursuitepour dettes et la faillite (LP) et adopté certaines modifications fondamentales dans le droit de l’assainissement (RO 2013 4111). Les nouvelles règles s’appliquent depuisle 1er janvier 2014.

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1. Remarque préliminaire – nouveau droit comptable
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Le droit de l’assainissement révisé doit simplifier l’assainissement des entreprises et assouplir les conditions nécessaires. Dans certains, cas, le nouveau droit comptable pourrait cependant accélérer considérablement l’obligation d’assainissement, de façon volontaire ou involontaire. Le droit comptable fait la distinction entre valeurs d’exploitation et valeurs de liquidation et même l’obligation de prendre des mesures d’assainissement et l’obligation de déposer le bilan se fondent sur ces valeurs. Les valeurs d’exploitation sont en principe déterminantes et sont généralement plus élevées. Si le principe de continuité de l’exploitation n’est toutefois pas garanti pour les douze prochains mois selon le nouveau droit comptable, il en résulte une obligation d’évaluation aux valeurs de liquidation (art. 958 a al. 2 CO). Théoriquement et en raison de principes d’éva­luation appliqués de façon rigoureuse dans la comptabilité, celles-ci peuvent être supérieures aux valeurs d’exploitation, mais nele sont pratiquement jamais. Si la cessation d’activité (même d’une division partielle) est inévitable, le nouveau droit exige aussi que des provisions soient constituées au titre des charges induites par la cessation de l’activité. En règle générale, les actifs sont ainsi mas­sivement dévalorisés et les passifs doivent également être augmentés, le surendettement étant une nouvelle fois accru lors de l’évaluation aux valeurs de liquidation.1 Un contrôle non démontré des liquidités garanties aura ainsiune influence en termes de présentation des comptes, de révision et de responsabilité pour tous les acteurs impliqués (Conseil d’administration et organe de révision).

Celui qui réagit trop tard ou procède à un assainissement inapproprié ne fait qu’accroître sa responsabilité envers les créanciers et les ­actionnaires et ce bien plus tôt qu’avant. Il convient toutefois de saluer le fait qu’il y ait plus de temps pour un assainissement si celui-ci est judicieusement mis à profit.

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2. Sursis concordataire
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Depuis la révision majeure de la LP en 1998, tout assainissement se fonde sur la capacité d’assainissement réalisable et objectivement considérée dans une perspective de gestion et sur sa faisabilité en termes de liquidités. L’accès à une procédure concordataire doit en principe être simplifié. Contrairement au droit antérieur, plus aucune ébauche de concordat ne doit être remise. Le débiteur doit en revanche présenter un bilan à jour, un compte de résultats et un plan de trésorerie. La requête inclut désormais aussi un plan d’assainissement provisoire.

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3. Le sursis provisoire
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Conformément à l’art. 293a LP, le juge du concordat accorde sans délai un sursis provisoire et arrête d’office les mesures propres à préserver le patrimoine du débiteur. Sans délai ne signifie pas automatiquement, mais la liberté d’appréciation du juge est extrêmement restreinte. La tâche du juge qui doit être menée à bien rapidement n’est pas simple, un sursis injustifié, mais aussi une procédure menée trop lentement pouvant occasionner des dommages au débiteur et aux créanciers.

Contrairement au droit antérieur, la loi n’exige plus de requête motivée. Pour peu que les documents et le plan d’assainissement soient plausibles, cette diminution de la charge de l’argumentation fait que la nomination immédiate d’un commissaire provisoire permet de déterminer s’il y a vraiment des chances d’assainissement. Selon l’art. 293b al. 2 LP, il peut être renoncé à la nomination d’un commissaire provisoire, dans les cas où cela se justifie. Compte tenu des modalités de la procédure, cela devrait cependant constituer une exception absolue.

Ce sursis concordataire provisoire est incontournable dans le droit révisé. En raison du message et en fonction du but du sursis concordataire provisoire, le commissaire doit vérifier si un concordat est envisageable et comment il doit se présenter dans ses grandes lignes. Si le sursis provisoire (au sens de l’ajournement antérieur de la faillite) vise à accorder un répit au débiteur dans le but de réaliser des mesures d’assainissement, le commissaire doit avant tout surveiller la préparation et, le cas échéant, l’exécution de ces mesures d’assainissement durant le sursis provisoire. On peut par exemple penser à la recherche de liquidités, au cas où la situation de trésorerie constituerait le problème à proprement parler.

