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… tel est le titre d’un roman du célèbre écrivain Ernest Hemingway. Il ne s’agit pas ici de se pencher sur cet ouvrage mais de réfléchir sur les crises et la communication de crise. Que sont les crises et pourquoi sont-elles plus que jamais d’actualité? Pourquoi de plus en plus de PME sont-elles prises dans les tourbillons d’une crise? Est-il possible de reconnaître une crise imminente ou même de l’empêcher? Comment une communication de crise est-elle efficace dans la pratique et une crise peut-elle représenter une opportunité? Voici ici quelques réflexions tirées de la pratique.

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1. Introduction
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Il faut faire la distinction entre les crises et les catastrophes. Toute crise n’est pas nécessairement une catastrophe. Après un événement ayant entraîné une crise, différents processus se mettent en marche, dont les conséquences massives sont à même d’entraîner des dommages importants à l’entreprise ou aux protagonistes concernés et même, dans les cas extrêmes, d’en menacer l’existence. On peut dire la même chose des catastrophes sauf que s’ajoute aussi le fait que le contrôle de la situation requiert nettement plus de ressources que dans le cas d’une crise. Une collaboration et un soutien intersystèmes sont particulièrement nécessaires, par exemple avec les services d’urgence. Quelle que soit la conceptualisation théorique, chaque crise trouve son origine dans un risque. Et il est beaucoup plus agréable de se pencher sur les risques suffisamment tôt plutôt que d’être confronté plus tard aux conséquences d’une crise ou d’une catastrophe.

La gestion des risques est une activité qui s’est établie. Les entreprises de grande taille chargent des services entiers de réfléchir sur les risques et parlent désormais de Risk Management. Mais la gestion des risques s’impose de plus en plus au sein des petites et moyennes entreprises (PME). Selon la taille de l’entreprise, avoir mis sur pied un controlling efficace s’avère déjà suffisant. Toutefois, ni le controlling opérationnel ni le controlling stratégique ne se penche, en règle générale, sur les risques en matière de réputation qu’encourent une entreprise et ses protagonistes. Les organisations de plus grande taille peuvent se permettre de mettre au point une communication de crise. Une prévention adéquate des risques, donc la préparation à des scénarios de crise possibles, est inscrite dans le cahier des charges, de même qu’un plan qui indique comment sont mises en œuvre efficacement toutes les mesures de communication nécessaires en cas de crise.

Mais qu’en est-il vraiment des petites et moyennes entreprises, soit des entreprises qui, normalement, n’ont pas établi de communication de crise et qui, dans le meilleur des cas, ne disposent que d’un service de marketing ou de relations publiques? Malheureusement, la réalité montre que les risques en matière de réputation sont tout simplement ignorés ou que le principe de l’espoir prédomine, selon la devise: nous savons en gros comment ça va se passer – si jamais quelque chose devait vraiment se passer. Mais souvent, cela ne suffit plus. De plus en plus de PME ne jouissant pas d’une grande notoriété auprès du grand public sont confrontées à des remous médiatiques ou sont les victimes de ce que l’on appelle un «Shitstorm» (terme anglais qui est passé maintenant dans le langage courant). Il ne faut pas sous-estimer les risques qui en découlent. Dans les cas extrêmes, il peut rapidement s’agir de questions de nature existentielle, par exemple quand le chiffre d’affaires s’effondre quasiment en une nuit parce que des grands clients ne peuvent et ne veulent plus poursuivre la collaboration avec l’entreprise concernée pour des raisons de réputation. Toutefois, il n’est pas toujours nécessaire que survienne un événement ou un incident pour que les bases propices au développement de crises soient posées. À titre d’exemple, l’évolution de la conjoncture actuelle en Suisse (pas seulement en raison du franc fort) représente les conditions idéales à la survenue de crises dans les PME. Les restructurations, programmes d’amélioration de l’efficacité, fusions, scissions d’entreprises, planification de succession, etc. constituent des circonstances typiques, à savoir quand la crise est quasiment la faute de l’entreprise, si cette dernière a agi de façon maladroite ou a mal communiqué ou pas communiqué du tout.

