Transmettre une entreprise requiert un bon suivi. Dans cet article, l’auteur met en lumière, au moyen d’exemples issus de la pratique, l’importance de la médiation pour les agents fiduciaires en tant qu’interlocuteurs professionnels et personnes de confiance des propriétaires d’entreprise.1
Pour de nombreuses entreprises, la collaboration établie avec les agents fiduciaires est l’affaire des dirigeants. Si le règlement concernant la succession est imminent, alors un suivi professionnel est attendu. Bien souvent, les aspects personnels des parties prenantes entrent en jeu, en particulier en ce qui concerne les entreprises familiales, où le risque de conflit est élevé. La médiation offre de bons services en cas de blocages. Si la succession se passe bien grâce à l’agent fiduciaire en tant qu’intermédiaire professionnel, les chances de conserver le mandat fiduciaire une fois que l’entreprise a été transmise à un nouveau propriétaire et à une nouvelle direction sont bonnes.
En Suisse, des dizaines de milliers d’entreprises attendent de trouver un nouveau propriétaire et, la plupart du temps, une nouvelle direction. Dans le cas des entreprises familiales, cela peut être lié à un changement de génération.2 Pour les collaborateurs de l’entreprise concernée, ce changement est souvent très important. Le suivi professionnel du propriétaire actuel est au centre de l’action.
Le règlement de la succession nécessite une planification professionnelle, des ressources suffisantes et une vision entrepreneuriale. En plus des obstacles de nature réglementaire et fiscale, des difficultés classiques d’ordre émotionnel et de communication viennent compliquer la recherche d’une solution adéquate. Si ces problèmes ne sont pas éliminés avec succès, un dommage total pour l’entreprise et le propriétaire peut en être la conséquence au lieu de la succession escomptée.
Un salon de coiffure qui marche bien va fermer parce que le couple de propriétaires part en retraite. Certes, la fille du couple a appris le métier de coiffeuse et a travaillé dans le salon, mais elle préfère ouvrir sa propre affaire dans le même quartier …
L’investisseur principal d’une agence de voyage et son gérant n’arrivent pas à s’accorder sur les conditions d’une reprise. Le gérant s’en va. L’entreprise, qui avait du succès jusqu’à maintenant, dépérit et est vendue à un prix cassé.
Une maison d’édition zurichoise de renom ferme ses portes après des décennies d’activité car l’avenir est sombre en raison du changement structurel intervenu dans la branche …3
Dans ces exemples, qu’est-ce qui s’est mal passé? N’aurait-il pas été possible d’obtenir de meilleurs résultats auxquels l’agent fiduciaire aurait participé et qui lui auraient permis de conserver son mandat une fois la succession réglée? Quelles mesures les agents fiduciaires avisés peuvent-ils prendre en ce qui concerne les besoins de leur clientèle en cas de succession? Quelles difficultés devraient-ils identifier? Et comment y faire face?
Depuis quelques années, le thème de la succession est sur le devant de la scène, en particulier chez les PME. Et si son règlement doit être le plus sûr possible et mener au succès, alors il durera aussi quelques années. De nos jours, c’est généralement connu, mais malgré tout pas encore chez toutes les parties directement concernées. Et même si c’est le cas, de nombreux propriétaires d’entreprises sont confrontés pour la première fois de leur vie au défi de la planification de succession.
L’agent fiduciaire a un bon aperçu de l’entreprise, il est donc le mieux placé, avec les parties prenantes, pour clarifier les aspects fiscaux du défi, ainsi que pour servir de guide dans la manière de traiter l’immobilier, dans le choix d’opter pour un rachat de l’entreprise par les cadres, les salariés ou la famille, pour le share deal (acquisition indirecte des actifs et passifs) ou l’asset deal (acquisition directe des actifs et passifs) ainsi que pour d’autres étapes de la réorganisation de l’entreprise. L’agent fiduciaire aide également à appréhender les besoins de la génération qui se retire au niveau de la prévoyance, de même qu’à celui du droit matrimonial et successoral.
Ce faisant, il fait concurrence aux cabinets d’avocat, banques, assurances, ainsi qu’à d’autres institutions spécialisées dans le domaine de la succession. Chez ces prestataires de services, lesdits aspects «factuels» de la vente d’entreprise ou de la succession sont placés au premier plan. En traitant les thèmes désignés ici comme faits et chiffres, des difficultés de nature «factuelle»4 existent et doivent être résolues. Mais cela n’est pas le sujet ici.