Dans ce dernier cas, il est possible dans des cas justifiés de renoncer à une annonce publique jusqu’à la cessation du sursis provisoire, dans la mesure où la protection des tiers est garantie et qu’une demande correspondante a été présentée. Il n’y a alors ni publication, ni communication à l’administration. Des poursuites peuvent certes être engagées, mais non poursuivies. S’il est renoncé à une publication, un commissaire doit toutefois obligatoirement être nommé.

L’autorisation du sursis provisoire et la nomination du commissaire provisoire ne peuvent pas être contestées. Il est désormais d’au maximum quatre mois (deux précédemment) et débouche sur un assainissement, un sursis définitif ou une faillite. S’il n’y a en effet aucune perspective d’assainissement ou de confirmation d’un concordat, le juge du concordat ouvre d’office la faillite. Le sursis n’est plus révoqué contrairement à une pratique antérieure, les créanciers ayant alors le choix de demander l’ouverture de la faillite.

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4. Le sursis concordataire définitif
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Si le jugement du commissaire provisoire est positif, le juge du concordat accorde un sursis définitif pour une durée supplémentaire de quatre à six mois, mais doit toutefois statuer à ce sujet avant l’expiration du sursis provisoire et inviter le débiteur et, le cas échéant, le créancier requérant à l’audience. Si le but recherché est un concordat par abandon d’actifs, l’approbation du sursis concordataire définitif suppose que les intérêts des créanciers soient mieux préservés que par une faillite.

Un commissaire doit systématiquement être nommé durant la phase du sursis définitif. Lorsque la situation l’exige, le juge met par ailleurs en place une commission des créanciers, dans laquelle les différentes catégories de créanciers doivent être représentées en conséquence. Elle surveille le commissaire, peut lui soumettre des recommandations et est régulièrement informée de l’état de la procédure par ce dernier. Afin de préserver l’équilibre entre la charge et l’utilité, ce ne sera sans doute le cas que dans les procédures d’une certaine importance, bien qu’il puisse en résulter un allègement utile de la charge de travail du commissaire. Si une commission des créanciers est mise en place, celle-ci décide en lieu et place du juge du concordat des autorisations à accorder selon l’art. 298 al. 2 LP, par exemple pour aliéner ou grever l’actif immobilisé.

Pour le reste, les missions du commissaire dans le cadre du sursis concordataire n’ont pas vraiment changé. Il doit prendre ou poursuivre les mesures de garantie, présenter le concordat aux créanciers, convoquer une assemblée des créanciers et remettre le rapport au juge. Au cas où la prolongation d’une procédure de sursis concordataire définitive de plus de douze mois devait être demandée dans des cas particulièrement complexes, le commissaire est tenu de convoquer une assemblée des créanciers avant l’expiration du neuvième mois. Celle-ci se bornera cependant à informer les créanciers de la situation actuelle, car tant qu’aucun concordat ne peut être présenté, il n’y a sans doute pas lieu d’en débattre.

Deux changements surviennent en matière procédurale. Même le sursis concordataire définitif ne doit pas nécessairement se terminer par la conclusion d’un concordat ou une faillite, dans la mesure où l’assainissement a réussi entre-temps d’autre manière (accord avec les principaux créanciers ou apport de nouveaux moyens financiers par une tierce partie). De ce point de vue, le moratoire tel que nous le connaissons à travers l’ajournement de la faillite selon l’art. 725a CO est remplacé dans ce cas par le sursis concordataire, la protection des créanciers étant meilleure et les compétences du commissaire étant élargies. D’un autre côté, la faillite est ouverte d’office à tous les stades de la procédure, s’il n’y a aucun espoir d’assainissement ni de confirmation d’un concordat. Une requête spéciale d’un créancier ou du débiteur est désormais inutile. Ceci vaut pour tous les débiteurs concordataires, même s’ils ne sont pas assujettis à la poursuite par voie de faillite.