Que faire? Celui qui recommande désormais à toutes les PME de mettre en place une communication de crise professionnelle ou même des gros manuels bien épais destinés au thème de la crise fait une grosse erreur. Quand il s’agit de prévenir ou de contrôler une crise, il faut d’abord comprendre les risques (en matière de réputation) ainsi que la dynamique d’une crise et surtout avoir des alliés.

Et qui entre alors en ligne de compte? Vous l’avez déjà deviné, il s’agit des agents fiduciaires, qui peuvent jouer un rôle déterminant. De par la nature de leur activité, les experts fiduciaires se penchent quasi constamment sur les opportunités et les risques qui s’offrent à leurs clients, ceci en se basant en premier lieu sur des chiffres mais pas seulement. Les experts fiduciaires sont souvent mis à contribution en tant que personnes externes quand – exprimons-le positivement – les PME sont confrontées à de gros défis. Car, de par sa mission proprement dite, l’agent fiduciaire peut être une personne de confiance importante pour une PME.

La présente approche s’adresse donc aux agents fiduciaires qui souhaitent élargir leur rôle de personne de confiance en incluant la prise en charge des crises et la communication de crise. Il s’agit de comprendre pourquoi des crises surviennent et pourquoi de plus en plus fréquemment, de savoir ce que l’on peut faire de façon préventive et donc de savoir également comment réagir le plus correctement possible dans la phase initiale d’une crise. Un kit d’urgence en cas de crises, qui permet de savoir quoi faire durant les premières heures et qui comprend un bref résumé des principes les plus importants, est mentionné à la fin de l’article.

Vous constaterez que parfois, beaucoup de choses sont faites pour que rien ne se passe. Mais si quelque chose devait toutefois quand même survenir, il est important d’agir correctement plutôt que d’en faire trop.

Dans une première étape, il s’agit de comprendre pourquoi des crises surviennent et surtout pourquoi elles surviennent beaucoup plus rapidement de nos jours qu’il y a encore quelques années – un aspect qui est souvent sous-estimé.

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2. Crises à l’époque des scandales
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Les scandales sont à la mode, surtout les gros. Prenons par exemple le scandale des tests anti-pollution de Volkswagen. Pendant des semaines, cette affaire a fait les gros titres des journaux (pas seulement allemands) et a alimenté les émissions de débats diffusées en soirée sur toutes les chaînes. Et ça n’est pas encore fini. De nouveaux éléments, suppositions et spéculations continuent d’attiser le feu. Il s’agit là indéniablement d’un cas aux conséquences très importantes. Est remise en cause non seulement la réputation d’une entreprise mais également celle d’une nation toute entière, qui est pour ainsi dire attaquée. Des milliers de postes de travail sont en jeu, de même qu’énormément d’argent. À la fin, se poseront peut-être même des questions existentielles. Il est donc compréhensible qu’un tel thème soit traité en profondeur (et pas seulement de façon superficielle). Pour l’instant, tout va bien pourrait-on dire: un groupe comme Volkswagen est préparé à affronter des crises, et le principe suivant prévaut: qui dit grande entreprise dit grande crise.

Cela signifie-t-il alors que les petites entreprises n’ont que des petites crises? En aucune façon. De nos jours, une toute petite entreprise fait aussi très rapidement les gros titres des journaux, et pas seulement quand elle a un gros problème. Aujourd’hui, les grandes histoires naissent de plus en plus – et c’est le point le plus complexe de l’évolution – de petits riens. Mais d’où vient cette tendance à monter les choses en épingle?

Deux grands phénomènes en sont à l’origine:

1. La pression économique sur les groupes de médias

Ces 10 – 20 dernières années, le paysage des médias s’est fondamentalement transformé. Les médias en ligne ont littéralement pris le dessus sur les médias de masse classiques (journaux, revues, radio et télévision). D’un côté, ils sont devenus très populaires parce que la communication avec les lecteurs se fait quasiment en temps réel grâce à la mobilité (smartphones, tablettes, etc.), quels que soient le lieu et l’heure. De l’autre, les médias en ligne sont gratuits. Cela contribue à une chute des prix de l’information et ainsi à l’idée que celle-ci est gratuite. Cela explique aussi le succès du journal gratuit 20 Minutes.

