En usage depuis déjà plusieurs années, le «nouveau» certificat de salaire continue pourtant à susciter des interrogations auxquelles il faut répondre. Nous n’en aborderons ici que quelques aspects: repas, voiture de service, droits de participations de collaborateur, formation et perfectionnement, frais pour expatriés ainsi qu’impôts et cotisations d’assurances sociales que l’employeur prend à sa charge.
Alors que l’établissement du certificat de salaire ne relève plus de défi pour les entreprises connaissant des éléments de rémunération simples comme le salaire mensuel, le 13e mois et un bonus annuel, un certain nombre de situations requièrent des clarifications plus détaillées dans les entreprises qui fournissent des prestations salariales accessoires ou emploient des «expatriés». Le Guide d’établissement du certificat de salaire n’a pas changé depuis janvier 2010. Malgré tout, les explications données à propos de cas spéciaux laissent le champ libre à diverses interprétations. Cet article relate les expériences vécues dans les cantons de Zurich, Berne, Vaud et Genève.
Quelle variante appliquer dans quelle situation?
La case G doit être cochée dans l’une ou l’autre des situations suivantes:
- en cas de fourniture de chèques-repas dont la valeur ne dépasse pas CHF 180.– par mois;
- lorsque l’employeur permet à ses collaborateurs de prendre des repas à prix réduit;
- lorsque les repas sont pris à l’extérieur durant au moins 50 % des jours travaillés.
(S’il existe un règlement des remboursements de frais agréé, la case doit être cochée la plupart du temps dès 40 %. Si les repas sont pris à l’extérieur durant plus de 60 % des jours travaillés, il y a lieu en outre d’inscrire le commentaire suivant sous chiffre 15: «Repas de midi payé par l’employeur».)
Chiffre 2.1
A l’intention spéciale des branches dans lesquelles il est d’usage d’intégrer le couvert et le logis à la rémunération (hôtellerie, restauration, entreprises d’informatique), l’Administration fédérale des contributions a édité une «Notice sur l’estimation de la pension et du logement des salariés» qui précise les montants à appliquer en vue d’une compensation. Ces montants y étant indiqués en fonction de l’âge (adultes, enfants jusqu’à 6 ans, enfants de 7 à 13 ans, adolescents de 14 à 18 ans), il convient de bien organiser la collecte des données pour assurer un traitement correct.
S’il n’y a lieu de mentionner en case G ni une participation de l’employeur aux repas (à noter que les fruits, le café et autres ne comptent pas en l’espèce) ni le seuil ouvrant droit au remboursement de repas pris à l’extérieur, on pourrait partir de l’idée que l’employeur n’a rien d’autre à prévoir. Lourde erreur! Pour les collaborateurs assujettis à l’impôt à la source, tout repas de midi pris en charge par l’employeur doit être traité comme un élément de salaire soumis à l’impôt à la source. On peut comprendre le motif invoqué par les autorités fiscales, à savoir que c’est nécessaire parce que la déduction intégrale des repas pris à l’extérieur est incluse dans le barème de l’impôt à la source. Il n’empêche que le surcroît de travail à accomplir pour se conformer à cette obligation n’est pas négligeable et ne répond pas à l’objectif initial, qui était d’éviter autant que possible des différences entre prélèvements à la source, impôts (certificat de salaire) et cotisations d’assurances sociales. Dans ces cas-là, faut-il intégrer les montants pris en compte au titre de l’impôt à la source dans le salaire brut et, pour les contribuables non assujettis à l’impôt à la source, indiquer ce même élément de rémunération à la rigueur au chiffre 13 ou pas du tout, suivant la situation concrète dans l’entreprise?
Il est compréhensible que des entreprises ignorent cette distinction entre collaborateurs assujettis et non assujettis à l’impôt à la source et s’accommodent d’un risque de compensation pour le cas où il y aurait une révision de l’impôt à la source.
Les diverses variantes de solutions concernant la voiture de service soulèvent sans cesse des questions dans la pratique. Le groupe Certificat de salaire de la CSI a apporté récemment une précision à propos de la part privée à la voiture de service.
Les voitures de service sont normalement financées à 100 % par l’employeur. En cas d’utilisation à titre privé, il y a lieu de tenir compte d’un avantage appréciable en argent équivalant à 0,8 % par mois du prix d’achat hors TVA. La procédure est la même pour le calcul des impôts à la source et des cotisations d’assurances sociales ainsi que pour le traitement dans le certificat de salaire. La valeur ainsi calculée est inscrite au chiffre 2.2 du certificat de salaire et la case F doit être cochée (transport gratuit entre le domicile et le lieu de travail).