Les protagonistes font appel à un médiateur, lors de la succession, en raison de soft factors inquiétants ou déjà gênants et bloquants, dont la prise en compte est le plus souvent fondamentale. Les soft factors sont volontiers présentés superficiellement comme faits & chiffres. Par exemple, le patron surestime la valeur de sa clientèle, un classique qui, en y regardant de plus près, va au-delà de la simple question de l’évaluation adéquate de l’entreprise.
Des études montrent non seulement une aversion au risque répandue parmi les acteurs de l’économie, mais également la grande importance de l’équité dans le comportement les uns envers les autres lors des décisions économiques.5 Pour pouvoir se séparer de leur entreprise, les protagonistes (propriétaires) ont souvent besoin, à l’approche de la retraite – et cela ne concerne pas seulement les entreprises familiales – d’abord d’une clarification portant sur leur propre identité et également sur une estimation exprimée en argent mais pas seulement.
Un conseil requérant une certaine audace et du flair est ici de mise. Certes, il peut s’avérer utile pour toutes les parties prenantes, mais il n’est pas toujours tout de suite accueilli favorablement. Personne n’aime être acculé, encore moins ceux qui commandaient jusqu’à maintenant. Être un bon entrepreneur ne signifie pas forcément que l’on communique bien sur soi. Les affaires menées jusqu’à présent peuvent masquer la nécessité de procéder à des modernisations au sein de l’entreprise dans le cadre de la transmission en d’autres mains.
À cela s’ajoute le fait que personne ne concède d’emblée publiquement avoir des problèmes avec le lâcher prise, l’héritier ou l’héritière, la situation financière au niveau professionnel ou privé, ou des difficultés au sein de sa propre famille («Nous n’avons pas de conflit. Ce sont les autres qui en ont»). Celui qui fait le ménage dans la maison le fait aussi sous le tapis – et ce qui était caché dessous jusqu’à présent et refait surface a tendance à être désagréable. Et ce que cela signifie n’est pas forcément évident. Il est nécessaire de clarifier les choses, ce qui requiert (plus) de temps.
Dans la pratique, on recense entre autres les soft factors suivants énumérés dans la check-list de la figure 1, dont il est recommandé de tenir compte suffisamment tôt lors de la planification de succession.
Par soft factors, j’entends les besoins existentiels des parties prenantes lors de la succession, lesquels sont tout de suite reconnaissables ou peuvent au contraire rester masqués, et qui ont une influence sur toute réglementation. Ils bloquent la situation s’ils sont ignorés ou s’ils ne sont pas pris en compte de façon adéquate – comme le montre l’exemple au point 3.1 ci-après. Des difficultés surviennent souvent dans l’appréhension des besoins (voir le point 3.3 avec la check-list de la figure 3). Des signaux d’alarme peuvent en tout cas déjà donner l’alerte (voir le point 5 avec la check-list de la figure 4).
Accorder de l’attention aux soft factors ne signifie pas qu’ils constituent un problème pour la planification de succession et que des conflits les concernant doivent être réglés. Tout propriétaire d’une entreprise est libre, à l’âge de la retraite, de renoncer à une succession et d’arrêter son activité. Si les engagements de l’entreprise sont honorés, la question est réglée6 – ainsi, il n’est pas nécessaire de discuter pour savoir si la maison d’édition mentionnée plus haut aurait encore pu être sauvée malgré le changement structurel qui s’opère dans la branche du livre.
Ensuite, une succession souhaitée qui, par exemple, échoue par manque d’acheteur n’est pas en soi source de conflit. Ceux qui n’ont tout simplement pas cherché de repreneur ne se voient pas proposer de prix non plus à la fermeture de l’entreprise. La marche à suivre concrète lors de la liquidation nécessaire de l’entreprise peut toutefois donner lieu à des conflits qui peuvent être résolus par un soutien professionnel.
Par contre, on peut pour ainsi dire parler d’accident professionnel si une entreprise doit être maintenue – et que cela serait à vrai dire possible – mais que les protagonistes ne peuvent pas le faire seuls, et que de surcroît, des difficultés encore présentes ne sont pas identifiées ou que l’on ne sait pas comment s’y prendre de manière constructive. Juste pour dire. Du point de vue de l’auteur, traiter et même résoudre les conflits ouverts ou cachés ne fait pas partie des tâches principales de l’agent fiduciaire. Toutefois, on peut et devrait inciter suffisamment tôt les parties prenantes à consulter un intermédiaire professionnel. Mais ne peut le faire que celui qui a appréhendé la situation (conflictuelle ou bloquée) comme telle. L’exemple suivant permet de se faire une idée plus nette de la problématique.
