Chères lectrices, chers lecteurs
Le langage se modifie en permanence: sous l’influence de l’étranger toujours plus proche en raison de la globalisation et sous celle des évolutions de la société et des technologies. On peut déplorer l’usage croissant de mots d’argot, du verlan, d’anglicismes ou de termes spécialisés – si la langue ne s’adaptait pas à la société et à la culture en évolution constante, nos collègues experts fiduciaires de Suisse allemande en seraient encore, en leur qualité de «getriuwehendære» (vieil allemand pour l’actuel «Treuhänder»), à s’occuper par exemple de «schazstiure» (vieil allemand pour ce que nous appelons aujourd’hui le «Vermögenssteuer», c’est-à-dire l’impôt sur la fortune). Peut-être aussi que vous chercheriez vos «nouvelles électroniques» dans votre «case postale électronique» au moyen d’un «calculateur pliant» (ordinateur portable).
Les termes à décliner au féminin et au masculin restent un sujet faisant l’objet de discussions controversées. Faut-il écrire «Chères lectrices et chers lecteurs» ou plus simplement «Chers lecteurs»? A défaut d’être politiquement correcte, cette dernière solution simplifie la lecture. Oui, mais alors, pourquoi ne pas opter tout simplement pour «Chères lectrices»? Eh bien tout simplement grâce à une règle d’orthographe qui préconise que lorsque le masculin et le féminin sont en concurrence, c’est le masculin qui l’emporte.
En allemand, la forme masculine et féminine d’un même mot peut être différente: der Leser (le lecteur), die Leserin (la lectrice). Une solution proposée est de combiner les deux en écrivant le I intermédiaire en majuscule: LeserIn. Ainsi, aussi bien la lectrice que le lecteur se sentent concernés. D’autres proposent de rendre ces termes neutres en remplaçant la terminaison marquant le genre par «**». Dans ce cas, il conviendrait de souhaiter à mes lectrices et à mes lecteurs (Leser** au lieu de Leserin) en ma qualité d’experte fiduciaire (Treuhänder** au lieu de Treuhänderin) beaucoup de succès dans leurs activités de conseil auprès de leurs mandantes et mandants «Mandant**».
La langue permet de se faire comprendre – pas seulement dans le quotidien mais également au niveau littéraire –, or, si cela doit fonctionner sans difficulté, il faut accepter un minimum de changement. L’ampleur de la tolérance nécessaire dont on veut ou on peut faire preuve dépend alors de nos goûts.
Il serait peut-être judicieux de choisir une solution pragmatique: l’usage de la langue ne devrait pas être inutilement compliqué – surtout lorsque l’on s’exprime dans sa langue maternelle – et la langue devrait être compréhensible pour tous ceux qui l’utilisent. Quoi qu’il en soit, il conviendrait de ne pas oublier l’origine et les circonstances culturelles à la base d’une langue.
Andrea Vogel