La situation est plus délicate lorsque le collaborateur dépasse un plafond (p.ex. CHF 50 000.–) pour sa voiture de service et en assume lui-même une part (p.ex. CHF 10 000.–) en cas de promotion ou d’exercice de fonctions supplémentaires. Dans ce cas, il faut déterminer sur quelle base calculer les 0,8 %. Alors que par le passé, elles recommandaient que le prix d’achat calculé par l’entreprise en fasse office, les autorités fiscales considèrent à présent (celle de Zurich en tout cas) que ces 0,8 % doivent être pris comme base pour le montant total, soit CHF 60 000.– dans notre exemple, alléguant que ce pourcentage constitue une variante très favorable au contribuable et que les frais d’entretien qui pèsent sur le véhicule sont en général plus importants pour une voiture chère. Aux entreprises concernées de réfléchir si elles suivront cet avis au moment de remplir le certificat de salaire 2013.
Depuis l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2013, de la loi sur l’imposition des participations de collaborateur, le Guide d’établissement du certificat de salaire n’a pas été modifié. Cette loi (plus exactement son ordonnance d’exécution et la circulaire y afférente, publiées à la fin juillet 2013) prévoit pour les instruments de participation importés, au moment où elles sont imposables, que le montant total soit inscrit sous chiffre 5, même si une part a été perçue à l’étranger. Concernant l’impôt à la source, c’est le montant total qui détermine le taux, mais la taxation ne porte que sur la part échéant en Suisse.
Les détails relatifs à l’instrument de participation doivent, comme d’habitude, figurer sur une feuille annexe au certificat de salaire. Les informations nécessaires sont désormais définies de façon plus précise. Si, une année, des instruments n’ont été que promis ou attribués pour une date d’imposition ultérieure (droits en cours de formation), le commentaire «Détails sur les participations de collaborateur selon feuille annexe» doit être inscrit sous chiffre 15.
En plus de la feuille annexe au certificat de salaire remise en fin d’année, il y a lieu pour les collaborateurs assujettis à l’impôt à la source d’adresser les détails de chaque événement imposable par déclaration au service de l’impôt à la source compétent. Il est impératif que toutes les informations parviennent à l’office des impôts afin que le cas soit bien traçable. La déclaration d’instruments de participation exportés avec quote-part fiscale en Suisse (au taux spécial, p.ex. 31,5 % dans le canton de Zurich) doit également être établie séparément, avec les détails.
D’autres obligations de déclaration aux cantons et aux caisses de compensation doivent faire l’objet de clarifications particulières. Les caisses de compensation, par exemple, ne veulent pas toutes qu’on leur fournisse des détails.
Il apparaît au travers de questions pratiques que les frais de formation et de perfectionnement ne sont souvent pas payés par la comptabilité salaire, de sorte que l’on oublie, en fin d’année, de reporter les informations nécessaires sur le certificat de salaire. Si l’employeur reçoit directement la facture de l’établissement de formation et la règle, les montants ne doivent être déclarés (chiffre 13.3) que s’ils dépassent CHF 12 000.– par an et par événement (hors TVA et frais de déplacement et de repas).
Plus compliquée sur le plan administratif est la prise en charge partielle des frais de perfectionnement (avec, éventuellement, prise en charge totale en cas de réussite à l’examen). Dans une telle situation, la facture sera plutôt libellée au nom du collaborateur, raison pour laquelle tout montant payé en numéraire par l’entreprise doit figurer sous chiffre 13.3. Par contre, si la facture est libellée au nom de l’entreprise et que le collaborateur en règle la moitié de sa poche, il est indiqué de le préciser sous chiffre 15 afin que le collaborateur puisse déduire ces frais de perfectionnement dans sa déclaration de revenus. Il en va de même lorsque le collaborateur est tenu à remboursement s’il quitte l’entreprise.
La question de l’imposition des assujettis à l’impôt à la source n’est pas résolue par cette règle en matière de certificat de salaire, règle que les cantons sont nombreux à appliquer. Pour les collaborateurs assujettis à l’impôt à la source et néanmoins tenus de remettre une déclaration en vue d’une taxation ordinaire, le risque d’une imposition ultérieure par le service de l’impôt à la source est très restreint. Si, par contre, le prélèvement à la source est définitif (< CHF 120 000.– de revenu annuel ou assujettissement à l’impôt restreint) et que le montant est supérieur à CHF 12 000.– par an et par événement, le risque de compensation existe bel et bien en cas de révision. Aussi est-il recommandé de consulter le service de l’impôt à la source et de se faire confirmer le traitement fiscal d’un tel cas spécial. Pour les entreprises qui tiennent à assurer leurs arrières, il conviendrait de s’acquitter des impôts à la source et de les mentionner sous chiffre 7 du certificat de salaire. Le collaborateur aurait alors la possibilité, par une demande de rectification présentée avant le 31 mars de l’année suivante, de solliciter un correctif. Si les contributions au perfectionnement sont importantes, il risquerait toutefois d’être en délicatesse quant au niveau de son salaire net en ce sens que le montant du perfectionnement pris en compte au titre de la déduction de l’impôt à la source serait plus important pour le mois en question, mais qu’aucun élément de salaire supplémentaire ne serait versé.
