Comment percevons-nous le temps et le stress? Quels sont les pièges que nous tend notre perception? Comment nous en affranchir? Comment en dégager une plus-value pour nous, nos partenaires et nos clients? Le présent article tente de répondre à ces questions.
Comment investir correctement le temps à notre disposition? La réponse à cette question est hautement désagréable à entendre: employer son temps correctement est une affaire extrêmement individuelle. Or, il vaut la peine de commencer par investir quelques instants dans cette réflexion.
Aucun emploi du temps, pas d’agenda détaillé, pas d’iPhone, pas de Blackberry, voilà qui nous permettrait de disposer d’un peu plus de temps, d’améliorer la qualité de nos prestations et de réduire le stress. Pour cela, il faut être capable d’évaluer quelles sont les tâches déterminantes et la plus-value qui en résulte pour nous, nos partenaires et nos clients. La lecture du présent article devrait nous pousser à redécouvrir cette capacité d’évaluation afin de mieux en tirer profit.
Avoir beaucoup de temps à disposition est un luxe. Souffrir énormément du stress est un statut. Ces deux situations sont relatives et se définissent par le biais de notre perception. Celui qui semble être peu stressé et avoir beaucoup de temps est jalousé et exclu. Celui qui semble avoir peu de temps et souffrir du stress bénéficie de la compassion de ses proches et fait partie de la société.
Souffrir énormément du stress est un signe de normalité. La formule de salutation «Comment vas-tu?» a depuis longtemps été remplacée par: «Comment vas-tu? C’est le stress?» Au lieu de répondre: «Bien, merci!», l’on dit désormais: «Bien, oui, merci!» Le bon mot selon lequel les Zurichois font tout deux fois plus rapidement mais que les Bernois le font correctement du premier coup génère un sourire, ce qui exprime une certaine sympathie pour les Bernois; néanmoins, c’est tout de même les Zurichois que l’on imitera ensuite.
Notre conscience n’a pas encore définitivement classé le stress dans une catégorie. Nous craignons ses effets sur notre santé mais nous le considérons malgré tout comme indispensable à notre succès professionnel.
Le bon côté du stress est qu’il nous empêche de nous confronter à l’essentiel et aux faits désagréables: nous ne disposons tout simplement pas du temps nécessaire à cet effet. Le stress et l’agitation opérationnelle cachent ainsi par exemple des incompétences stratégiques critiques. La constatation: «Je n’ai pas une seule seconde!» sonne tout de même mieux que: «Je me sens complètement dépassé!» Le stress n’est donc pas seulement un symbole du statut social mais plutôt un bon alibi pour tout ce que nous ne voulons pas percevoir ou tout ce que nous voudrions percevoir autrement.
Ici, la poursuite de la lecture de cet article est recommandée à tous les lecteurs qui ne veulent pas se contenter de ce type d’ironie facile. Que tous les autres abordent un autre thème traité dans la présente édition du TREX.
Nous analysons trois pièges classiques que nous tend notre perception:
- Le stress est mauvais pour la santé.
- Le stress favorise le succès professionnel.
- Plus nous sommes stressés, plus nous devenons des collaborateurs précieux.
C’est bien là que se trouve tout le côté paradoxal du stress: il semble que nous en ayons besoin et il semble faire partie intégrante d’une vie bien remplie. Malgré tout, nous nous en plaignons en raison de l’effet nuisible qu’il est supposé avoir sur notre santé.
Mais osons pour une fois une analyse franche: d’où provient ce stress paradoxal dont nous avons besoin tout en le considérant comme nuisible?
Nous souffrons du stress lorsque nous craignons de ne pouvoir répondre à nos propres exigences ou à celles des autres. Partons de l’hypothèse que nous (lecteurs et auteur) constituions une communauté qui pose de hautes exigences à elle-même. Supposons en outre que notre position sociale entraîne également des attentes élevées de la part de nos clients et partenaires envers nous.
Que représente dès lors le stress que nous percevons? Il signifie que les clients et nous-mêmes nous fixons pour objectif de donner le meilleur de nous-mêmes. Cette exigence est-elle mauvaise pour la santé? Non, bien au contraire! Elle donne la possibilité à tous ceux qui veulent fournir des prestations de pointe de découvrir leur véritable potentiel et d’en tirer profit. Cela est très sain quand on le considère de manière globale. Pour cela, une des conditions les plus avantageuses est d’être capable de considérer positivement le fait d’avoir fourni la prestation – indépendamment du résultat obtenu.
Nous avons cependant tendance à nous détendre en pensant: exactement, le stress n’est pas si négatif que cela! Si nous aimons notre travail, le stress vécu dans le cadre de notre activité constitue un stimulus positif pour notre qualité de vie. Cela est vrai si l’on parle de l’influence du stress sur la santé de nos concitoyens désireux de fournir le meilleur d’eux-mêmes. Cela n’est vrai qu’à certaines conditions si nous considérons l’influence sur le succès professionnel.
Si nous sommes de temps à autre stressés dans le cadre d’un projet, nous pouvons sans autre considérer ce stress comme bon à la fois pour la santé et pour le succès professionnel. Un stress permanent dans le cadre d’un projet débouche toutefois sur des crispations. Le manque de distance réduit la marge de manœuvre pour la recherche de solutions et peut accroître les risques d’erreurs, déranger considérablement le rythme du processus Percevoir–Décider–Agir et mettre ainsi en danger l’aboutissement positif du projet.
