Les impôts à la source peuvent concerner toutes les entreprises suisses, même si elles n’exercent leur activité qu’au plan national. Vous trouverez ci-après un aperçu des principaux défis et évolutions auxquels est confronté l’employeur ainsi que les principaux obstacles à éviter.
Les impôts à la source ont pris de l’importance ces dernières années, car le nombre de personnes qui y sont assujetties et pour lesquelles les employeurs procèdent au décompte augmente. Cette évolution s’explique par une mobilité croissante des collaborateurs et par l’attractivité de la Suisse pour les travailleurs étrangers. L’employeur est tenu de calculer les impôts à la source sur la base du salaire et de les verser aux autorités; il est donc également important pour les responsables de la comptabilité salariale de connaître les obstacles éventuels. L’expérience que nous avons acquise lors des analyses de risques pour les employeurs montre que les entreprises partent souvent du principe que tout est correct dans la retenue des impôts à la source, puisque celle-ci est automatiquement calculée par le programme de gestion salariale d’un simple clic. Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas. Quand les impôts à la source retenus sur le salaire d’un collaborateur sont erronés et que celui-ci ne travaille plus dans l’entreprise, l’entreprise en sa qualité de débiteur des autorités compétentes en matière d’impôt à la source doit assumer une imputation ultérieure éventuelle des différences.
Les employeurs ayant un domicile, un siège ou une succursale en Suisse ont l’obligation d’annoncer les personnes soumises à l’imposition à la source à l’autorité fiscale compétente, dans les huit jours suivant leur engagement. Dans certains cantons, cette annonce sert de base à la détermination du barème applicable aux travailleurs. Dans la pratique, toutes les entreprises ne sont toujours pas conscientes de leur obligation d’annoncer. D’autres oublient d’annoncer certains groupes de travailleurs, par exemple les indépendants fictifs étrangers.
Sont assujettis à l’impôt à la source et à l’obligation d’annoncer:
- les personnes physiques qui ne sont pas au bénéfice d’un permis d’établissement C qui séjournent ou vivent dans le canton et perçoivent un revenu d’une activité lucrative dépendante dans le canton (art. 83 LIFD);
- les personnes physiques qui ne sont pas au bénéfice d’un permis d’établissement C, qui séjournent ou vivent dans un autre canton et perçoivent un revenu d’un employeur ayant son siège dans le canton;
- les travailleurs qui sont soumis à la procédure de décompte simplifiée pour la lutte contre le travail au noir, même si ces personnes ont la nationalité suisse ou sont au bénéfice d’un permis d’établissement C (art. 37a al. 1 LIFD);
- les groupes spéciaux soumis à un taux spécial de l’impôt à la source, tels qu’artistes, sportifs, intervenants ou administrateurs ayant leur domicile à l’étranger.
Ne sont pas assujetties à l’impôt à la source:
- les personnes physiques au bénéfice d’un permis d’établissement C (art. 83 al. 1 LIFD);
- les personnes dont le conjoint (ou le partenaire enregistré) a la nationalité suisse ou est au bénéfice d’un permis d’établissement C (art. 83 al. 2 LIFD);
- les personnes qui exercent exclusivement une activité lucrative indépendante;
- les personnes qui perçoivent des revenus d’employeurs ayant leur siège à l’étranger (art. 6 OIS).
Certains cantons connaissent des dispositions supplémentaires qui déchargent une personne de l’assujettissement à l’impôt à la source (p.ex. propriété foncière).
Lors du décompte de l’impôt à la source, l’employeur peut choisir entre différents procédés:
- Il ne procède au décompte qu’avec le canton du siège de la société et en applique les barèmes.
- Il procède au décompte avec le canton du siège de la société, mais applique les barèmes du canton de résidence du collaborateur concerné.
- Il procède au décompte avec le canton de résidence du collaborateur et en applique les barèmes.
Pour un décompte aussi favorable que possible au travailleur, nous recommandons la troisième variante, même si celle-ci signifie une charge supplémentaire pour l’employeur et requiert en outre une connaissance approfondie des modalités d’application des différents calculs de l’impôt à la source dans les différents cantons.
Selon la situation, l’employeur procède au décompte mensuel, trimestriel ou annuel de l’impôt à la source. Il doit remettre les décomptes (avec l’indication de la personne soumise à l’impôt, de la prestation brute / du salaire brut, le barème, le nombre d’enfants, la déduction de l’impôt à la source) à l’office cantonal des contributions dans un délai de 15 jours suivant l’expiration de la période de décompte. L’office cantonal des contributions traite les décomptes et facture ensuite l’impôt à la source. Les factures doivent être réglées dans un délai de 30 jours, l’office des contributions perçoit des intérêts moratoires en cas de retard de paiement de l’impôt à la source. Si l’employeur ne remplit pas son obligation légale de décompte, il risque non seulement une amende pour violation de ses obligations de procédure (art. 174 LIFD), mais aussi une taxation par voie d’estimation (art. 130 al. 2 LIFD). En plus des décomptes, certains cantons exigent des informations supplémentaires, notamment en fin d’année. Dans tous les cas, le droit de l’employeur de se retourner contre la personne soumise à l’impôt à la source est réservé (art. 138 al. 1 LIFD).