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5. Effets du sursis
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Aucune poursuite ne peut être engagée ni poursuivie à l’encontre du débiteur concordataire pendant le sursis concordataire. Cela vaut même pour les créances privilégiées. Une poursuite en réalisation du gage immobilier est toujours possible, la réalisation du gage immobilier est cependant exclue.

Pour le reste, les effets sont en principe in­changés. Désormais, il ne fera cependant plus aucun doute du fait de la loi que les cessions de créances resteront sans effet si la créance prend naissance après l’octroi du sursis concordataire.2 Il s’ensuit avec l’octroi du sursis que les cessions de créances générales ne déploient plus d’effets et que les paiements au titre de prestations fournies après l’octroi du sursis reviennent directement au débiteur concordataire et ne restent pas bloqués sur le crédit bancaire. Il s’agit d’un allègement concernant les liquidités qui sont de toute façon déjà limitées durant cette phase.

Sauf dans les cas d’urgence, les procès civils concernant des créances concordataires sont suspendus selon le nouveau droit, à l’instar des dispositions relatives à la faillite (art. 207 LP). Ce point était jusqu’à présent contesté et dans la pratique les procès se poursuivaient dans la plupart des cantons, même s’ils étaient vains.

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6. Contrats de durée
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Un changement majeur permettant d’améliorer la capacité d’assainissement de l’entreprise concerne également les contrats de ­durée. Un contrat de durée est un contrat qui n’est pas rempli suite à l’échange unique d’une prestation et d’une prestation en retour (comme un contrat d’achat), mais par un comportement durable ou par des prestations individuelles récurrentes sur une période prolongée. A titre d’exemple de tels contrats, il est possible de citer la location, le fermage, le prêt, les contrats de leasing, le factoring ou les contrats de parrainage.

Selon l’art. 297a LP, le débiteur peut, avec l’assentiment du commissaire, dénoncer en tout temps, pour un terme à sa convenance, un contrat de durée, pour autant que le but de l’assainissement soit impossible à atteindre sans une telle dénonciation; il doit indemniser l’autre partie contractante. L’indemnité vaut créance concordataire. Cette règle recèle un certain potentiel de conflits, même si elle peut être saluée. D’une part le principe matériel selon lequel les contrats doivent être respectés est brisé par le droit formel, d’autre part le nouvel article constitue une règle impérative qui ne peut être écartée même par contrat (elle s’applique d’ailleurs aussi aux contrats pour lesquels l’application d’un droit étranger a été convenue). La loi précise bien que cela ne s’applique que pour autant que le but de l’assainissement soit impossible à atteindre, ce qu’il reste alors à prouver. Il ressort certes des procès-­verbaux des délibérations parlementaires qu’il s’agissait avant tout d’empêcher les abus, mais la règle elle-même est clairement énoncée, même si la causalité hypothétique correspondante ne pourra sans doute jamais être démontrée à 100 %.

Pour peu que la condition soit remplie, il en résulte par exemple la cessation anticipée d’un contrat de bail de plusieurs années pour des surfaces dont l’entreprise assainie n’a plus besoin. Avec l’assentiment du commissaire, ce contrat de bail peut à présent être résilié en totalité ou en partie. Dans un tel cas, il sera par exemple possible à l’avenir de faire l’économie de certains loyers. La contrepartie a droit à une indemnité en échange de la résiliation anticipée, à savoir l’intégralité de la contre-prestation. Du fait de l’application par analogie de la réglementation en cas de faillite, les avantages que le cocontractant aurait obtenus lui sont toutefois imputés. Dans le cas présent, le bailleur devrait donc se voir imputer le fait que la chose puisse être relouée. Désormais, l’indemnité correspondante ne constitue cependant qu’une créance concordataire qui doit dès lors être réglée sous forme de dividende concordataire et non une dette de masse à régler entièrement et, qui plus est, à garantir. Et tout cela bien que le commissaire ait dû donner son assentiment. Fondamentalement, c’est un principe totalement contraire qui s’applique de manière inchangée, car seules les créances qui sont nées avec l’assentiment du commissaire représentent des dettes de masse.