Les propriétaires du salon de coiffure (évoqué en introduction) ont parlé de choses et d’autres aussi devant la clientèle et les collaborateurs. Pour eux, il était clair que leur fille allait reprendre l’affaire un jour. Mais ils n’ont pas abordé le sujet pendant trop longtemps.7 Quand il s’est agi du financement de la reprise en lien avec le capital vieillesse nécessaire pour les parents, de leur participation au sein de l’entreprise après la retraite ainsi que, de façon inattendue, l’intervention du fils et frère des parties prenantes, lequel n’a rien à voir avec la coiffure mais qui était intéressé, en tant qu’étudiant, par un avancement d’hoirie,8 la situation de conflit est soudain survenue, accompagnée d’un grand sentiment d’impuissance. Se taire n’apporte rien et la succession est bientôt abandonnée.
En plus de la prévoyance vieillesse sous la forme du prix d’achat pour le salon (en soi un problème faits & chiffres), le fait que les parents aient voulu continuer à avoir leur mot à dire dans l’entreprise a eu un effet négatif sur la fille, qui souhaitait mener l’entreprise à sa manière.9 Les besoins des uns et des autres n’ont pas été clarifiés, la fille a réagi par des actions au lieu de communiquer, le fils a été évincé et toutes les parties prenantes ont perdu beaucoup dans cette affaire (les parents ont fermé le salon sur un coup de tête). L’agent fiduciaire de la PME a été mis au courant trop tard, alors qu’il n’était plus possible de trouver une solution. Ainsi, le salon de coiffure qui marchait bien, ressource issue du dur labeur de la famille, est un échec.
Les conclusions que l’on peut tirer: si l’agent fiduciaire de la PME avait pu identifier les signaux d’alarme, les choses se seraient passées différemment. Certes, il n’aurait pas été en mesure de jouer le rôle de médiateur. Car pour garantir une médiation couronnée de succès, la neutralité de l’intermédiaire envers les parties est requise (ce qui ici, dans la perspective des descendants, serait discutable étant donné que l’agent fiduciaire a conseillé les parents pendant des années). Toutefois, l’agent fiduciaire de la famille aurait cherché une médiatrice et aurait ainsi rendu possible le début d’un entretien structuré dans un cadre protégé. L’expérience montre en effet que les craintes d’aborder une nouvelle situation empêchent de s’asseoir à la table des négociations. Par contre, une médiation qui a commencé donne presque toujours de bons résultats.
Personne ne doit être encore polyvalent de nos jours, mis à part peut-être en ce qui concerne le propre réseau qui, aux interfaces de la profession, met à la disposition de la clientèle des prestataires de services utiles venant d’autres disciplines. Cela présuppose tout d’abord un rapport de confiance parmi les membres du réseau et résulte, dans le cas idéal, de la recommandation et affectation réciproques (par exemple les médiateurs renvoient régulièrement non seulement à des coaches, psychologues ou conseillers juridiques, mais aussi à des agents fiduciaires pour les besoins en question de leurs clients).
Que fait l’agent fiduciaire qui identifie des signaux d’alarme en lien avec une succession (voir la check-list de la figure 4) pour contribuer aux clarifications? Fondamentalement, toute assistance est bonne et juste; mais le mieux est que l’agent fiduciaire aborde ouvertement la situation en tant que personne de confiance, et ce au bon moment et au bon endroit, et qu’il dise en même temps que tout espoir n’est pas perdu et qu’il existe une solution.
Ce faisant, les agents fiduciaires peuvent fournir un support décisif. La médiation permet d’éliminer les blocages et de régler les conflits. Elle aide à libérer la voie vers un règlement des faits & chiffres de la succession qui n’est plus entravé par des obstacles de nature émotionnelle. La médiation en arrive parfois à la «simple» conclusion qu’on ne réussit rien ensemble, que malgré toutes les intentions, on ne parvient pas à se mettre d’accord sur la succession. Mais dans presque tous les cas, les parties ont toutefois appris à mieux se comprendre grâce à la médiation et ont vu en plus qu’aucune d’entre elles ne devait être tenue responsable de l’incompatibilité – ce qui est un soulagement et montre que la médiation est utile.