Le comportement d’utilisation des médias et l’idée que l’information est gratuite ont conduit à un changement de paradigme en matière de consommation des médias: de moins en moins de personnes lisent les journaux de nos jours et encore moins veulent payer pour ça. Le nombre de lecteurs et d’abonnements à des journaux a fortement diminué, ce qui signifie également moins de recettes issues de la publicité. Malgré toute consolidation du paysage médiatique, les médias luttent plus que jamais aujourd’hui pour chaque lecteur et même, à la fin de la journée, pour leur survie économique.

2. Les médias sociaux redistribuent les rôles en matière d’expéditeur et de destinataire

À l’ère du numérique, nous ne sommes plus uniquement les destinataires d’un message. Grâce aux réseaux sociaux Facebook, YouTube, Twitter, Instagram & Co., nous sommes, en tant qu’utilisateurs, en mesure de devenir également les expéditeurs de contenus ou d’informations. Et ceci quels que soient l’heure et le lieu grâce à la communication mobile. À l’heure où tout est partagé, aimé et commenté, nous sommes des émetteurs et multiplicateurs potentiels d’informations et contribuons à leur diffusion. On peut citer comme exemple l’explosion d’une petite entreprise de chimie à Pratteln, mi-février 2016. Les premières informations et photos ne sont pas parues dans les médias classiques mais ont été diffusées en quelques minutes sur Twitter par des témoins de l’événement, telle une traînée de poudre.

Cela signifie que la souveraineté dans la diffusion d’informations n’appartient plus aux médias de masse traditionnels mais à chacun d’entre nous. Les scandales sont fréquents dans les médias sociaux de nos jours. Ainsi, des petits thèmes locaux sont très rapidement diffusés sur internet et peuvent très vite prendre de l’ampleur. On parle alors de «Shitstorm». Et si un «Shitstorm» est assez grand, alors il devient suffisamment important pour parvenir dans les médias de masse classiques. Ainsi, ce n’est plus trop la pertinence d’un thème qui joue un rôle dans sa diffusion mais le nombre de personnes intéressées par ce thème.


Mises ensemble, ces deux évolutions ont un fort pouvoir explosif. D’un côté, nous avons les médias classiques qui, en raison de la pression économique (moins de lecteurs = moins d’abonnements. Moins de lecteurs et d’abonnements = moins de recettes publicitaires) sont plus que jamais à la recherche de scandales. Car un scandale qui fait les gros titres se vend toujours mieux qu’une nouvelle sur la pluie et le beau temps. D’un autre côté, les médias sociaux permettent à tout un chacun aujourd’hui de mettre en ligne un (supposé) scandale. Du coup, les choses n’ont jamais été aussi rapidement montées en épingle qu’aujourd’hui.

Si l’on transpose cette évolution aux petites et moyennes entreprises, alors un potentiel totalement nouveau en matière de crises se dégage. Un restaurant ayant un problème de salmonelle ne dépassait pas autrefois le stade des informations régionales, dans le pire des cas. De nos jours, un tel cas fait beaucoup plus rapidement la une des journaux suprarégionaux ou nationaux. Souvent, les médias sociaux attisent le feu, par exemple si les clients du restaurant en question publient des photos de leur repas ou racontent encore des histoires avec moult détails. Autre exemple: un collaborateur se plaint, sur les réseaux sociaux, de la manière dont il a été licencié – un événement privé pas important pour un large public. Mais la diffusion sur Internet de ce fait anodin déclenche une vague de solidarité et provoque l’indignation collective concernant le comportement de l’entreprise à l’origine du licenciement. Et très vite, l’entreprise ou même le chef se retrouvent personnellement sur le banc des accusés aux yeux du public. De là, l’indignation est vite relayée par les médias classiques, ce qui donne naissance à un nouveau scandale qui n’est absolument pas important pour le grand public. Mais le nombre de personnes indignées suffit à donner une résonance à ce fait. On rétorquera alors dans le même temps, que le feu provoqué par ce type de scandales s’éteint plus vite. C’est vrai, mais le problème est qu’Internet n’oublie jamais. On retrouve les scandales des années après sur la Toile. C’est pourquoi même ces phénomènes éphémères de communication ne sont pas sans danger.