Un collaborateur est considéré comme précieux lorsqu’il maîtrise à la perfection sa spécialité et qu’il fait preuve d’une profonde estime envers son client. Mais comment s’exprime cette estime? Par un véritable intérêt. Et comment exprime-t-on un véritable intérêt? Par un communication très précise et une réception très ouverte.
Le fait de poser LA question intéressante supplémentaire que ne posent pas tous les autres partenaires du client en fait certainement partie. Cela force en effet le client à formuler de nouvelles réponses et à prendre conscience de constatations véritablement importantes.
Lorsque nous souffrons de stress, cela trouble de manière tout à fait particulière nos capacités réceptives. Une véritable compréhension devient improbable puisque l’on manque de patience pour écouter jusqu’à la fin. Après la première moitié d’une phrase, nous pensons déjà savoir ce que le client voulait dire et nous faisons disparaître cette affirmation présumée dans le tiroir qui convient. Voici un bel exemple.
Le client: «Vos recommandations sont très précieuses pour moi. Mais si je réfléchis à ce que je dois investir, alors …» A ce moment, notre oreille stressée pense entendre le vieil air bien connu: « … je dois dire que je n’en ai pas les moyens!»
Le client (qui chante une nouvelle chanson): « … je dois vraiment pouvoir me fier à ce que cette mesure développe l’effet attendu. L’expérience que j’ai de vos qualités me pousse à me lancer dans cet investissement!»
Quant à nous (en réponse au vieil air bien connu): «Oui, je comprends bien qu’il ne s’agit pas d’un investissement courant et je suis volontiers disposé à discuter d’éventuelles adaptations.»
Dans ce cas précis, bien loin de nous rendre plus précieux, le stress a détruit de la valeur. Il est donc grand temps de nous libérer des pièges que nous tend notre perception!
Nous éclairons deux points de concentration:
- la concentration sur l’estime
- la concentration sur le moment présent
Une estime élevée se transforme en valeur ajoutée élevée. Si je fais preuve d’un véritable intérêt pour mes partenaires et mes clients, j’établis la condition nécessaire à ce que l’estime que me portent ces derniers fournisse une contribution à ma valeur ajoutée.
Je me concentre donc sur les partenaires et clients auprès desquels je considère qu’il y a de bonnes chances que cette équation puisse trouver une solution. Le temps engagé devient donc un véritable plaisir et le stress devient une source de motivation positive.
Ce qui était n’est plus et ce qui sera n’est pas encore. Seul le moment présent est réel. Voici pour la composante philosophique. Quant à la composante pratique, la voilà: le stress résulte des réflexions annexes que nous nous faisons au sujet de ce qui sera dans une heure, dans un jour, dans une semaine ou encore au sujet de ce que j’aurais sans doute dû faire en ce moment même.
Plus ma concentration sur la prestation à fournir en ce moment même est forte, plus je peux faire abstraction de ces réflexions annexes dérangeantes. Il devient ainsi impossible de percevoir un stress dont l’effet serait négatif.
Nous devons évaluer où nous pouvons engager notre temps de travail de la manière la plus positive et la plus efficace. C’est quelque chose qui se modifie tout au long d’une vie. Il se peut que nous ayons réalisé au cours de ces dernières années une plus-value dont nos fidèles clients ne sont même pas conscients. Dès lors, le problème devient passionnant: souvent, une plus-value non officielle et perçue de manière inconsciente vaut bien davantage que la plus-value officielle facturée sous forme de prestations.
Poussons ce raisonnement plus loin: si nous arrivons à proposer et à représenter des prestations et des effets en dehors du standard comparable des fiduciaires, il nous sera possible de libérer notre prix de la relation directe avec le temps. Nous pourrons le mettre en relation avec une utilité globale et pourrons ainsi profiter d’une plus grande disponibilité à l’investissement.
Le dicton: «Le temps, c’est de l’argent», constitue donc un paradoxe dans ce contexte. Lorsque nous facturons notre prestation personnelle, le temps est alors le niveau le plus bas et le moins important pour le client qui puisse être mis en relation avec l’argent. Le client a alors tendance à oublier l’utilité dont il bénéficie par l’utilité dont nous bénéficions de notre côté («J’aimerais bien pouvoir appliquer ton tarif horaire!»).
Engager davantage de temps équivaut à obtenir de meilleures prestations de moi-même mais pas forcément plus d’effet pour le client. Il est possible que j’aie une idée dans un intervalle de quelques secondes qui contribuera peut-être de manière déterminante au succès économique de mon employeur. Si je considère que le temps et l’argent sont équivalents, je facture la contre-valeur d’une tasse de café pour la garantie de survie de son entreprise.
Si nous parvenons à accepter le stress comme quelque chose de positif, nous bénéficierons d’un stress positif. En le percevant de manière concentrée et non permanente, nous subissons un meilleur stress. En développant en permanence le sens de l’appréciation de nos tâches importantes et de notre plus-value pour nous, pour nos partenaires et pour nos clients, nous serons soumis à un meilleur stress.