Pour résumer, l’agent fiduciaire peut épauler ses clients et est finalement appelé dès qu’une succession s’annonce. C’est à ce niveau que se situe sa valeur ajoutée par rapport aux collègues qui n’osent pas s’aventurer sur ce terrain, ne connaissent pas d’autres professionnels ou ne sont pas en mesure de fournir de telles prestations.
La question se pose de savoir ce qui est judicieux concrètement. Il n’est pas toujours nécessaire de faire appel à des avocats. La médiation n’est pas toujours appropriée et tous les cas (de conflit) ne se règlent pas facilement (sans l’intervention d’un tribunal). L’agent fiduciaire mandaté n’a cependant pas besoin de vérifier si quelque chose s’oppose à une médiation dans un cas concret. C’est le professionnel recommandé qui s’en charge.10
Il suffit tout d’abord que les parties prenantes recourent à la médiation. Elles n’ont rien à perdre: si le médiateur ou la manière de travailler ne leur convient pas, elles peuvent arrêter. Si le conflit n’a pas pu être réglé par le biais de la médiation, elles peuvent toujours opter pour d’autres procédés de clarification. S’il faut faire un choix entre l’avocat ou le médiateur, l’agent fiduciaire opte pour la médiation en cas de doute.
Le médiateur mandaté réfléchit seul et avec les parties prenantes sur la manière de procéder dans un cas concret. Il se pose différentes questions: de qui a-t-on besoin? Comment garantir la confidentialité? Quelles sont les ressources nécessaires en temps, argent et savoir-faire? Le cadre choisi est convenu de façon ferme. Le traitement du conflit ou de la situation bloquée commence alors.
Il est souvent difficile aux parties concernées par la succession de formuler leurs besoins même si elles les connaissent. C’est pourquoi elles commencent fréquemment par évoquer les positionnements superficiels. Le médiateur expérimenté le sait et peut, à l’aide de ses outils (de communication), en collaboration avec les parties prenantes, regarder dans les coulisses de la procédure protégée et menée de façon structurée. Des difficultés y sont là régulièrement mises en lumière. Elles bloquent la voie menant aux besoins – comme celles mentionnées dans la check-list de la figure 3.
De nombreuses difficultés issue d’autres domaines de la vie et de situations sont connues. Elles peuvent être éliminées à l’aide des outils fournis par la médiation, ce qui permet aux parties prenantes de préserver leur soft factors (besoins, intérêts) et de pouvoir les intégrer dans la solution de succession.
L’agent fiduciaire, dont le service a consisté à chercher une médiation, n’est pas forcément absent de la médiation. Selon les cas, il y participe de manière active ou passive et peut y intégrer ses ressources pour les donneurs d’ordre. Voici à ce sujet un exemple tiré de la pratique (voir chiffre 4).
L’agent fiduciaire de l’agence de voyage – cas présenté à l’introduction – travaille depuis des années pour l’entreprise et en connaît bien le gérant. Il n’a jamais affaire à l’investisseur, un self-made man d’environ 70 ans qui possède d’autres entreprises dans son portefeuille. Au cours d’un entretien, le gérant indique à l’agent fiduciaire que le «vieux monsieur» est vraiment âgé et qu’il perd la mémoire, que lui et les employés se demandent comment cela va continuer à moyen terme. Ils ne savent pas s’ils doivent aborder le sujet avec lui et si oui, comment.
L’agent fiduciaire demande au gérant s’il serait intéressé à reprendre l’affaire, lequel répond par l’affirmative avec réserve. Là-dessus, le gérant en parle à l’investisseur lors de la réunion portant sur les comptes annuels. Tout d’abord, l’investisseur prend les choses comme un affront et ne veut pas entendre parler de ce thème. Les choses en restent là. Quelques semaines plus tard, l’agent fiduciaire, en accord avec le gérant, reprend contact avec l’investisseur et lui propose un entretien sans engagement portant sur les possibilités d’une vente de l’entreprise.
Au cours de la conversation, il apprend que l’investisseur n’est que partiellement content du travail du gérant parce que ce dernier n’a, à maintes reprises, pas atteint les objectifs de gain. Le propriétaire et président du conseil d’administration ne mentionne toutefois pas qu’il n’y a jamais eu d’entretien avec le gérant et encore moins d’évaluation du collaborateur. L’agent fiduciaire voit dans cette situation de départ une chance pour que les deux hommes puissent toutefois se rapprocher à l’occasion d’une discussion menée de façon neutre.