Il est donc d’autant plus important que les PME se penchent aussi, au moins de façon élémentaire, sur les risques potentiels et les crises. Le mieux est de réfléchir sur les risques auxquels une entreprise peut être réellement confrontée.

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3. Une évaluation pragmatique des risques
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Il faut toujours évaluer au cas par cas les risques d’une entreprise et voir si une crise peut en résulter. La liste des risques possibles est généralement très longue. On y trouve par exemple les risques produit, comme les défauts de produit ou même un retrait de produit, les risques d’exploitation comme une panne de courant, un dysfonctionnement informatique ou une panne de transport. Font également partie des risques possibles un recul du chiffre d’affaires, les restructurations, les fusions, les licenciements, la corruption et l’abus de confiance.

Une PME peut également établir à peu de frais une liste de tous les risques possibles. Se préparer aux risques éventuels et aux crises qui pourraient en résulter va cependant trop loin. Il est plutôt recommandé de se pencher sur les crises qui représentent le danger le plus grand pour l’entreprise. Pour pouvoir faire une telle évaluation des risques, il est essentiel de définir à quel type de crise un risque peut être attribué. L’enseignement1 fait la distinction entre trois types de crise selon l’entreprise concernée. La responsabilité assumée de l’entreprise en question est importante dans l’évaluation du risque.

  1. La crise «victime»: En font partie les crises provoquées par des catastrophes naturelles, des cas de force majeure ou autres, par exemple quand un bâtiment de production est tellement endommagé par un glissement de terrain que la production est interrompue pendant plusieurs semaines. Comme le concept l’indique, l’entreprise concernée est ici victime. Attribuer la faute est donc très difficile et le risque de réputation ou les dommages possibles sur la réputation sont très faibles.
  2. La crise «accident»: Comme exemple, on peut citer la panne de courant après des travaux d’excavation devant un bâtiment. Les personnes lésées par la panne désignent l’entreprise et ses responsables comme étant en partie coupables. Il en résulte un risque de réputation modéré et des dommages également modérés sur la réputation.
  3. Crise évitable: Dans le cas de la crise évitable, les personnes concernées considèrent l’entreprise comme étant coupable parce qu’elles estiment que cette crise aurait pu être évitée si l’entreprise avait agi avec circonspection et de façon responsable. Des licenciements dus à des mesures de restructuration initiées trop tardivement peuvent être un exemple de crise évitable. Le risque de réputation et les dommages qui en découlent sur la réputation sont importants.


Pour une PME, il est largement suffisant de limiter aux types «crise évitable» et éventuellement «crise accident» la liste des crises mentionnée plus haut. Car c’est là que se cachent les plus gros risques pour la réputation.

Mais attention: une crise n’est pas figée. Ainsi, une crise «victime» peut se transformer, au cours des événements, en crise évitable. Cela arrive souvent quand l’entreprise impliquée ne traite pas efficacement la crise et agit et communique maladroitement.

Exemple

En raison d’un embargo économique soudain contre le pays Y, l’entreprise X ne peut plus y exporter ses produits. X perd 50 % de son chiffre d’affaires et doit alors licencier 25 collaborateurs. À ce niveau de la situation, personne ne fait de reproche à l’entreprise. On peut donc parler de crise «victime». Mais les licenciements sont effectués de façon non coordonnée: Les collaborateurs apprennent tout d’abord les suppressions d’emplois par la presse locale. Des semaines passent avant que l’on sache qui est concerné. Par ailleurs, l’entreprise refuse de s’entretenir avec les représentants du personnel. Elle se retrouve alors confrontée à une crise évitable. Il ne s’agit plus des licenciements proprement dits mais de la manière dont l’entreprise se comporte par rapport à ses collaborateurs. Ceux qui avancent comme argument que les licenciements sont dus à un embargo pour lequel on ne peut rien faire sont hors jeu niveau communication. Une crise évitable est donc née, entraînant avec elle un risque de dommages importants pour la réputation

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4. Peut-on prévenir les crises?
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Oui, c’est possible, et cela vaut la peine de se pencher plus en détail sur la question. L’expérience montre qu’il est nettement plus agréable d’empêcher une situation désastreuse plutôt que d’y faire face. La prévention de crise agit sur deux niveaux: il s’agit d’abord de dépasser les réflexes humains puis d’implémenter des systèmes simples d’alerte rapide.