Toutes les prestations de l’employeur résultant d’une activité lucrative dépendante sont qualifiées de revenu provenant d’une activité lucrative et sont donc soumises à l’impôt à la source (art. 84 LIFD). Pour l’employeur, la prise en compte incomplète des revenus constitue un gros risque dans la pratique. Notamment les prestations en nature, la prise en charge du coût de la vie ou même des primes d’assurance spéciales et des impôts du collaborateur pris en charge par l’employeur ne sont pas toujours enregistrés. Bien souvent, il ignore même que les prestations qui se rapportent à l’activité en Suisse et qui ne sont payées qu’ultérieurement au domicile à l’étranger entraînent également un assujettissement à l’impôt à la source en Suisse. Est exempté de l’assujettissement le remboursement des frais et des autres dépenses professionnelles par l’employeur, pour autant qu’ils correspondent à de vraies dépenses du travailleur. Le revenu brut est assujetti dans la procédure de l’impôt à la source. Il convient de faire valoir ultérieurement les dépenses non prises en compte dans le barème (notamment les frais d’obtention du revenu).
L’application des barèmes de l’impôt à la source varie d’un canton à l’autre. Cette procédure inégale complique le calcul pour les employeurs qui procèdent au décompte selon le canton de résidence du collaborateur et constitue un risque supplémentaire. Tous les cantons ne déterminent pas les barèmes correspondants et laissent l’employeur s’en charger. L’application du barème approprié est également gérée différemment d’un canton à l’autre en cas de changement de la situation personnelle (mariage, divorce, enfant, etc.). L’adaptation a lieu au mois suivant, parfois aussi de manière rétroactive au mois de l’événement ou en compensation annuelle dans les cantons ayant des barèmes de l’impôt à la source (p.ex. Genève) et dans certaines situations même de manière rétroactive au mois de janvier de l’année fiscale. Les tableaux correspondants des barèmes de l’impôt à la source des différents cantons contiennent des explications et des informations utiles. Ils doivent en outre sensibiliser leurs collaborateurs au changement de la situation personnelle, à savoir au mariage, au divorce, au changement de domicile du travailleur/de la famille, au début/à la cessation d’une activité lucrative par le conjoint et leur signaler l’obligation d’annoncer correspondante.
De même, l’employeur informe rarement son employé des possibilités de correction du barème jusqu’au 31 mars de l’année suivante. Bien que cette information ne soit pas obligatoire, elle peut être utile pour le collaborateur et réduire le montant des impôts à la source pour l’employé. Si le revenu provenant d’une activité lucrative est supérieur à 120 000 francs par an (Genève: 500 000 francs), les collaborateurs domiciliés en Suisse doivent en outre remettre une déclaration fiscale.
Bref aperçu des barèmes par l’exemple du canton de Zurich:
- barème A (avec ou sans impôt ecclésiastique) applicable aux personnes seules;
- barème B (avec ou sans impôt ecclésiastique) applicable aux personnes mariées dont le conjoint ne travaille pas et aux familles monoparentales;
- barème C (avec ou sans impôt ecclésiastique) applicable aux couples mariés avec double revenu (le revenu de l’autre conjoint est obtenu en Suisse et s’élève au minimum à 2000 francs);
- barème D (10%) applicable à une activité accessoire (lorsque l’horaire de travail hebdomadaire est inférieur à 15 heures et que le revenu mensuel brut est inférieur à 2000 francs, pour autant que la personne assujettie à l’impôt ou son conjoint obtienne un revenu additionnel);
- barème S (5%) dans la procédure de décompte simplifiée pour la lutte contre le travail au noir.
Les personnes domiciliées à l’étranger sont en principe imposées au barème A dans le canton de Zurich, car l’application du barème C pour double revenu est exclue en cas d’activités lucratives du conjoint à l’étranger.
La détermination de la déduction au titre de l’impôt à la source ne représente pas la seule difficulté pour certaines entreprises. On oublie souvent qu’elles doivent extrapoler les prestations régulières à un mois et ajouter les prestations irrégulières pour obtenir la base correcte pour le barème mensuel dans les cantons appliquant un barème mensuel de l’impôt à la source (une majorité!), en cas d’entrées / de départs en cours de mois. Aujourd’hui encore, certains programmes de gestion salariale ne calculent toujours pas correctement la base fiscale applicable dans les cantons avec compensation annuelle (par exemple les cantons de Genève, de Vaud, du Tessin et de Fribourg), parce que les responsables de la comptabilité salariale ne possèdent pas les connaissances correspondantes ou parce que les calculs effectués par le logiciel sont incorrects.