Les frais d’écolage que l’employeur prend à sa charge pour les enfants des collaborateurs (pour autant qu’il ne s’agisse pas de frais d’expatriés) sont en revanche à inscrire sous chiffre 7.
Le traitement de situations internationales plus complexes n’a pas été approfondi dans le Guide sur l’établissement du certificat de salaire afin de maintenir celui-ci dans un cadre raisonnable. En font partie notamment les frais professionnels particuliers des expatriés. La définition concrète donnée par l’Oexpa (ordonnance relative aux déductions, en matière d’impôt fédéral direct, de frais professionnels des employés occupant une fonction dirigeante et des spécialistes qui exercent en Suisse une activité temporaire) autorise toutefois une certaine marge d’appréciation. Les autorités fiscales remettent sans cesse en question la reconnaissance au cas par cas du statut d’expatrié. Ce qui pose la question de savoir si la présomption du traitement défiscalisé des frais des expatriés par le biais de la comptabilité salaire et du certificat de salaire ne constitue pas un trop gros risque pour les entreprises. Les frais défiscalisés des expatriés sont à indiquer à leur valeur effective sous chiffre 13.1.2. Les frais de déménagement que l’employeur prend à sa charge sont par contre à inscrire sous chiffre 15.
L’ordonnance précitée indique comme condition une activité lucrative en Suisse de cinq ans au plus, à moins que l’expatrié n’ait été précédemment engagé ou localisé sans limitation de durée. La question est de savoir si cette période de cinq ans fait référence à l’activité exercée temporairement en Suisse ou s’il faut cumuler les emplois temporaires occupés dans d’autres pays avant l’activité en Suisse. Un exemple: un collaborateur est détaché de Suède en Italie pour trois ans, puis redirigé vers la Suisse. A-t-il droit au statut d’expatrié pour les deux années restantes ou pour cinq ans?
Récemment, les autorités fiscales zurichoises ont refusé de reconnaître à un contribuable le statut d’expatrié en raison du critère inadéquat de «personnel dirigeant». Il s’agissait d’un «expatrié» détaché temporairement en Suisse pour y créer et diriger une succursale comptant au total quatre collaborateurs.
Aux termes de l’Oexpa, seuls les frais suivants des expatriés domiciliés en Suisse peuvent être pris en charge par l’employeur sans incidence sur l’impôt sur le revenu (ou être déduits du revenu imposable si l’employé les paie de sa poche): les frais de déménagement en Suisse et les frais de retour dans le pays d’origine ainsi que les frais de voyage aller et retour de l’expatrié et de sa famille au début et à la fin des rapports de travail, les frais raisonnables de logement en Suisse lorsqu’il est établi qu’une résidence permanente est conservée dans le pays d’origine ainsi que les frais courants pour l’enseignement en langue étrangère dispensé aux enfants mineurs par une école privée, dans la mesure où les écoles publiques n’offrent pas un enseignement équivalent.
Voici un autre exemple: un collaborateur est détaché des Etats-Unis en Suisse pour trois ans, sa famille l’accompagne. Les frais de déménagement effectifs sont remboursables par l’employeur en exonération d’impôts. Le remboursement inclut les billets d’avion et les frais d’expédition des meubles et du ménage. Des divergences surviennent lorsque, l’appartement réservé à la famille n’étant pas libre de suite, un hébergement à l’hôtel s’impose durant deux semaines. Dans certains cantons, ces frais sont acceptés au titre de frais de déménagement, mais pas dans tous. Il est donc indiqué de consulter l’office des impôts (ou de se faire remettre une convention écrite). Sinon, dans le doute, ils seront traités comme revenu imposable.
Sachant que l’ordonnance sur les expatriés a été remise en question par décision d’une administration des impôts cantonale, il est conseillé d’examiner d’un œil critique le statut d’expatrié quant à la fonction de cadre dirigeant ou de spécialiste et d’analyser les éléments remboursés dans le détail avant qu’ils ne soient traités en régime d’exonération fiscale par l’employeur dans le décompte et le certificat de salaire.