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Dépasser les réflexes humains
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En cas de crise, l’être humain se comporte souvent de façon inadéquate – presque comme si cela fait partie d’une matière obligatoire à l’école. L’origine de ce comportement remonte probablement à loin, et nous nous comportions comme ça déjà enfants. La question est la suivante: pourquoi de nombreuses personnes concernées pensent-elles pouvoir enterrer une affaire par un simple «pas de commentaire»? Les exemples montrant que cela ne fonctionne pas sont pourtant nombreux chaque jour.

Peut-être cette attitude défensive est-elle ancrée dans nos gènes en tant que réflexe humain. On l’observe déjà chez les petits enfants. Si un petit enfant prend du chocolat dans le placard de la cuisine sans avoir demandé la permission et que nous le confrontons à la situation, il contestera tout d’abord le «vol» à moins qu’il ne trouve spontanément un bon prétexte ou qu’il puisse citer quelqu’un d’autre comme pouvant être coupable. Les petits enfants ferment parfois même les yeux pour ne plus être vus. Nous observons ce même phénomène au sens figuré dans le monde de la communication de crise: contestation, culpabilité attribuée à quelqu’un d’autre ou même un «no comment» sont des tentatives appréciées appliquées dans la communication de crise initiale – qui sont vouées à l’échec. Celui qui ne rompt pas avec ces réflexes humains atterrit dans le cercle vicieux du scandale (voir figure 1).

Le réflexe humain nous incite tout d’abord à sous-estimer les problèmes, précisément parce que vus de l’intérieur, ils sont jugés comme étant plus anodins. Mais ce qui est important, ça n’est pas la perception de l’intérieur mais celle de l’extérieur: comment nos clients, collaborateurs, fournisseurs, etc. jugent-ils nos actions? Une sous-estimation des problèmes fait que nous donnons une mauvaise réponse aux questions posées, voire même – et c’est encore pire – que nous ne donnons pas de réponse du tout. Cela débouche sur de l’irritation et de la méfiance au sein des groupes d’intérêt concernés – la pression monte. Les médias commencent à faire des recherches plus intenses, ce qui fait augmenter la pression sur l’entreprise. La tension engendre de la contre-pression et de nombreuses personnes concernées ont tendance à embellir les choses. Mais cela provoque le contraire du résultat escompté: le tollé est plus grand et la pression continue d’augmenter jusqu’à ce qu’elle soit suffisamment forte pour se transformer en scandale. Les entreprises font ensuite des aveux au compte-gouttes sur ce qui est allé de travers. Parfois, cela suffit – mais quelquefois, il est trop tard et les clients partent. Le chiffre d’affaires fond, des demandes de démission se font entendre et les plus ou moins responsables doivent partir.

Le tragique de la situation est que l’on observe souvent que le scandale en lui-même et ses conséquences ne reposent pas sur le problème d’origine mais sur une mauvaise attitude en aval. C’est cela qu’il s’agit d’éviter de façon ciblée.

Ce n’est que si on parvient à dépasser les réflexes humains naturels que l’on crée la base qui va permettre d’éviter une crise dans le meilleurs des cas – ou bien de ne pas l’aggraver inutilement et tout du moins de ne pas la prolonger. En fait une recette simple mais généralement très difficile à appliquer par les personnes concernées. C’est là que des personnes de confiance externes jouent un rôle important. En tant que personnes extérieures neutres, elles ne font pas partie du cercle vicieux et sont donc nettement plus en mesure d’avoir une vue détachée et d’évaluer l’efficacité du comportement adopté.