En toute logique, les entreprises situées dans des régions frontalières emploient souvent des frontaliers. Une importance particulière doit leur être accordée lors de la détermination du barème correct de l’impôt à la source. Le barème normal de l’impôt à la source ou un barème spécial s’applique selon le canton où travaille le collaborateur, l’Etat où il réside et la fréquence à laquelle il retourne à son lieu de résidence à l’étranger. Là aussi, nous constatons que les employeurs ont trop peu d’informations sur les collaborateurs concernés et ne les leur demandent pas. Quand un collaborateur fournit une adresse en Suisse, de nombreux employeurs s’en contentent sans savoir s’il existe un domicile à l’étranger et où le conjoint ou les enfants se sont installés. Sur la base des directives en matière d’autorisation ou d’assurance sociale, les entreprises tirent souvent des conclusions erronées quant au traitement fiscal des frontaliers. Les facteurs évoqués sont néanmoins déterminants pour le calcul correct des impôts à la source.
Il est également bon de savoir qu’un employeur peut être contraint de verser les impôts à la source, même s’il ne verse pas lui-même de salaire et est juste considéré comme un employeur de fait.
La loi fédérale du 17 décembre 2010 sur l’imposition des participations de collaborateur entrera en vigueur le 1er janvier 2013. Les circulaires des autorités fiscales n’avaient pas encore été publiées à la date de rédaction finale du présent article. Il n’empêche que l’employeur doit désormais décompter les instruments de participation (export) selon un taux spécial dans certaines situations (canton de ZH: 31,5%, dont 11,5% pour la Confédération et 20% pour le canton) et établir une déclaration séparée pour les autorités en charge de l’impôt à la source, à l’instar des honoraires des administrateurs pour les administrateurs à l’étranger. Dans les deux cas, l’impôt à la source doit être versé au canton du siège de l’employeur. Cette réglementation spéciale ne concerne que les entreprises avec des instruments de participation et les groupes comptant des entreprises en Suisse et à l’étranger. Ceux-ci devraient donc impérativement se pencher sur ces cas particuliers. A cet égard, nous attirons notamment l’attention sur les nouvelles obligations d’attestation vis-à-vis des autorités fiscales et des assurances sociales prévues par la loi pour les employeurs.
La Conférence suisse des impôts (CSI) a ordonné l’élaboration d’un concept censé permettre la transmission électronique des données relatives à l’impôt à la source de l’employeur aux administrations cantonales des contributions. Le groupe de travail engagé a élaboré un document correspondant qui a été mis en consultation. Nous partons du principe que les employeurs pourront acquérir dès 2014 un logiciel de gestion salariale certifié, grâce auquel les impôts à la source pourront être décomptés par voie électronique avec toutes les administrations cantonales des contributions. Cette procédure électronique de communication des salaires (PECS) constitue la base de l’uniformisation nationale prévue des désignations et applications des barèmes.
Le projet de modification de l’Ordonnance sur l’imposition à la source prévoit les changements suivants dans la classification des barèmes:
- barème A: personnes seules;
- barème B: personnes mariées dont le conjoint ne travaille pas ou familles monoparentales;
- barème C: couples mariés avec double revenu, pour autant que l’autre conjoint perçoive un revenu provenant d’une activité lucrative en Suisse ou à l’étranger (dans le cas du barème pour les contribuables mariés avec double revenu C, il est renoncé à la distinction entre revenu de l’homme et de la femme. Le nouveau barème pour contribuables mariés avec double revenu prend toujours en compte les frais professionnels par rapport au salaire brut imposable. Les autres déductions telles que la déduction pour double activité des conjoints et la déduction pour enfant ne seront, en revanche, intégrées dans le barème qu’à hauteur de 50% de la valeur déterminante. Le revenu du conjoint requis pour la détermination du taux est fixé de manière globale par les cantons ou la Confédération);
- barème D: activité accessoire (lorsque l’horaire de travail hebdomadaire est inférieur à 15 heures et que le revenu mensuel brut est inférieur à 2000 francs, pour autant que la personne assujettie à l’impôt obtienne parallèlement un revenu principal);
- barème E: procédure de décompte simplifiée (lutte contre le travail au noir);
- barème F: frontaliers italiens mariés (vivant à l’intérieur d’une zone de 20 km à partir de la frontière suisse et dont le conjoint exerce une activité professionnelle hors de Suisse);
- barème L: frontaliers allemands célibataires;
- barème M: frontaliers allemands mariés avec un seul revenu ou frontaliers allemands ayant le statut de famille monoparentale;
- barème N: frontaliers allemands célibataires avec double revenu;
- en l’absence d’informations:
– barème A, sans déduction pour enfant, avec impôt ecclésiastique: célibataires et travailleurs dont l’état civil n’est pas déterminé,
– barème C, sans déduction pour enfant, avec impôt ecclésiastique: personnes mariées qui ne donnent pas d’informations quant à une éventuelle activité lucrative de leur conjoint.