Selon le Guide d’établissement du certificat de salaire, les impôts et les cotisations d’assurances sociales (celles des employés) que l’employeur prend à sa charge sont à inscrire sous chiffre 7. Les impôts à la source et les cotisations sociales doivent être calculées dans la comptabilité salaire, ce qui, suivant le programme utilisé, ne se fait pas toujours correctement. Dans certains cas, l’employeur s’engage à assumer pour son collaborateur les impôts et cotisations sociales à acquitter sur d’autres éléments de revenu et de patrimoine. Si cet employé fait l’objet d’une taxation complémentaire ou ultérieure, d’autres montants payés par l’employeur pourront s’y ajouter. Un certain nombre de cantons romands exigent que ces montants calculés ultérieurement soient inscrits à titre rétroactif sur le certificat de salaire. C’est clairement en contradiction avec les directives sur le certificat de salaire, car seules des cotisations dues et chiffrées durant l’année entrant en considération sont à prendre en compte. Le montant des cotisations supplémentaires assumées par l’employeur l’année suivante en raison de la situation personnelle de son collaborateur n’est connu qu’à la clôture de l’exercice. Ces cotisations n’ont donc rien à faire sur le certificat de salaire de l’année précédente et tous les offices des impôts devraient accepter la remise, avec la déclaration de revenus, de montants calculés sur une feuille annexe supplémentaire. Il n’est pas conforme non plus aux directives relatives à la tenue d’une comptabilité salaire régulière d’occulter des années antérieures aux travaux de clôture des comptes avant de disposer des montants reflétant la situation de revenu et de fortune privée du collaborateur.
Quand, en pratique, est-il recommandé d’établir plusieurs certificats de salaire? Le Guide ne fait allusion à aucune circonstance particulière. Il existe pourtant des situations dans lesquelles l’employeur serait bien inspiré d’établir plusieurs certificats de salaire.
Si l’employeur engage un collaborateur (en tant qu’expatrié ou sur la base d’un contrat local) qui conserve pour quelque temps son domicile à l’étranger puis déménage en Suisse avec sa famille, il conviendrait d’établir pour la période de résidence à l’étranger un certificat de salaire libellé à l’adresse étrangère et, pour la période à compter du déménagement de la famille en Suisse, un second certificat de salaire portant l’adresse dans ce pays. Tout cela pour garantir que seul soit enregistré en Suisse au titre de l’assujettissement illimité (p.ex. une taxation ultérieure des revenus supérieurs à CHF 120 000.– ou à CHF 500 000.– dans le canton de Genève), c’est-à-dire à compter du moment où la famille a abandonné son domicile à l’étranger, le revenu du travail perçu pour cette période. La période antérieure fera alors l’objet d’une taxation définitive au titre de l’impôt à la source. Sur le certificat de salaire devrait figurer sous chiffre 15 la mention «1 certificat de salaire sur 2» ou «2 certificats de salaire sur 2».
Lorsqu’un collaborateur domicilié en Suisse est détaché à l’étranger par une société suisse, p.ex. pour 3 ans, et qu’en dépit de cette situation nouvelle, soit ses versements de salaire, soit le maintien de ses assurances sociales en Suisse continuent de transiter par la comptabilité salaire, il faudrait établir un certificat de salaire pour la période de domicile et de travail en Suisse et un second pour la durée du détachement et de la résidence à l’étranger.
Si, en revanche, ce collaborateur conserve son domicile en Suisse (en raison, p.ex., d’un détachement de courte durée ou de missions régulières à l’étranger en alternant les pays), il faut déterminer s’il existe un assujettissement à l’impôt dans le pays en question. Suivant la situation, il serait judicieux, à tout le moins, de faire allusion sous chiffre 15 à une mission à l’étranger. En cas d’assujettissement à l’étranger, cette distinction pourra se révéler utile. En fonction de la durée des missions, il sera bon de vérifier soigneusement si le règlement suisse pour le remboursement des frais s’applique et s’il existe un droit éventuel à un remboursement forfaitaire.
En établissant deux certificats de salaire, l’employeur apporte davantage de transparence au niveau de l’imposition. Or de nombreuses entreprises n’ont pas connaissance de cette possibilité ou renoncent à l’établissement manuel, très souvent nécessaire, d’un second certificat.
En cas de changement d’employeur, il y a lieu d’établir un certificat de salaire au nom de chacune des deux sociétés. Cette séparation est impérative puisqu’on est en présence de deux contrats de travail distincts.
Il peut arriver qu’il soit utile, pour des raisons techniques inhérentes au système, d’établir deux certificats de salaire. C’est le cas, p.ex., lors du passage du statut d’expatrié à celui d’employé sous contrat local (ou inversement). S’il y a changement de régime d’assurances sociales, certains programmes de comptabilité salaire ne sont pas encore en mesure de calculer correctement la péréquation annuelle de l’assurance-chômage / AC 2 (les mois antérieurs au recrutement sous contrat local sont pris en compte pour le calcul des maxima et «comblés» en conséquence). En outre, il peut être utile pour le calcul des impôts à assumer par l’employeur (s’il en a été convenu ainsi dans le contrat) de séparer ces deux périodes.