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Implémentation de systèmes simples d’alerte rapide
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Les entreprises qui sont confrontées à une crise ou qui ont même survécu à une crise disent toujours: «Pourquoi ne l’a-t-on pas vu venir?» C’était clair qu’il allait y avoir des vagues» – oui, c’est toujours après coup que l’on est plus malin. L’avertissement seul ne garantit pas le succès mais au moins, on peut empêcher d’être pris au dépourvu. La question est de savoir s’il existe une sorte de radar qui pourrait m’avertir de l’arrivée d’une crise. Oui, cela existe:

  • Service d’écoute pour les collaborateurs

Les plus réceptifs aux signes de crises sont généralement les collaborateurs. Toutefois, indépendamment de la structure et de la culture de direction, les entreprises empêchent, dans de nombreux cas, que le savoir concernant les problèmes ou les risques latents soit utilisé de façon efficace. Il manque souvent des services d’écoute internes appropriés ou alors, les supérieurs ne disent rien aux instances plus hautes par peur d’annoncer les mauvaises nouvelles. Un principe prévaut: don’t shoot the messenger. Il est donc conseillé de promouvoir une culture d’entreprise qui se comporte d’une façon tellement transparente et ouverte par rapport aux faiblesses que l’on puisse s’adresser à elle à tout moment et sans peur de représailles éventuelles. En tant qu’exigence minimale, il faudrait mettre sur pied un service vers lequel il serait possible de se tourner en cas d’urgence et aussi de façon anonyme. Pour les petites entreprises, il n’est pas nécessaire que ce soit un service de médiation. Une simple adresse e-mail interne (p. ex. mon.feedback@exemple-sa.ch) suffit le plus souvent.

  • Service d’écoute pour les clients

Peu importe que ce soit dans le domaine B2B ou B2C2, les clients doivent pouvoir joindre une entreprise afin de pouvoir rapidement et facilement poser des questions ou émettre des critiques si besoin est. Les entreprises qui émettent des suggestions ou des critiques sont plus à même de voir si un problème de client dans un cas précis peut s’aggraver. On imagine que des douzaines de clients ont le même problème avec un produit mais on pense que l’entreprise n’est pas joignable ou qu’elle ne va pas ou pas suffisamment au-devant des clients. Ce n’est alors plus qu’une question de temps jusqu’à ce que des clients isolés trouvent un autre moyen pour attirer l’attention sur la solution du problème. Et justement, un autre moyen volontiers utilisé consiste à passer par les médias, comme les émissions À bon entendeur, etc.

  • Monitoring médias

Une entreprise est bien conseillée si elle fait des recherches sur les médias (en ligne et imprimés) après que son nom, ses produits et la direction de l’entreprise ont été évoqués. De nos jours, il existe des systèmes peu coûteux pour passer en revue sept jours sur sept les médias de Suisse ou, si nécessaire, ceux de l’étranger en fonction de termes définis. Il existe aussi des systèmes comparables pour les médias sociaux. Ainsi, une entreprise peut savoir très tôt si elle, un grand client ou un fournisseur sont mentionnés dans les médias. Généralement, le savoir suffit. Mais le moment venu, le monitoring médias peut s’avérer être un système d’alerte rapide incontournable. Celui qui est averti suffisamment tôt a assez de temps pour prendre les mesures qui s’imposent.


Un système d’alerte rapide et adapté à la pratique doit être garanti sans grandes dépenses. Celui qui a de l’avance en matière d’informations gagne non seulement du temps mais également de la marge pour mettre en œuvre les mesures adéquates afin d’endiguer une crise selon la situation et même de l’éviter, dans le meilleur des cas.

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5. Communication de crise efficace
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Si une crise ne peut être désamorcée à temps, alors une communication de crise efficace est entre autres nécessaire – «entre autres» parce que la communication de crise n’est efficace dans la pratique que si elle se fait main dans la main avec une gestion de crise adéquate (donc avec la direction, la planification et l’organisation des processus correspondants pour maîtriser une crise) et au besoin avec une prestation dite care (le suivi direct ou indirect des personnes concernées). Dans la pratique, on parle des trois C: Command, Communications and Care (voir figure 2). Dans le présent article, seul l’aspect de la communication de crise est mis en lumière.