Les déductions pour enfant doivent en principe être accordées en fonction des allocations familiales versées pour les barèmes B, C, M et N. Dans les barèmes A et L, les déductions pour enfant peuvent être prises en compte à hauteur des pensions alimentaires versées. Un calcul de l’impôt à la source en fonction des pensions alimentaires effectivement versées est réservé. Il est également possible de faire valoir lors de la fixation du barème les enfants scolarisés ayant leur domicile à l’étranger.
L’accord du 21 juin 1999 sur la libre circulation des personnes (ALCP) interdit en principe toute discrimination en raison de la nationalité (principe du traitement national). Cette interdiction de discrimination est limitée en ce sens qu’un traitement fiscal différent est déclaré acceptable si les situations ne sont pas comparables, notamment quand cette différence s’explique par le domicile.
Dans son arrêt du 26 janvier 2010 (2C_319/2009), le Tribunal fédéral a reconnu que la procédure d’imposition à la source doit respecter le principe du traitement national et s’est appuyé pour cela sur la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes. Le principe du traitement national dispose que les ressortissants de l’UE et de l’AELE dont les conditions de vie sont comparables à celles des citoyens suisses doivent bénéficier d’un traitement fiscal identique. Le Tribunal fédéral a admis que ce principe s’appliquait même quand une personne imposée à la source domiciliée à l’étranger déclarait au moins 90% de son revenu familial mondial en Suisse. Dans ces circonstances, il parle de «quasi-résident». Quand un «quasi-résident» est imposé à la source en Suisse, le Tribunal fédéral dispose qu’il a droit aux mêmes déductions qui lui auraient été accordées dans la procédure d’imposition ordinaire. Ces principes s’appliquent par conséquent aussi aux ressortissants d’un pays de l’UE/AELE imposés à la source et domiciliés en Suisse.
Dans un arrêt ultérieur (2C_21/2010), le Tribunal fédéral a confirmé sa jurisprudence relative à la notion de «quasi-résident» et invité le canton de Genève à légiférer. Suite à cet arrêt du Tribunal fédéral, l’Administration fédérale des contributions (AFC) a été chargée de réviser la conception légale de la procédure d’imposition à la source. Le groupe de travail «Questions internationales particulières en matière d’impôts à la source» a par la suite été chargé d’examiner les propositions de réorganisation de la procédure d’imposition à la source formulées par l’AFC et de présenter des recommandations correspondantes à la Conférence des directeurs cantonaux des finances et à la CSI. Le groupe de travail a recommandé trois variantes de traitement:
- variante 1: taxation ordinaire obligatoire ultérieure pour les travailleurs imposés à la source, domiciliés ou établis en Suisse;
- variante 2: maintien de l’actuelle procédure d’imposition à la source avec la possibilité de demander une taxation ordinaire ultérieure ou de demander des adaptations de l’impôt à la source versé par le biais d’une correction du barème;
- variante 3: limitation de la procédure d’imposition à la source à l’année d’arrivée et aux deux années suivantes – avec également la possibilité de demander des adaptations de l’impôt à la source décompté par le biais d’une taxation ordinaire ultérieure ou d’une correction du barème.
Une amélioration de l’actuelle déduction de l’impôt à la source par des versements d’acomptes avec compensation annuelle ultérieure par les employeurs est en outre examinée dans les variantes 2 et 3.
Toutes les variantes nécessitant une adaptation des lois et des ordonnances, leur mise en œuvre va sans doute encore prendre du temps. En cas d’adaptation avec compensation annuelle, les employeurs devraient adapter leurs systèmes de comptabilité salariale, ce qui représente également une charge supplémentaire à la fois temporelle et financière.
Nos explications montrent que les responsables doivent avoir des connaissances approfondies pour le calcul correct des impôts à la source et les mettre à jour au fur et à mesure, car des changements substantiels sont à venir. Les employeurs ont donc intérêt à prendre ce sujet au sérieux et à s’en préoccuper. Ce n’est qu’ainsi qu’ils pourront éviter les risques financiers, voire de réputation, inutiles pour leur entreprise et leurs collaborateurs.