L’agent fiduciaire conseille à l’investisseur de faire appel à une médiatrice pour un entretien individuel préalable. L’investisseur y apprend que dans sa situation, il serait possible de parler avec le gérant d’une amélioration de la situation financière de l’agence de voyage. Sur proposition de la médiatrice, l’investisseur invite le gérant à une réunion de médiation. Une fois que la médiatrice a exposé les faits aux parties prenantes, elle écoute ce qu’ont à dire les deux personnes sur les thèmes en question et sur leurs requêtes. Il s’avère que l’investisseur tient à vendre l’entreprise et qu’il ne dispose pas de membres de sa famille intéressés ou d’acheteurs externes.
Toutefois, l’investisseur considère avec fierté son agence de voyage comme faisant partie de l’œuvre de sa vie et il souhaite la remettre entre les meilleures mains. Lors des deux autres réunions de médiation suivantes, les parties clarifient les choses et, avec l’aide de l’agent fiduciaire, ils définissent dans quelle mesure le gérant, en tant qu’acheteur de l’agence de voyage, pourrait agir et comment un éventuel financement tiers serait réalisable avec présence du gérant. À l’occasion d’une quatrième réunion, des solutions optionnelles et leur mise en œuvre sont confiées à l’agent fiduciaire. Au bout de quatre réunions de deux heures trente chacune durant une procédure de trois mois au prix de 3500 CHF, la voie menant à la planification de succession est libre.
Chaque médiation est différente. Le point commun du concept est que les parties prenantes peuvent s’écouter mutuellement dans un cadre protégé, comprendre les intérêts de l’autre partie (ce qui signifie ne pas encore accepter ou bien reprendre pour soi) et chercher des options lors d’un entretien mené par une personne compétente afin que la situation soit avantageuse pour les deux parties. Si les parties choisissent ensuite ensemble une option et trouvent un consensus, elles ont alors enregistré un grand succès. Si elles ont pu clarifier que cela ne va pas (entre elles), on peut dire que c’est quand même un petit succès qui peut être amélioré après coup en réfléchissant sur la manière de gérer la situation de façon constructive.11 C’est pour toutes ces raisons que la médiation est une bonne option en cas de planification de succession (voir figure 2).
Dans la pratique des conflits, il est utile, pour trouver une solution constructive, d’intervenir rapidement déjà dès le début et de ne pas laisser les choses s’envenimer. De ce fait, il peut être judicieux de réagir de façon proactive dès que les premiers signaux d’alarme apparaissent, indiquant une difficulté possible sur la voie de la planification de succession. Cela signifie se pencher sur la thématique (avant de trébucher). Cela permet non seulement d’éviter les blessures personnelles mais aussi de gagner du temps et de l’argent ainsi que de ménager ses nerfs, ce qui n’est pas le cas quand il existe de l’incertitude ou des litiges sur une assez longue période.
L’agent fiduciaire qui a envoyé les parties prenantes à la médiation, participe au succès de cette dernière. Il peut intégrer dans son travail futur pour l’entreprise les résultats obtenus par la médiation. La médiation a ouvert la voie à un travail à nouveau plus pertinent dans le domaine fiduciaire. Le plus grand défi pour l’agent fiduciaire réside dans l’aide apportée lors de la mise en œuvre d’une gestion constructive des conflits. Si un conflit se manifeste sur le chemin du règlement de la succession, il est impossible de l’éviter et il ne s’agit que de savoir qui doit prendre les choses en main en tant que troisième professionnel neutre.
Ce qui est important, c’est de reconnaître que beaucoup de personnes (également des propriétaires d’entreprise) qui aspirent à une succession ou qui se trouvent devant une succession imminente connaissent ou dévoilent d’emblée leurs soft factors (voir figure 1). Leurs besoins sont bien souvent masqués ou gênés par des difficultés (voir figure 3). Ces dernières ne sont pas évidentes mais des signaux d’alarme caractéristiques les indiquent (voir la check-list dans la figure 4).