La communication de crise elle-même comprend trois facteurs de succès: le bon contenu, la forme adéquate et un porteur de message approprié.

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Le contenu
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  • Montrer de la consternation: Un bon contenu implique le fait que l’entreprise exprime sa consternation par rapport à la situation – peu importe qu’il s’agisse d’une crise victime, accident ou inévitable. Il ne faut toutefois pas confondre la consternation avec une faiblesse ou un aveu de culpabilité. Il s’agit plutôt de se mettre au niveau des personnes concernées. On utilise pour cela des formules telles que:– Nous devons malheureusement constater que …
    – Nous regrettons fortement que …
    – Nous pouvons très bien comprendre votre grogne / agacement …
    – Nous réagirions exactement pareillement à votre place …
  • Ne communiquer que les faits: Un aspect central consiste à ne communiquer que les faits. Faire des spéculations est dangereux et débouche à coup sûr sur des contradictions. La conséquence peut en être une perte de crédibilité. Ceux qui s’en tiennent aux faits jouent la carte de la sûreté. Les faits doivent être présentés de façon simple et claire. Les formulations compliquées et peu compréhensibles sont déconcertantes et contribuent à augmenter le sentiment de méfiance.
  • Pas de tactique du salami – créer la transparence: Un contenu correct ne consiste pas uniquement à avouer ce qui est déjà connu. Autrement, on peut vite se voir reprocher d’adopter la «tactique du salami». De toute façon, les choses finissent par ressortir. Il s’agit donc de répondre activement aux questions que se posent les personnes concernées. Là où aucune réponse n’a encore été apportée, il faut montrer qu’on se pose aussi la question et qu’on cherche la réponse. Ceux qui avouent plus que ce qui est nécessaire au premier abord créent non seulement de la crédibilité mais endossent également progressivement la souveraineté en matière de communication.
  • Prendre les critiques au sérieux: La plupart du temps, ce sont les clients, les collaborateurs et l’opinion publique qui formulent des critiques. Comme elle se nourrit de subjectivité, il faut toujours évaluer la critique du point de vue de celui qui l’exprime. Seul ce changement de perspective permet de comprendre ceux qui critiquent et de trouver ensuite les bonnes mesures.
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La forme
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  • Communiquer de façon active et rapide: Une réaction rapide fait tout d’abord partie de la bonne forme. On communique à la place de ceux qui ne communiquent pas. C’est pourquoi il s’agit de lancer aussi vite que possible une communication initiale – même si cela paraît tentant, dans un premier temps, de ne rien dire et d’attendre que plusieurs faits entrent en jeu ou même d’espérer que la tempête s’éloignera d’elle-même sans faire de dégâts. La règle d’or suivante prévaut: il convient de communiquer environ une heure après un événement grave, même si c’est uniquement sous la forme d’une brève confirmation. En cas d’événement moins grave (p. ex. un article de journal négatif), on peut attendre deux à quatre heures. À ce moment-là, de nombreuses questions seront certainement en suspens. Mais le but est de montrer que l’on travaille à trouver des réponses à ces questions. Il s’agit ensuite de fournir à toutes les personnes concernées une information continue et proactive sur les évolutions et connaissances acquises.

Ne pas communiquer provoque généralement le contraire de ce que l’on souhaite atteindre. Une vieille sagesse en matière de communication dit la chose suivante: on ne peut pas ne pas communiquer.3 Celui qui ne dit rien en dit beaucoup selon les circonstances et ouvre la porte à toutes les spéculations. Corriger ces spéculations plus tard fait partie des grands défis de la communication. Par contre, celui qui communique activement et rapidement freine considérablement le risque de spéculations et prend le dessus en matière de communication.