A cet égard, je renvoie à l’art. 310 LP. Les dettes contractées pendant le sursis avec l’assentiment du commissaire constituent des dettes de la masse dans un concordat par abandon d’actifs ou dans une faillite subséquente. Il en va de même des contre-prestations découlant d’un contrat de durée, dans la mesure où le débiteur a bénéficié des prestations prévues par ce contrat avec l’assentiment du commissaire (à ne pas confondre avec le droit de résiliation précédemment exposé à propos des contrats de durée). De façon générale, seules les prestations pour lesquelles une prestation a été sollicitée peuvent être considérées comme des dettes de masse pour peu que le commissaire ait donné son assentiment (formation partielle du contrat, par analogie avec le droit de la ­faillite).

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7. Contribution des titulaires de parts destinée à l’assainissement du débiteur
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La confirmation du concordat ordinaire est désormais assujettie à la condition que les titulaires de parts (actionnaires, détenteurs de parts sociales) s’acquittent également d’une contribution équitable lors d’un concordat-­dividende.3

Jusqu’à présent, le capital-actions qui était pratiquement «sans valeur» reprenait généra­le-­­ment «automatiquement» de la valeur au moyen d’un concordat-dividende lors d’un assainissement, sans que l’actionnaire n’ait eu à y contribuer et sans que les créanciers ne s’en rendent nécessairement compte. Ce point est à présent corrigé par cette règle qui occasionnera certainement encore quelques difficultés d’interprétation. Je pars du principe qu’il faudra tenir compte des possibilités de l’actionnaire, d’autant que la présentation d’une demande de sursis concordataire serait sans doute omise d’emblée dans de nombreux cas afin d’échapper à l’obligation de contribution (conséquence: faillite avec solution de reprise au lieu d’un sursis concordataire).

D’un autre côté, une contribution des titulaires de parts mérite certainement d’être saluée, dans la perspective de la symétrie des sacrifices. Mais là encore, il faudrait sans doute ­engager un assainissement avant que la totalité des fonds des titulaires de parts ne soit investie dans des assainissements d’avant concordat non structurés et irréfléchis. Or ceci va de nouveau de pair avec la date anticipée de l’assainissement, telle qu’elle a été présentée au ­début de cet article.

Parallèlement, la valeur des prestations pro­posées (dividende) doit être adaptée aux possibilités du débiteur pour que le juge puisse approuver un concordat. Il peut également tenir compte pour cela des droits d’expectative du débiteur.

La nouveauté est en outre que les dividendes concordataires peuvent consister en totalité ou en partie en droits de participation ou sociaux du débiteur concordataire ou d’une société de défaisance. Les dividendes concordataires pour les prétentions des créanciers de troisième classe n’ont en outre plus besoin d’être ga­rantis, ce qui n’est plus le cas que pour les créances privilégiées et les dettes de masse.

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8. Droit du travail
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Il serait certes possible de consacrer un article dédié à ce chapitre. De façon sommaire, nous attirons toutefois l’attention ici sur le fait qu’en cas de cession de l’entreprise durant l’insolvabilité (sursis concordataire, faillite ou concordat par abandon d’actifs), les rapports de travail ne peuvent passer à l’acquéreur que si cela a été convenu ainsi avec ce dernier et que le travailleur ne s’oppose pas au transfert. Dans ce cas, l’art. 333 al. 1 CO ne s’applique pas, la société insolvable reste l’employeur et la responsabilité de l’acquéreur n’est engagée que pour les créances en cours de la société insolvable.

Une obligation de plan social a été introduite pour le cas où au moins 30 travailleurs seraient licenciés par une entreprise employant habituellement au moins 250 collaborateurs. Il existe non seulement une obligation de négociation, mais aussi une obligation d’accord concernant le plan social, le cas échéant au moyen d’un tribunal arbitral.

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9. TVA
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La suppression du privilège de TVA contribue grandement à l’amélioration des possibilités d’assainissement, car ces créances n’ont plus besoin d’être garanties par avance puis­qu’elles ne sont plus privilégiées depuis le 1er jan­vier 2014.

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  1. Art. 958a al. 2 CO; concernant le sujet dans sa globalité notamment Glanzmann, Das neue Rechnungs­legungsrecht, SJZ 108 (2012) Nr. 9.
  2. Art. 297 al. 4 LP.
  3. Art. 306 al. 1 ch. 3 LP.
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