Les agents fiduciaires ayant de l’expérience reconnaissent ces signaux et les abordent au bon moment dans l’intérêt de leurs clients. Et même si aucun signal ne l’indique, les obstacles sont la règle lors des successions. Et sans prise en considération des soft factors, un règlement n’aboutit pas. Pour utiliser les check-lists, il est recommandé de suivre le déroulement suivant présenté dans la figure 5.
Pour terminer, voici ma proposition concernant votre auto-contrôle. Comme exercice, vous pouvez lire encore une fois l’exemple du salon de coiffure, au chiffre 3.1, et noter les signaux d’alarme qui sont identifiables. Quelles difficultés pourraient-elles avoir existé dans ce cas et quels soft factors soupçonnez-vous? Vous trouverez les réponses dans les notes de bas de page concernant l’exemple.
La médiation peut également constituer une aide précieuse autre que dans un cas de succession. Par exemple pour identifier toutes les difficultés au cabinet médical, dans les bureaux d’avocats, bureaux d’architectes et dans de nombreuses autres entreprises – que ce soit en interne ou avec les clients, les fournisseurs ou parmi les propriétaires de PME. Là aussi, l’agent fiduciaire joue un rôle clé comme décrit plus haut.
- Dans cet article, les personnes mentionnées désignent tour à tour des hommes ou des femmes et englobent les deux sexes.
- Pour le thème de la succession d’entreprise, voir David Dürr / Mauro Lardi (éd.), Unternehmensnachfolge – Interdisziplinäres Handbuch zur Nachfolgeregelung, Dike Verlag 2014; Andreas Gubler, Nachfolgeregelung im Familienunternehmen – Grundriss für die Praxis, maison d’édition NZZ 2012; Franziska Müller Tiberini, Wir schaffen das! Sieben Tipps zur Kommunikationfür einen erfolgreichen Generationenwechsel, maison d’édition Rio by Elster 2016.
- Selon les médias, Egon Ammann et Marie-Luise Flammersfeld ont expliqué la fermeture de leur maison d’édition en expliquant qu’ils auraient donné à la littérature ce qu’ils avaient à lui donner et qu’ils ne pouvaient pas s’imaginer que l’œuvre de leur vie puisse être poursuivie dans une autre maison.
- La Due Diligence, les charges fiscales d’une transaction (comme les gains immobiliers ou la liquidation partielle indirecte), les obstacles en matière d’héritage (comme la réserve héréditaire) ou aussi le transfert de savoir.
- Sur la recherche en économie comportementale, voir le Professeur Ernst Fehr dans la NZZ du 8.9.2017, p. 27.
- L’aspect moral disant qu’en cas de liquidation (délibérée) de l’entreprise, des valeurs, en particulier des emplois, sont anéantis n’est pas traité ici. D’après des estimations, quelque 500 000 emplois sont concernés par les prochaines successions d’entreprise en Suisse. Environ 30 % des planifications de succession n’aboutissent pas (voir Dürr / Lardi, op. cit., p. 2, avec renvoi à l’étude 2016 de CS & HSG)
- Les signaux d’alarme stupeur, fierté, gestion patronale – difficultés non-transparence, interprétation, attentes – soft factors: tous ceux qui sont mentionnés dans la check-list sont concernés. Voir à ce sujet les check-lists des figures 1, 3 et 4.
- Pour le fils, signaux d’alarme, manque d’identification avec l’entreprise, descendance des propriétaires, dépendance financière par rapport au patron – difficultés non-transparence, éventuellement interprétation, attentes – soft factors: protection financière, équité, estime de soi, confiance. Voir aussi les check-lists des figures 1, 3 et 4.
- Soft factors identité professionnelle, estime de soi et (manque de?) confiance de la fille envers les parents et besoins de confiance de la part de la fille (par rapport aux parents), responsabilité et liberté de conception, voir la check-list de la figure 1.
- Voir aussi Peter Krepper, Mediation in der Praxis: Erfolg dank Eignung, PJA 10/2012, 1427 ss., avec d’autres renvois concernant les cas où la médiation – exceptionnellement – n’est pas appropriée.
- Pour la médiation en général, voir p. ex. Esther Haas / Toni Wirz, Mediation – Konflikte lösen im Dialog, 3e édition, Beobachter-Buchverlag; pour les conflits dans les entreprises suisses, Ronald Kaufmann / Hadumoth von Escher / Andreas Furrer / Daniel Girsberger, KMU und Konflikte – Blick auf die Wirklichkeit in Schweizer Unternehmen.