  • Le choix des bons canaux de communication: Font aussi partie de la forme les canaux par lesquels a lieu la communication. En règle générale, on peut utiliser les canaux existants, donc Internet, Intranet, le mailing aux clients, l’information aux collaborateurs, les communiqués de presse, les médias sociaux, etc. Pour cela, il est important de ne pas informer que les personnes directement concernées. Des vecteurs et porteurs de message importants doivent également être en possession des informations actuelles. Les collaborateurs sont par exemple interpellés par un événement dans leur environnement professionnel et privé et doivent si nécessaire pouvoir donner des Renseignements.
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Le porteur du message
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Une fois que le contenu et la forme correcte ont été définis, il s’agit de se pencher sur l’expéditeur du message – pas seulement l’entreprise mais aussi la personne. Un principe prévaut: la communication de crise est l’affaire des chefs. Cela peut paraître simple mais ça ne l’est pas tant que ça. Dans une crise, le président du conseil d’administration ou au moins le CEO devrait être l’expéditeur du message. Il en est certainement ainsi dans de nombreux cas. À vrai dire, une solution de repli peut être judicieuse dans certaines circonstances, quand il existe un risque latent de développement d’une crise. Il est alors préférable de commencer à un niveau en dessous.


En résumé, on notera que les trois facteurs intervenant dans une communication de crise efficace sont de la même importance. Celui qui les combine avec adresse communique avec efficacité. Les causes d’une communication de crise qui a échoué viennent toujours du fait que l’un des trois facteurs n’a pas été suffisamment pris en compte.

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6. La crise en tant qu’opportunité
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Max Frisch a dit une fois que «la crise peut être un état productif. Il faut juste lui ôter l’arrière-goût de catastrophe.» Et il a raison.

Il existe de nombreux exemples qui montrent comment les crises peuvent être des opportunités. Le vol 111 de Swissair est un exemple révélateur en matière de communication de crise en Suisse. Swissair et la cheffe de la communication de l’époque ont compris comment harmoniser le contenu, la forme et le porteur du message. Jusqu’à la fin de son existence, Swissair a été une référence en matière de sécurité dans le monde de l’industrie et au niveau international. La compagnie aérienne le doit aussi à une bonne communication de crise.

En résumé, il n’est pas utile d’avoir dans le tiroir un manuel de crise bien épais. Quand la tempête arrive, quelques pages suffisent.

Il suffit de pouvoir reconnaître à temps une crise et de la combattre avec efficacité – de l’accepter de façon constructive malgré une énorme dynamique et la perte temporaire de contrôle sur la souveraineté de l’information et de prendre en compte quelques recettes simples en gardant la tête froide.

L’agent fiduciaire joue un rôle déterminant dans le domaine des PME et peut, avec la perspective extérieure nécessaire, garantir une prévention de crise adéquate et au besoin assurer un suivi initial.

L’expérience le montre: cela peut concerner toute entreprise – quelles que soient la taille et la branche. Justement «pour qui sonne le glas …».

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7. Kit d’urgence en cas de crise
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  • De nos jours, les scandales ont lieu dans de nombreuses cuisines et sans beaucoup d’ingrédients – aussi dans sa propre entreprise.
  • Le potentiel de crise augmente constamment – toute entreprise ou individu peut être concerné – et de plus en plus de PME sont touchées.
  • Aujourd’hui, toute entreprise devrait avoir défini, en tant que standard minimum, le top 5 des risques portant sur les crises évitables.
  • Le plus grand ennemi d’une communication de crise efficace, c’est nous-mêmes. Nous devons dépasser nos réflexes humains.
  • Les systèmes d’alerte rapide permettent d’endiguer fortement le risque de crise.
  • La communication de crise repose sur un bon contenu, une forme adéquate et un porteur de message approprié.
  • Chaque crise peut être une opportunité!
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  1. Ansgar Thiessen, Organisationskommunikation in Krisen, 2011.
  2. La désignation B2B (Business-to-Business) est généralement utilisée pour dénommer les relations établies entre au moins deux entreprises. Par contre, on parle de B2C (Business-to-Consumer) pour désigner les relations établies entre une entreprise et des consommateurs, donc des personnes privées en tant que clients.
  3. Il s’agit de la formulation connue de Watzlawik et al.
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